Vivre avec un enfant autiste

Des familles vivant avec un enfant atteint du trouble du spectre de l’autisme (TSA) parlent de leur réalité.

Caroline Proulx est mère de quatre enfants. Son fils de 13 ans (Mathieu*) a un TSA reconnu à l’âge de 5 ans, trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et haut potentiel (HP). Sa fille (Julie*) de 12 ans a également reçu un diagnostic de TSA dès l’âge de 4 ans.

Carol-Ann Perron est la mère deGabriel, 7 ans. C’est à l’âge de 2 ans, alors que Gabriel ne répondait pas à son prénom que les soupçons se sont éveillés chez la Chamblyenne. Le fait qu’il aligne à répétition ses petites voitures et qu’il n’établisse de contacts visuels a ajouté à son doute. À 6 ans, Gabriel a été officiellement déclaré TSA. Il avait préalablement été identifié TDAH.

Signes, réactions et différence

Le comportement d’un enfant TSA diffère et se témoigne sous diverses formes. Parmi ce que les deux mamans énumèrent, « de grandes colères incompréhensibles liées à un étiquette dans un chandail; vivre un léger contact physique qui mène à de violentes crises en des lieux publics, impliquant une contention; réactions vives à des texture alimentaires; sauter pendant trois heures sur un ballon sauteur sans épuisement; une hyposensibilité pouvant se traduire par dormir avec beaucoup de couvertures ou porter plusieurs pantalons à la fois; des câlins d’une force inouïe; une intériorité et une méfiance exacerbées; complimenter énormément; jouer en parallèle des autres plutôt qu’avec eux; aligner à répétition des jouets; ne pas établir de contacts visuels, hypersensibilité, anxiété, etc. », font partie du lot.

Routine quotidienne

La routine pour des parents dont les enfants ne vivent pas avec un diagnostic n’est déjà pas toujours simple. Qu’en est-il pour une famille avec des enfants dits TSA? « Plus jeunes, ça a été mouvementé, car mes enfants ont des rigidités et des besoins différents. Par exemple, je devais faire deux ou trois soupers par soir. Il y a aussi les gestions de colère qui diffèrent; Mathieu les exprime fortement et c’est fini, alors que celles de Julie, je dois les deviner. Quand mon garçon est en crise, il veut se tuer. Il demande donc toute mon énergie, toute mon attention. En réaction à ça, Julie a un comportement d’opposition et conteste. S’ajoute à ça mon plus jeune de 6 ans, qui comprend plus ou moins ce qui se passe et qui veut aussi de l’attention et manifester sa présence. »

À l’école

Mathieu fréquente l’école secondaire de Saint-Bruno, en classe spécialisée. Sa force scolaire se situe en mathématiques. Selon ce qu’il vit, une salle d’isolement dans laquelle une contention physique peut être nécessaire fait partie de sa réalité. « Le temps que je me rende à l’école, il est arrivé qu’on l’ait déjà envoyé à l’hôpital. Il tentait de mettre fin à ses jours, car il avait tellement mal qu’il devenait à ce moment incapable de gérer l’émotion. Il se dit ‘’Je vais mourir et revenir; ensuite, je serai correct’’. Nous avons maintenant une combinaison de médicaments qui aide à stabiliser son impulsivité. »

Julie est dans une classe TSA à l’école Carignan-Salières. Dans son cas, elle vit ses principales réussites dans ce qui touche les arts. « Nous venons de débuter la médication, car malgré nos efforts, ça ne suffisait pas. Depuis qu’elle la prend, ses notes sont meilleures. Ça aide à sa confiance et à son estime. »

Gabriel est également en classe TSA à l’école Carignan-Salières. « Être dans une classe spécialisée est le plus cadeau que l’on ait pu avoir pour lui. Il s’y développe très bien. » C’est également dans le domaine des arts que Gabriel trouve ses aises.

Ressources

Éducateurs spécialisés, psychoéducateur, psychologue, orthophoniste, ergothérapeute et pédopsychiatre font partie d’une grande équipe dont Mathieu bénéficie. Ces services proviennent du réseau scolaire ainsi que du réseau privé.

COVID-19

« C’est drôle à dire, mais la distanciation physique aide, car ils ne sont pas touchés et personne n’entre dans leur bulle. Pour le masque, c’est autre chose, à cause de la texture, d’avoir quelque chose dans le visage. C’est un élément irritant. » Les enfants de Mme Proulx ont une dérogation pour le port du masque, mais elle n’est pas appliquée, car « ce n’est pas écrit dans leur front qu’il sont TSA. Mathieu s’est tanné ». L’exemption du gel désinfectant est aussi permise dans son cas. De son côté, Julie porte le foulard de style cow-boy. « C’est le plus qu’elle peut porter. Sinon, ça finit dans le local d’isolement. »

Jugement extérieur

La compréhension de l’autisme n’est pas naturelle pour tous. Quel regard la société porte-t-elle à cet effet? « Beaucoup n’y croient pas et pensent que l’on catégorise, qu’on les catalogue, qu’on les drogue, etc. Je me suis même fait dire par une inconnue ‘’Laisse-moi ton gars une semaine et je vais te l’éduquer, ton enfant.’’ Il y a encore beaucoup de préjugés, surtout au sujet de comment on réagit devant une crise », reconnait la mère de quatre enfants.

« Par manque de connaissances, il y a encore des gens qui stigmatisent. La différence peut faire peur. Les gens entendent le mot ‘’trouble’’, mais c’est mal identifié. Ce n’est pas un trouble, mais bien une différence, et cette différence, elle est magnifique. Quand tu vas en profondeur, tu découvres les capacités de ton enfant », valorise la mère de Gabriel.

Avenir

« Bien encadrés, je pense qu’ils feront des adultes responsables, capables de mener une bonne vie. D’un point de vue relationnel, pour Mathieu, ça prendra quelqu’un qui comprend ses besoins, qui offre une ouverture. Ce n’est pas nécessairement lui qui comblera les besoins de l’autre à long terme. »

« Gabriel a une grande intelligence. Il sera en mesure de se choisir un domaine. Le parent ne doit jamais baisser les bras et ne jamais cesser de croire en son enfant », termine Mme Perron.

*Prénoms fictifs