Montérégie : une tablette pour remédier aux enjeux d’audition
Le Réseau Surdité Montérégie (RSM), dont le Chamblyen Serge Gélinas est le directeur général (DG), tente d’implanter sa tablette d’accessibilité communicationnelle (TAC) dans les villes afin de faciliter l’accès aux services pour les citoyens vivant avec des enjeux d’audition.
Depuis trois ans, le RSM met notamment l’accent sur la TAC. L’outil portatif permet aux personnes sourdes et malentendantes deux façons d’entrer en communication avec une personne entendante. D’une part, il y a le programme de transcription de la parole à l’écrit, comparable aux sous-titres dans un film. Il y a également l’interprétation vidéo à distance (IVD). Ce volet permet l’accès à un interprète qui n’a pas besoin d’être présent sur le lieu où le besoin est requis. « C’est beaucoup plus rapide que si l’interprète se déplace », soutient Yoda Lefebvre, chargé de projet relativement aux stratégies d’accessibilité communicationnelle. Dans l’attente, l’interprète reçoit une demande de sollicitation et se rend disponible pour intervenir peu importe où il se situe.
« Tasser » l’aidant naturel
L’outil permet notamment de « tasser » l’aidant naturel. « La pleine participation sociale, c’est le fait de pouvoir fonctionner sans avoir à demander de l’aide quand tu veux sortir et gérer ta vie », définit M. Lefebvre. Il chiffre que de 5 à 10 % de la population est malentendante. « Pour des moments cruciaux où tu signes une hypothèque ou que tu vas chez les notaires, lire sur les lèvres, ça peut devenir handicapant », contextualise-t-il.
Ça urgeait à l’urgence
Une première mouture de TAC s’est implantée à l’urgence. « Pendant la pandémie, c’était identifié comme un lieu vraiment anxiogène », explique Yoda Lefebvre quant à cette cible initiale. Cinq hôpitaux de la Montérégie ont leur tablette. C’est notamment le cas des hôpitaux du Haut-Richelieu, de Pierre-Boucher et de Charles-Le Moyne.
Le RSM, organisme à but non lucratif, souhaite désormais l’intégrer dans les services publics. Il fait entre autres des représentations auprès des villes pour qu’elles se munissent de TAC servant exclusivement à cette fonction. « On veut qu’elle soit accessible, chargée et prête pour la population sourde et malentendante », envisage Yoda Lefebvre. Demandes de permis, questions sur les taxes ou toutes autres raisons menant le citoyen à avoir recours à un service public sont visées. Le chargé de projet ajoute que les organismes pourraient aussi bénéficier de ce type de technologie.
Accessible dans les villes
Saint-Bruno-de-Montarville a été la « ville cobaye » adoptant le matériel. Pour l’instant, la Ville de Chambly n’a pas la TAC. L’année dernière, elle a déposé son Plan d’action à l’égard des personnes handicapées 2024. La Ville de Longueuil a entamé en 2023 une démarche visant à se doter d’une Politique en accessibilité universelle et a confié sa coordination au Bureau du développement social. Cette démarche s’échelonne sur près de deux ans pour se conclure à l’hiver 2025 avec l’adoption et l’implantation de cette politique. « Longueuil va encore plus loin et commence à lancer un signal aux autres villes », laisse entendre Serge Gélinas. Il soutient que le RSM a fait partie du comité travaillant sur cette politique longueuilloise. « On s’est assurés que ce qui est handicap invisible sera pris en considération », assure le DG du RSM. La sollicitation quant à l’implantation de la TAC se poursuit dans les municipalités en Montérégie ainsi que hors de la région.
Question de coûts
La TAC permet de réduire les coûts et les inconvénients liés au transport des interprètes. En « toute transparence », Yoda Lefebvre nuance toutefois que lorsqu’un service public se munit d’une TAC, il devient responsable financièrement de l’embauche de l’interprète. « C’est là qu’il y a une éducation sociale à faire. On dit aux gens » T’es sourd, appelle-le, ton interprète! ». Pourquoi la personne sourde devrait invertir 85 à 100 $ de l’heure pour entrer sur l’espace public alors qu’elle fait déjà partie de la tranche la plus basse des revenus moyens? », remet-il en question. « L’accessibilité, c’est le donneur de service, vers l’utilisateur et la clientèle, qui en a la responsabilité. Cette population, à part entière, en est une qui paie des taxes. Elle n’a pas à assumer, par surcroît, le coût d’accessibilité », renchérit Serge Gélinas.
Si une ville possède déjà une tablette, il en coûte initialement 300 $ pour la formation, la programmation et l’inscription sur la plateforme. Ensuite, il y a des frais annuels de 50 $ séparés entre tous les membres. « On s’attend toujours à ce qu’un système permettant l’accessibilité coûte une fortune. Les gens se demandent où est la pogne. Il y a un certain cynisme qui entoure les solutions informatiques parce que l’on s’est tous fait avoir par un abonnement quelconque », termine Yoda Lefebvre.