Chambly : quand l’hymne national se fait huer
Depuis l’annonce de l’éventualité d’une surtaxe douanière de 25 % imposée au Canada par le président des États-Unis, des huées se font entendre pendant l’hymne national américain lors d’événements sportifs en sol canadien. Nous avons sollicité les politiciens de notre région pour avoir leur avis sur la situation.
« Huer l’hymne national des États-Unis, ce n’est pas très élégant. D’accord. Mais mettez 20 000 personnes survoltées et insultées dans un aréna, et ne vous surprenez pas que les émotions s’expriment…», déclare Yves-François Blanchet, député fédéral de la circonscription de Beloeil – Chambly et chef du Bloc québécois.
« C’est évident que les événements qui se déroulent ont une incidence sur le moral et sur l’attitude des gens. Nous sommes tous sensibles à ce climat d’incertitude et je crois que chacun l’exprime différemment. Il faut éviter à tout prix que les démonstrations se déroulent en absence de respect, mais c’est difficile pour certains de bien comprendre la limite. Je ne cautionne pas ce type de manifestations », affirme de son côté Alexandra Labbé, mairesse de Chambly.
« Il aurait été très étonnant d’entendre ces huées précédemment car les Américains ont longtemps été nos alliés et amis. Sous cette menace économique, je comprends ce sentiment de déception et de colère. Maintenant, je ne pense pas qu’il faut en vouloir à tous les Américains. Ils ne sont pas tous responsables du geste irresponsable que pose leur président », estime quant à lui Jean-François Roberge, député provincial dans Chambly et ministre de la Langue française.
Ce n’est pas nouveau
Michel Vigneault est historien du sport et chargé de cours en science de l’activité physique à l’UQAM. Il se rappelle avoir déjà entendu des huées lors de l’hymne national américain pendant la guerre en Irak au début des années 2000. Il fait également allusion aux indépendantistes qui s’assoyaient pendant l’hymne national canadien lors du référendum québécois de 1980. « Ce n’est pas nouveau. C’est une façon pour la foule de réagir à certains événements temporaires », considère l’historien.
Dans le monde du sport, plusieurs ont décrié ces manifestations prétextant que le sport et la politique ne devraient pas se confondre. « Quand tu fais jouer des hymnes, attends-toi à une réaction s’il y a un événement marquant qui arrive. Le sport et la politique, ça a toujours été ensemble », juge M. Vigneault.
La toute première Confrontation des 4 nations de la Ligue nationale de hockey (LNH) bat son plein. Les meilleurs joueurs du Canada, des États-Unis, de la Suède et de la Finlande croiseront le fer dans ce tournoi. Michel Vigneault soulève la possibilité que la foule pourrait profiter de l’occasion pour faire entendre son mécontentement. C’est d’ailleurs ce soir qu’aura lieu la partie opposant les Canadiens aux Américains.
Le début de la tradition
Le chargé de cours souligne que l’hymne national a été entendu officiellement autour de 1918 lors de la Série mondiale au baseball. Cela coïncidait quelques semaines avant que l’Armistice ne soit signée. « Les Américains étaient entrés en guerre en 1917. C’était un geste de soutien aux soldats au combat depuis un an », relate M. Vigneault. Au hockey, il ajoute que c’est dans les années 30 que le God Save the King s’est installé. Ô Canada est arrivé par la suite.
Un concept dépassé?
Considérant qu’une équipe de hockey de la LNH est généralement constituée notamment de Canadiens, d’Américains, de Russes, de Suédois, de Finlandais et de Tchèques, est-ce que chanter l’hymne national d’un pays avant la partie est devenu un concept dépassé? « Moi je suis contre. Si tu veux faire l’hymne national, fais celui de tous les joueurs qui sont là, mais on en aurait pour une trentaine de minutes. Ça n’a pas vraiment sa place. C’était plus patriotique lors des guerres », fait valoir Michel Vigneault.
Afficher ses allégeances
Dans le sport professionnel, plusieurs sportifs exposent ouvertement leurs allégeances politiques. Après avoir gagné la Coupe Stanley en 2011, Tim Thomas, gardien de but des Bruins de Boston avait refusé d’accompagner son équipe à la Maison-Blanche alors habitée par Barack Obama. En 2018, Donald Trump avait retiré l’invitation à se rendre à la Maison-Blanche transmise aux Eagles de Philadelphie, vainqueurs du dernier Super Bowl.
Certains joueurs avaient choisi de mettre un genou à terre pendant l’hymne national en riposte aux violences raciales aux États-Unis. « Ils sont des citoyens et ont le droit de vote. Comme les artistes, ils ont le droit de réagir comme ils l’entendent », termine Michel Vigneault.