Yves-François Blanchet commente le projet de loi 96

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Par Jean-Christophe Noël
Yves-François Blanchet commente le projet de loi 96
Yves-François Blanchet, député du comté de Beloeil-Chambly et chef du Bloc québécois. (Photo : archives)

Simon Jolin-Barrette, ministre responsable de la Langue française, a déposé la semaine dernière le projet de loi 96 (PL96), Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Le Journal de Chambly s’est entretenu avec Yves-François Blanchet, député du comté de Beloeil-Chambly, chef du Bloc québécois et ardent passionné de la langue française.

Quelle est votre réaction devant ce PL96?

Personnellement, je suis enchanté. C’est une initiative extraordinaire. Je pense que ça suscitera une formidable réaction des Québécois.

Le PL96 va-t-il assez loin pour assurer la pérennité de la langue française au Québec?

Je pense que c’est le plus grand pas vers l’avant depuis la version originale de la loi 101. Je ne pense pas que ça assure la pérennité du français. La seule façon de s’en assurer, c’est la souveraineté. Pas juste pour protéger le français. Je ne protège pas le français car il est menacé; je le mets de l’avant parce que c’est ma langue et que je veux que les gens qui choisissent le Québec soient capables de la parler, de la chanter, de vivre les arts en français, etc.

Vos homologues canadiens ont-ils réagi?

Non, pas vraiment. Ils ont beaucoup tergiversé après le dépôt et j’ai questionné la vice-première ministre du Canada en l’absence du premier ministre. Déjà, des députés et des ministres libéraux ont commencé à émettre des commentaires contre la loi 96, chose que je les invite à ne pas faire, car le Québec va très mal réagir. Même les gens qui ne seront pas d’accord avec tous les détails de cette loi seront fâchés si Ottawa essaie d’empêcher le Québec de prendre ses propres décisions.

En termes d’effets, le PL96 se compare-t-il à la loi 101?

Non. La loi 101 est un moment fondateur en 1977. C’était une révolution. C’est aux tribunaux qu’ont eu recours les adversaires de la loi 101 pour la détruire, parce qu’elle fonctionnait bien. Pendant de nombreuses années après, on en a fait de grands principes, mais on n’a peu agi. C’est l’un des rares gestes importants posés en faveur de la loi 101 et de la Charte de la langue française depuis sa version originale.

Y a-t-il un fait saillant issu du PL96 crucial à vos yeux?

L’inscription dans la Constitution canadienne affirmant que le Québec est une nation dont la seule langue officielle et commune est le français. C’est en soi historique, car ce n’est pas qu’un symbole. La Constitution est le document qui doit régir l’ensemble du fonctionnement de l’État canadien.

Dénotez-vous des ajustements à apporter au PL96?

J’allais au point de ne pas être content de Simon (Jolin-Barrette) dans ce dossier-là, mais parce que je suis là pour protéger les compétences de l’Assemblée nationale du Québec, je garde une réserve par rapport aux enjeux internes. Les libéraux, Québec solidaire, le Parti québécois et la CAQ auront ces discussions entre eux.

Avec le PL96, vous attendez-vous à être servi en français dans tous les commerces du Québec?

J’imagine un progrès, non pas une conclusion. Le plus grand progrès pour le français, ce n’est pas tant une loi; c’est quand tout le monde vivant sur le territoire québécois se dit que le Québec est une nation dont la langue commune est le français, pas une langue imposée […] après ça, la langue que les gens parlent à la maison, ça leur appartient. C’est la nuance entre l’espace public, l’espace d’État et l’espace privé.

Comment réagissez-vous quand vous êtes servi ou accueilli en anglais dans un commerce au Québec?

Je réponds en français. Si les gens ne comprennent pas, ça se peut que je sorte carrément du commerce, c’est une question de respect. Si j’ai assez de respect pour dépenser mon argent dans un commerce, je m’attends de lui qu’il ait assez de respect pour parler ma langue, langue commune de tous les Québécois, incluant lui-même.

L’utilisation de la clause de dérogation est-elle risquée?

C’est légal, ça fait partie du régime constitutionnel canadien […] j’invite Ottawa à ne pas s’opposer à la volonté du Québec, mais même à l’aider, en reconnaissant légitimement sa demande, et à respecter ce qui est mis dans la loi 96.

Avec le PL96, le Québec sculpte-t-il davantage son identité à travers la nation canadienne?

Le Canada définira sa propre identité et le Québec en fera de même. Pour l’instant, on est dans un État plurinational : les Acadiens forment une nation au même titre que chacune des Premières Nations autochtones. Il y a une dizaine de nations dans ce que l’on appelle le Canada et elles doivent toutes être reconnues comme telles […] Ça fait tellement longtemps que l’on tergiverse sur la reconnaissance de la nation québécoise. Les Québécois veulent être reconnus comme une nation à part entière.

Est-ce acceptable qu’un travailleur québécois ne puisse avoir un travail donné du fait qu’il ne sache pas parler anglais?

Si l’on transige en commerce avec l’étranger, tu as besoin de l’anglais. Même chose si tu transiges avec des touristes. C’est normal de demander d’avoir une maîtrise de l’anglais. Ce qui n’est pas acceptable, c’est lorsqu’un emploi ne nécessite pas de connaissance en anglais mais qu’on l’exige quand même juste parce que le patron préfère s’exprimer en anglais.

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