À hauteur de femme

Le 8 mars est la Journée internationale des femmes. Son objectif est de dénoncer les discriminations, les inégalités et les violences vécues par les femmes. Pour l’occasion, le Journal de Chambly s’est entretenu avec Alexandra Labbé, première mairesse de l’histoire de la Ville de Chambly.

Est-ce que faire sa place en politique pour une femme, c’est plus complexe que pour un homme?

« Je dirais que ça comporte des défis différents. Je trouve que, généralement, dans les métiers publics où il y a exposition à la critique, le jugement est plus dur et qu’il y a moins d’indulgence envers les femmes. Surprenamment, il arrive même que ce soit les femmes qui aient ce regard plus dur envers leurs congénères. Je trouve difficile de quantifier l’homme ou la femme en termes de “ plus ou moins “. Nous avons une tonne de différences à faire disparaître, nous sommes avant tout des êtres humains. »

Y a-t-il une pression supplémentaire sur la femme quant à son apparence? La juge-t-on trop sur cet aspect plutôt que sur ses positions, ses idées?

« Valérie Plante a fait une belle sortie à ce sujet. Elle dit que c’est encore difficile de parler de ça. Pas simplement dans l’apparence, mais bien dans nos discours, on se fait juger sévèrement. La femme a moins le droit à l’erreur. On s’attend à ce qu’elle excelle. En général, on a tendance à pardonner plus facilement les erreurs et les errances de jugement des hommes. Il est toutefois difficile d’en parler, car nous avons l’impression que si l’on dénonce ce double standard, nous sommes des plaignardes. »

Avez-vous vécu des moments dans votre carrière où vous vous êtes dit « Si je n’étais pas une femme, je ne vivrais pas ça »?

« Oui, mais en même temps, c’est difficile d’affirmer que c’est dû au fait que je suis une femme. Je suis la première femme à me présenter à la mairie, ce n’est pas banal. J’ose croire que je n’ai pas été élue parce que je suis une femme, mais ça demeure paradoxal qu’en 2019, ce soit une première. J’ai eu la chance dans ce parcours d’avoir le soutien de la première femme conseillère qui, elle, a vécu des situations vraiment plus dures que moi. À l’époque, au sein même de sa famille, ce n’était pas accepté. Elle a eu à se battre. Moi, la route était tracée. »

Comment se sent-on quand on devient la première mairesse d’une Ville?

« Je n’y pense pas au quotidien, mais je trouve cela impressionnant. Mon parcours des trois ou quatre dernières années m’impressionne, mais pas dans l’angle particulier que je sois devenue la première femme à la mairie. Ça fait partie de tout le lot. »

Que souhaite-t-on aux femmes pour l’avenir?

« La même place que tout le monde. J’ai envie qu’une petite fille n’ait pas à se dire que courir comme une fille, c’est courir pas vite. J’ai envie qu’on cesse de se dire “ être une femme en politique “. Je suis en politique, et ça adonne que je suis une femme. C’est ce que l’on doit se souhaiter, arrêter d’avoir un regard différent selon les genres. »

L’équité passe-t-elle nécessairement par la parité?

« C’est un dilemme entre mettre quelqu’un dans une chaise pour ses compétences ou, car l’on s’oblige, en raison de son genre, de son statut particulier, de sa nationalité, de sa différence. Est-ce que tout le monde doit avoir une place? Est-ce que l’on se doit d’être représentatif? Dans le discours, oui. Par contre, se forcer de le faire pour que, sur la photo, ce soit ce que l’on voit, mais que l’on ne le fasse pas de manière intégrée, je n’y vois pas d’intérêt. »

Est-ce que la femme Alexandra Labbé et la mairesse Alexandra Labbé sont deux entités dissociables?

« Clairement, et il faut le faire, particulièrement dans un métier public où tu es constamment confrontée au regard des autres. Je ne plairai jamais, comme mairesse, à tout le monde, mais ce n’est pas lié à moi, à ma personnalité, c’est ce que je fais en tant que mairesse. Les gens ont légitimement le droit d’être en désaccord avec moi. Les jugements portés sur la mairesse ne concernent pas ma vie personnelle. »

Dans la société, arrive-t-il que la femme ait des passe-droits?

« J’ai de la difficulté avec cette idée pour la simple et bonne raison que l‘on part de trop loin pour se permettre ce genre de discours. Se poser la question, c’est presque insultant. L’image que l’on donnait de la femme dans des publicités qui remontent à il n’y a pas si longtemps, c’est carrément dégueulasse. Donc, tomber dans le discours inverse peut être dangereux. Il faut célébrer tout ce que nous avons gagné et reconnaître ce que les femmes avant nous ont subi pour nous rendre où nous sommes. On le voit avec nos voisins du sud, il faut être prudent car ce que l’on a, on a travaillé fort pour l’avoir, et il ne suffit que de peu pour que nous perdions nos acquis. Il ne faut jamais l’oublier. »