Cancer du sein : un slogan qui attire l’attention

Trois femmes ayant participé à la pièce Groupe Seins présentée au Café-Théâtre de Chambly et ayant eu le cancer du sein s’expriment sur le slogan qui attire l’attention de la campagne lancée par la Fondation cancer du sein du Québec (FCSQ).

« C’est pas juste un cancer de matante » est le nom de la nouvelle campagne. « L’objectif est d’allumer les moins de 49 ans sur le fait que le cancer du sein, c’est pas juste pour les 50 ans et plus. Ce qu’il faut regarder derrière, c’est que les statistiques sont plus choquantes que le slogan », explique Karine-Iseult Ippersiel, présidente-directrice générale de la FCSQ. Ainsi, la fondation vise à éduquer les femmes de moins de 50 ans à reconnaître hâtivement les signes d’un cancer du sein, le dépistage automatisé n’existant pas pour cette tranche d’âge.

Anik St-Onge, professeure en marketing à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), établit que dans un plan de communication marketing, au départ, il faut bien définir sa cible ainsi que l’objectif communicationnel et marketing. Elle convient qu’une campagne touchera une cible primaire mais qu’elle ne devra pas heurter les cibles secondaire. « Elle (FCSQ) est allée dans la provocation. Quand on va trop dans la provocation, le capital de sympathie va devenir négatif […] je me demande à quel point ça va vraiment sensibiliser une jeune femme? », questionne-t-elle. Elle compare à titre d’exemple la microbrasserie Archibald ayant fait réagir avec ses noms de bières, dont la Matante. « Avec le cancer, on est dans une autre catégorie de produit. Il ne faut pas oublier que la FCSQ veut amasser des dons […] je trouve qu’elle a manqué de sensibilité et qu’il y a peu de stratégie derrière tout ça », résume la professeure.

Sexisme, âgisme et insultes

Sur les réseaux sociaux de la FCSQ, il est possible de lire de vives réactions. Certaines parlent d’âgisme et de sexisme. D’autres considèrent le slogan insultant. « On se doutait que ça allait éveiller l’attention des gens mais le cancer du sein, c’est sexiste. Ça touche les femmes, c’est un fait. On a rien planifié pour que ce soit sexiste », fait part Mme Ippersiel. En ce qui a trait à l’âgisme, « on ne traite pas les femmes de matante, on dit que ce n’est pas un cancer de matante. C’est une expression pour dire que c’est chez les jeunes aussi », renchérit la PDG, qui assure n’avoir voulu offenser personne et ne s’attendait pas à essuyer des critiques cet ordre. « Ce qui est offusquant, c’est qu’une jeune femme ait de la misère à se faire dépister au Québec car elle n’a pas de médecin de famille et que ça prenne du temps. Ça c’est choquant, ça c’est sexiste. C’est là qu’il faut mettre nos énergies et non pas sur le slogan », complète la femme qui s’exprime pour la FCSQ.

« Je n’haïs pas ça ce slogan. » – Julia Rizzi

« On peut se demander à quoi les gestionnaires ont pensé. C’est très dénigrant pour la femme, surtout en 2022. C’est un discours qu’on demande aux hommes de changer […] on est rendu ailleurs qu’aux jokes de matantes et de mononcles », fait valoir Mme St-Onge.

La FCSQ affirme recevoir beaucoup de messages positifs relativement à la campagne et se dit satisfaite de celle-ci.

La FCSQ a lancé le Projet Diagnostic. Celui-ci vise à soutenir les efforts de réduction de la durée du processus de pré-diagnostic à sept semaines, et à réduire la détresse ressentie par les personnes touchées pendant le processus pré-diagnostic. La ligne téléphonique de soutien et d’aide à la navigation est le 1-855-561-ROSE.

Des survivantes s’expriment

« Oui, la phrase frappe et c’est vrai que le diagnostic est détecté de plus en plus jeune mais, je ne sais pas si c’est rassembleur à la cause […] je n’aime pas l’expression même si je comprends ce qu’ils veulent dire », exprime Micheline Potvin. La femme de presque 65 ans a combattu le cancer à partir d’octobre 2010 et a fini ses traitements en juin 2011. « Tu peux mettre un baume en y allant avec une phrase plus accrocheuse pour amasser des dons […] j’y serais allée avec une phrase avec une approche disant plutôt qu’il n’y a pas d’âge pour ce cancer », termine à ce sujet Mme Boivin.

« On peut penser que ce sont davantage les femmes dans la soixantaine qui ont ça (cancer du sein). On ne s’y attend pas quand on est jeune. Je n’haïs pas ça ce slogan. On pense qu’on est invincible quand on est jeune mais on ne l’est pas », mentionne Julia Rizzi. Elle souligne que le gouvernement suggère la mammographie annuelle à 50 ans mais qu’elle devrait plutôt être introduite dès 40 ans.  En 2016, Mme Rizzi a combattu le cancer du sein. Un an plus tard, la femme de 40 ans concluait ses traitements. Sa mère a eu le cancer du sein à 67 ans. Sa cousine a, quant à elle, succombé à la maladie à l’âge de 39 ans.

« C’est vrai, il y a de plus en plus de « jeunes matantes » qui peuvent avoir malheureusement le cancer du sein. Ça me touche beaucoup de voir des jeunes femmes passer par là », émet Cynthia Trottier qui, travaillant dans le milieu hospitalier, en côtoie plusieurs. Le femme de 39 ans s’est battue contre le cancer du sein en 2016 et ses traitements se sont étalés sur 10 mois.

Le cancer du sein en chiffres

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes au Canada et la 2e cause de décès par cancer chez les Canadiennes.

Au Canada, on estime à 26 300 le nombre de femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein et à 5 000 le nombre de femmes qui en décéderont annuellement.

Au Québec, chaque année, on estime à 6 000 le nombre de femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein et à 1 350 le nombre de femmes qui en décéderont.

Les femmes de 50 à 69 ans présentent le taux le plus élevé de cancer du sein. Chez les femmes de 20 à 49 ans, 18 % des cancers diagnostiqués sont des cancers du sein et constituent la première cause de décès par cancer dans ce groupe d’âge.

Au Canada, on estime également que 210 hommes recevront un diagnostic de cancer du sein par an et que 60 en mourront. Apprenez-en plus sur le cancer du sein chez l’homme ici.

1 femme sur 8 développera un cancer du sein au cours de sa vie.

1 femme sur 31 en mourra.