Myriam Da Silva : un KO psychologique

L’athlète olympique de Chambly Myriam Da Silva est accablée de séquelles psychologiques, héritage de ses 10 années parmi l’équipe nationale de boxe.

Elle est à ce jour incapable de remettre une paire de gants de boxe. 121 boxeurs actifs ou retraités ont cosigné une lettre ouverte réclamant la démission de Daniel Trépanier, directeur haute performance à Boxe Canada. Harcèlement, favoritisme et culture toxique font notamment partie des principaux blâmes adressés au directeur. « C’est une accumulation de plein de petits éléments rassemblés au fil des années », définit la Chamblyenne quant à la culture toxique. Elle soulève l’aspect parfois abstrait de cet état, de son côté intangible insidieux.

Da Silva a été la première à sortir publiquement après la publication de la lettre ouverte. « Ça en prend toujours une qui fasse la démonstration de ne plus avoir peur : j’ai décidé d’être cette personne », déclare la sportive. D’autres ont par la suite suivi sa trace : Kim Clavel, Leïla Beaudoin, Christophe Bernier, pour ne nommer que ceux-là. À travers le Canada, des athlètes se sont levés pour supporter la démarche contre le « système de peur, l’omerta en place » qui règnent chez Boxe Canada.

Myriam Da Silva se demande où étaient Roy Halpin, directeur exécutif actuel à Boxe Canada, ainsi que Pat Fiacco, ancien directeur exécutif. Tous deux ont oeuvré sous »l’ère Trépanier ». « Ils auraient dû intervenir », soutient la boxeuse. Elle leur impute une part de responsabilité alors qu’elle mentionne qu’ils ont été « témoins de flags et de mains levées […] en aucun temps dans sa réponse, il (Halpin) ne prend conscience des traumatismes de deux générations d’athlètes ».

« C’était le néant. Mon combat, c’est un écran noir : un sentiment de me noyer. » – Myriam Da Silva

Jeux olympiques

Da Silva a participé aux Jeux olympiques de Tokyo l’an dernier. Deux semaines avant les JO, Da Silva était en camp d’entraînement à Vancouver. Dans un ressenti de panique, elle avait exprimé une ultime fois à l’assistant-entraîneur Samir El-Mais son désir ne pas travailler avec John Mbumba dans son coin. « C’est ce que Daniel (Trépanier) a décidé », lui avait répondu El-Mais.

Elle mentionne se souvenir de peu de choses des ses JO. « C’était le néant. Mon combat, c’est un écran noir : un sentiment de me noyer ». Parmi ce dont elle se souvient, la voix de Ariane Fortin, dans les gradins, à laquelle elle s’accroche pour traverser la tempête dans l’arène ressort. Ariane Fortin entraîne l’équipe féminine de la Corée du Sud. Elle fait partie des 121 pugilistes réclamant la démission de Daniel Trépanier. « C’est grâce à elle que mon corps n’a pas lâché, que je ne me suis pas noyée », estime Da Silva, qui avait été ruée de plusieurs charges violentes au sein du combat. Lors de son entrevue après le combat, à la question »que s’est-il passé? », Myriam Da Silva a poussé un long soupir évocateur. « Ça voulait dire »sauvez-nous ». Je voulais qu’on vienne me sauver mais je ne pouvais pas dire »à l’aide! ». »

Depuis les JO

C’est un cheminement difficile que vit Myriam Da Silva depuis son retour des JO. Elle vient tout juste d’être en mesure de recommencer le travail, à tâches réduites. Crises de panique et maux de coeur font désormais partie de sa réalité quand il est question d’entraînement. Elle est hebdomadairement suivie psychologiquement depuis ses Jeux. « Je n’arrive plus à remettre mes gants », termine celle qui a pris se retraite en janvier dernier afin de créer une réelle scission entre elle et l’organisme qui fédère un sport envers lequel elle voue encore un amour, « enseveli sous les débris ».