Comité de conservation des sols de Rouville : 30 ans d’implication en agriculture

Le Comité de conservation des sols de Rouville (CCSR) a vu le jour en 1988. Trente ans après, quel bilan font ses fondateurs et quelles perspectives se présentent pour ceux et celles qui prennent le relais ?
« Il y a évolution, mais il y a toujours de la place à l’amélioration », commente le Chamblyen Hubert Fréchette. « Si vous montez le mont Saint-Hilaire, Rougemont ou Saint-Grégoire à l’automne, vous allez voir des champs verts qui ont été plantés autrefois, enchaîne Gérard Lavoie. C’est concret comme résultat. Nous autres, on ne voulait pas pelleter les nuages. Pas de paperasse; il y a un projet, on le fait ! »
Les deux cofondateurs du CCSR ont œuvré comme agronomes au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAC). Avec le soutien de la Société d’agriculture de Rouville, la MRC, le Centre financier aux entreprises Desjardins, ils ont fondé cet organisme qui aujourd’hui est soutenu aussi par deux clubs-conseils en agroenvironnement, soit Agri-durable et Groupe Pro-conseil.
Les deux agronomes croyaient pouvoir tabler sur une subvention du fédéral, mais un changement d’orientation de la politique de celui-ci était plutôt axé sur la dépollution de la rivière Yamaska. Ils se sont tournés alors vers les acteurs locaux pour poursuivre le projet.

Engrais verts et brise-vent

L’état des lieux à l’époque est ainsi décrit par Hubert Fréchette, aujourd’hui retraité : « à l’automne, les sols étaient plus durs à labourer; les tracteurs grossissaient, les chariots rétrécissaient; la neige noire, c’est-à-dire l’érosion éolienne, etc. »

« On ne voulait pas pelleter les nuages. Pas de paperasse; il y a un projet, on le fait ! » – Gérard Lavoie

Les deux comparses ont commencé alors à visiter des agriculteurs pour les sensibiliser à l’utilisation d’engrais verts, entre autres, la moutarde, le trèfle, et les céréales, mais aussi à leur montrer comment se servir du fumier. « On faisait des expériences sur le terrain, relate l’octogénaire Hubert Fréchette en faisant référence à l’érosion éolienne. Il fallait utiliser du fumier de façon optimale, et quand le gars battait son orge ou son blé, la plante s’accaparait du fumier et si elle mourait, elle conservait la valeur fertilisante du fumier de manière à ce que le vent n’ait pas de prise sur elle. »
Gérard Lavoie précise de son côté qu’à l’époque, les agriculteurs «se débarrassaient du fumier; maintenant on le valorise, on tient compte de sa valeur de fertilisation. (…) Mais pour les bandes riveraines, ce n’est pas encore parfait. » Il fait état aussi des plantations d’arbres et d’arbustes le long de l’autoroute 10 qui servent de brise-vent, et d’ajouter : « les brises vent, c’est le comité qui a parti ça. On était des leaders ».
Julie Boisvert, une jeune agronome, travaille auprès du comité, dont les bureaux sont à Saint-Césaire. Son constat : « avant, tout le monde utilisait la charrue et labourait toutes les superficies. C’est un bon équipement la charrue, mais ça ne laisse pas de résidus de culture sur la surface du sol en plus des problèmes d’érosion. Après, on a remplacé la charrue par un outil qui va travailler le sol et qui va laisser un peu de résidus. Puis, on a dit on va arrêter de travailler le sol pour faire du semi-direct : on ne retourne plus la terre, on sème constamment. Puis là on est rendu au semi-couvert permanent ».

Le défi de la compaction

Reste encore de trouver une solution afin de réduire les problèmes de compaction qui empêchent les espèces vivantes et l’air de circuler à travers la terre. De fait, Julie Boisvert décrit le paradoxe : « les machines qui grossissent, il y a deux raisons : le sol se compactait et c’est de plus en plus difficile à travailler; après on va aller chercher un tracteur plus puissant. C’est un cercle vicieux. Il est plus lourd, donc plus de risque de compaction ». À cela s’ajoute, poursuit-elle, l’impératif de produire plus et plus vite sans nécessairement perdre au niveau de la qualité du sol. « C’est un équilibre délicat à atteindre. »
Gérard Lavoie abonde dans le même sens, mais se montre optimiste vu, dit-il, la conscientisation au sein du milieu agricole quant au problème de compaction. « Si les roues passent toujours dans le même endroit, ça va faire moins de compaction », suggère l’agronome non sans faire observer qu’amener l’agriculteur à changer d’équipement reste la partie la plus difficile.

Agriculteurs plus informés

D’une même voix, les trois interlocuteurs assurent avoir constaté beaucoup d’amélioration. « Je suis enchantée de l’amélioration que je vois au niveau des connaissances et des compétences des agriculteurs, soutient Julie Boisvert. Ils sont curieux, expérimentés. » « Si on ne fait pas attention à l’avenir de l’agriculture, c’est de l’asphalte qu’on va manger ! L’agronome est là pour les sciences », tient à souligner pour sa part Hubert Fréchette.
D’après le bilan des activités de 2017, depuis 2013, le CCSR teste un projet d’innovation en culture de couverture, lequel se décline par un mélange de plusieurs engrais verts. 24 entreprises différentes ont implanté sur plus de 50 hectares ces cultures. Ce projet a permis de tester 18 espèces. « Depuis quelques années (il y a eu) une augmentation des superficies sous couvert végétal à l’automne et au printemps ce qui constitue une excellente méthode de conservation des sols » peut-on lire dans le document.