Portrait d’une survivante
Un onzième féminicide en cette année 2021 a frappé le Québec. Le journal s’est entretenu avec Stéphanie Bisson, une survivante de la Maison Simonne-Monet-Chartrand (SMC) de Chambly.
Pendant huit ans, elle a vécu avec un homme violent. Comme c’est souvent le cas, l’homme en question fait initialement preuve de gentillesse et de générosité. « Avec le temps, ça commence par une petite claque, une petite poussée, et ça finit par te casser quelque chose », avance celle qui a eu recours à des soins hospitaliers à maintes reprises, entre autres pour des côtes fracturées. Coups de poing, cigarette dans l’œil, prise de gorge et se faire abandonner nue dans la neige font partie des sévices qu’elle a vécus.
Bien que l’entourage soit conscient de la situation, le cycle infernal semble difficile à fuir et le schéma se manifeste en boucle. « Il redevient fin, mais ensuite, ça recommence. Je le laisse et il promet d’être gentil, mais c’est un cercle vicieux qui se répète », établit la victime, mère de deux enfants.
Séparée du père de l’aîné des enfants, Mme Bisson a vu sa garde diminuer au fil du temps afin de cacher sa réalité. « J’avais un œil au beurre noir, un doigt cassé, je ne pouvais marcher, parfois. Les liens étaient coupés avec mes amis, ma famille. »
Déclic pour demander de l’aide
À de nombreuses reprises, elle a sollicité de l’aide. La Maison SMC n’a pas été son premier centre d’hébergement. Encore une fois, après quelques séjours, elle retombe dans les griffes de son bourreau. C’est après une seconde tentative à la Maison SMC qu’elle trouve son salut. « La Maison SMC m’a sauvé la vie. Les femmes qui y travaillent sont adorables et ont beaucoup d’amour à donner. Elles sont impliquées et trouvent des ressources. Tu ne te sens pas comme un numéro, tu te sens comme chez toi », décrit la femme dont le dernier séjour a duré deux mois.
« La Maison SMC m’a sauvé la vie. » – Stéphanie Bisson
L’après violence conjugale
Demander de l’aide, c’est le premier pas. Toutefois, éventuellement, il faut réintégrer cette société dans laquelle l’agresseur circule encore. « Présentement, je vais super bien. J’étais tombée dans la drogue et l’alcool et j’ai tout perdu. Je suis sobre depuis deux ans. Je suis bien placée dans mon appartement avec mon plus jeune garçon » dit avec luminosité Mme Bisson, qui est entrée à la Maison SMC alors que le cadet n’avait qu’un seul mois d’âge. Solidifiée par du travail intérieur et de multiples suivis, notamment celui de la gestion des émotions, elle a repris confiance en elle.
Confiance envers les hommes
Après une longue période sombre de la sorte, quelle image reste-t-il de l’homme en général? « Je n’ai pas envie d’en rencontrer. Peut-être serai-je toujours seule. J’ai connu plusieurs hommes violents dans mes relations. Les hommes ont souvent l’air gentil au début. Je sais qu’il y en a des bons, mais je n’ai pas un bon regard sur ceux-ci. J’ai toujours peur de revivre le même scénario », dépeint la femme marquée.
Convaincre pour de l’aide
Parfois, la victime est consciente qu’elle a besoin d’aide, mais poser le geste d’aller en chercher peut être l’étape où le processus avorte. S’entourer des bonnes personnes et faire les choix s’imposent. La crainte de la solitude, de l’abandon, de l’inconnu, de recommencer à zéro a habité Stéphanie Bisson. « Je dirais que c’est le plus beau cadeau qu’une victime puisse s’offrir. Aujourd’hui, je vis ma meilleure vie et je suis heureuse. Je ne pensais pas que c’était possible. Avoir su, je l’aurais fait bien avant, », conclut la femme de 37 ans.
À propos de Stéphanie Bisson
Présente lors de l’entrevue, l’agente de développement à la Maison SMC ajoute que « Stéphanie, c’est une femme qui est arrivée ici avec un passé extrêmement difficile, mais, chaque jour, elle se levait avec le sourire. Je pense qu’elle a été guidée par l’amour qu’elle porte à ses enfants. Son histoire est un bel exemple de courage pour les femmes vivant de la violence. »