Projet de loi sur la laïcité de l’État: une iniquité dans le milieu scolaire

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Par Martine Veillette
Projet de loi sur la laïcité de l’État: une iniquité dans le milieu scolaire
(Photo : archives)

Les présidentes des Commissions scolaires des Patriotes (CSP) et des Hautes-Rivières (CSHR) déplorent que le projet de loi sur la laïcité de l’État vise uniquement les enseignants des écoles publiques. Elles estiment qu’il y a une iniquité.
Le projet de loi numéro 21 déposé le 28 mars par Simon Jolin-Barrette, ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, prévoit principalement d’interdire le port de signes religieux et d’offrir les services à visages découverts. Différentes personnes travaillant dans le secteur public et payées par le gouvernement sont visées par ce projet de loi, dont les employés des commissions scolaires. Cependant, ceux qui portaient un signe religieux ou un voile avant que le projet de loi ne soit déposé disposent d’un droit acquis.
Hélène Roberge, présidente de la CSP, et Andrée Bouchard, celle de la CSHR, espèrent que le projet de loi évoluera. Toutes deux affirment qu’il est nécessaire de séparer la religion de l’État, mais que le projet de loi tel que présenté soulève certains questionnements.

Enseignants au public

La première problématique qu’elles mentionnent est que le secteur scolaire privé n’est pas touché par la loi alors qu’il est financé à 70 % par le gouvernement. « Les enseignants des écoles privées reçoivent la même formation que ceux au public. Selon le projet de loi actuel, ils ne sont pas touchés. Il y a là une iniquité que je ne comprends pas », affirme Mme Bouchard.
De plus, ce sont seulement les enseignants et les directions d’école qui sont concernés. Les autres employés ne le sont pas. « Les élèves ne font pas la distinction entre les enseignants et les autres membres du personnel », soutient Mme Roberge.
De plus, elle ajoute que le projet de loi ne définit pas exactement ce qu’est un signe religieux. « Je connais quelqu’un qui porte des boucles d’oreilles en forme de croix. Est-ce considéré comme un signe religieux? », se questionne Mme Roberge.

« Ce qui nous fait réagir, c’est qu’il y a une certaine contradiction avec les valeurs qu’on prône auprès des élèves. » – Hélène Roberge

Contre les valeurs d’ouverture

Mmes Roberge et Bouchard affirment que l’interdiction du port de signes religieux va à l’encontre des valeurs d’ouverture enseignées par les milieux scolaires.
« Ce qui nous fait réagir, c’est qu’il y a une certaine contradiction avec les valeurs qu’on prône auprès des élèves, mentionne la présidente de la CSP. Dans notre plan d’engagement vers la réussite, on veut que les membres de notre personnel soient des modèles pour nos élèves, notamment par notre ouverture à l’autre et à la diversité. »
« Dans les écoles, on travaille le vivre ensemble, notamment avec la diversité québécoise. Quel message ça envoie? », se questionne pour sa part la présidente de la CSHR.

Conséquences

Les présidentes croient que si la loi est approuvée telle quelle, cela pourrait entraîner diverses conséquences. L’une d’elles sera possiblement d’accentuer la pénurie de main-d’œuvre dans la profession, principalement dans les écoles publiques.
Mme Bouchard trouve également que le projet de loi « touche beaucoup la communauté islamique ». Elle affirme avoir vu des élèves porter le hijab. « Cela signifie que certaines élèves n’auront pas accès à certaines professions », se désole-t-elle.
La présidente estime que le projet de loi répond à une peur des groupes extrémistes. Elle précise que les immigrants qui sont venus vivre ici ne sont pas tous des criminels ni des extrémistes. « Les convictions religieuses font partie des valeurs d’une personne », dit-elle.
Mme Bouchard ajoute que « l’éducation est une solution pour essayer d’éloigner la violence ».
Les deux commissions scolaires se conformeront à la loi lorsqu’elle sera adoptée.
Les commissions scolaires sont rattachées à la Fédération des Commissions scolaires du Québec (FCSQ). Elles n’ont pas encore pris de position officielle. Toutefois, la FCSQ a indiqué dans un communiqué qu’elle « compte bien participer avec rigueur aux consultations à venir sur le projet de loi, afin de bien exprimer le point de vue des commissions scolaires ».

Bâtiments scolaires

Plusieurs bâtiments scolaires portent des noms de religieux ou des croix sur leur devanture. Pour le moment, le projet de loi ne prévoit pas de changement à ce sujet.
Mme Bouchard souligne que lors de la fusion des commissions scolaires, en 1998, celle des Hautes-Rivières s’est retrouvée avec des écoles ayant le même nom. « On avait sondé pour savoir si on changeait des noms. Les gens sont attachés aux noms. Ça devient culturel.»

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Denis Beaulé
Denis Beaulé
3 années

De fait, il y aura iniquité. De fait aussi, ça ne correspond pas aux valeurs professées en classe. Et de fait, enfin, ce sont surtout et d’abord les enfants mêmes qui en souffriront le plus. Sachant qu’il y déjà grand manque de personnel enseignant. Ce pourquoi on peut (se) demander comment d’aucun.e.s ont pu arriver à la conclusion qu’il s’avère plus important d’éliminer des personnes voilées de la vue d’enfants que de leur faire faire les apprentissages et leur prodiguer les ‘soins’ éducatifs en général dont ils ont un impérieux besoin et pour lesquels, croyait-on, l’école est censée exister.

Denis Beaulé
Denis Beaulé
3 années

Le plus désolant là-dedans, c’est l’incompréhensible empressement — (comme s’il y avait le feu ou… inondation) — à bloquer immédiatement l’entrée de ressources enseignantes nouvelles, sous peu disponibles, leur ayant déjà coûté cher à elles en études et formation et n’en ayant pas coûté moins à l’État…; et ce seulement en raison de port d’un signe dit religieux, dont le degré d’impact, négatif ou positif, sur des enfants, demeure à ce jour encore indéterminé; alors qu’un «roulement» incessant ou, pis, un manque criant, constant ou récurrent, d’enseignante(s) pour d’aucun.e.s, eux, sont objectivement reconnus par tou.te.s comme causant dommage, mal-être ou pis-aller, quand ce n’est pas détresse chez les enfants touchés et désarroi au sein de l’ensemble des milieux scolaires affectés.
Guère moins navrante cette constatation qu’à nouveau au Québec fera-t-on « bande à part » en raison de religion encore. Au siècle passé, ç’avait été en effet ‘catholiques tou.te.s’; en ce début de siècle-ci, ce sera « loin de soi toute r’évocation de ce à quoi l’on s’était adonné.e.s jadis collectivement uniformément ». Uniformité unique en Amérique. Accompagnée, va de soi, de contrainte, d’endiguement de libertés et diversité plus restreintes qu’autour ailleurs. Y aurait-il là de quoi tirer gloire ou fierté? Croit-on inspirer ainsi un ‘Modèle’ au reste du monde?…