Deux agricultrices au parcours atypique

Les propriétaires de La Récolte des dames, une ferme de culture maraîchère biologique à Sainte-Angèle-de-Monnoir, n’ont pas un parcours d’agriculteurs comme les autres.

 

D’abord, Isabelle Laflamme et Audrey Trahan-Ducharme sont deux femmes dans ce métier. Elles sont en couple et ne sont pas issues de familles d’agriculteurs.

Selon l’avis Les femmes en agriculture : cultiver les possibles, produit par le Conseil du statut de la femme et publié récemment, « les Québécoises représentent, en 2018, 27 % des propriétaires détenant des parts d’une entreprise agricole ». Une hausse de 3 % en dix ans. On note qu’historiquement, les femmes faisaient leur entrée dans ce milieu par la voie du mariage. Leur apport à la ferme était souvent maintenu dans l’ombre. Encore aujourd’hui, les femmes propriétaires le sont avec leur conjoint.

Les deux Angèloiriennes ont participé à cette étude. « On le sait qu’on est marginales. L’inconnu fait tellement peur. On veut informer les gens que ça se peut, que c’est faisable. Même si tu es différent, si tu crois en ton projet, tu peux le faire », affirme Mme Laflamme.

Les agricultrices croient que le portrait des femmes en agriculture pourrait changer. « Les tabous ont été brisés. On remonte pas si loin et c’était le garçon qui prenait la relève, pas la fille. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de relève. Si la fille est prête à reprendre la ferme, le père va accepter. On pense que ça va s’égaliser dans le temps », disent-elles.

Leur parcours

Si les deux ont fait le saut dans ce domaine, c’est parce qu’elles sont tombées en amour avec la profession après des études en sciences de l’agriculture et de l’environnement à l’Université McGill. « À 17 ans, je ne savais pas quoi faire dans la vie. On a étudié en sciences de la nature au cégep pour voir ensuite ce qu’on ferait. J’étais néophyte en agriculture », souligne Mme Laflamme.

« On le sait qu’on est marginales. On veut informer les gens que ça se peut, que c’est faisable. Même si tu es différent, si tu crois en ton projet, tu peux le faire. » – Isabelle Laflamme

Un travail étudiant a finalement changé la donne. « Avant de finir mon baccalauréat, j’ai travaillé à une petite ferme. J’ai vraiment trippé sur le mode de production avec les paniers bio, sur les produits et le lien entre l’agriculteur et les clients », affirme-t-elle. « Je voulais devenir mon propre patron. On a vu l’opportunité et découvert une passion », soutient de son côté sa conjointe.

Elles étaient conscientes que pour faire l’achat d’une terre, elles devaient amasser une somme d’argent importante. Leur aventure a donc débuté en 2014 sur une terre louée à Sainte-Sabine, à 25 minutes de leur résidence. « Une terre a besoin qu’on soit présent quotidiennement. On ne pouvait pas faire 50 minutes de route tous les jours. On cherchait sans trop chercher un endroit habitable avec une terre. J’ai trouvé ici par hasard », explique Mme Laflamme.

Elles ont acquis leur terre de 2,6 hectares en 2016 et ont commencé à la cultiver, mais pas en totalité, en 2017. Depuis, les propriétaires vendent des légumes biologiques sous forme de paniers et en libre-service à leur terre.

Mme Laflamme mentionne qu’elles ont eu « de bons coups de pouce » pour lancer leur entreprise. Elles ont eu accès à une prime à l’établissement ainsi qu’à une bourse de la relève de 10 000 $ de la MRC de Rouville en mai 2018.

Les difficultés

Le travail sur la terre est exigeant en termes de temps, parce qu’il demande une présence quotidienne. Les deux femmes sont également mères de deux jeunes enfants. Elles alternent pour aller aux champs et assurer une présence à la maison également lorsque leur progéniture n’est pas à l’école ou à la garderie.

Les entrepreneures ont aussi embauché quelqu’un qui est présent le dimanche pour qu’elles s’offrent une journée de congé par semaine. « Pour avoir une journée de congé, on a engagé un employé. Il y a toujours quelque chose à faire. Si l’on ne fait rien, c’est parce qu’on a décidé de ne rien faire », indique Mme Ducharme.

En plus du travail dans les champs, il y a la partie paperasse. « On ne compte pas nos heures », soutient Mme Laflamme.

Le travail est aussi exigeant sur le plan physique. « Des fois, j’aimerais être plus forte, mais on cherche des manières de forcer différemment », indique-t-elle.

« J’aime ça quand un homme arrive. On en profite, renchérit sa conjointe. On se débrouille bien. On réussit à trouver des techniques et à s’adapter. Par exemple, on remplit moins les bacs. »

Comme tous les agriculteurs, elles sont aussi dépendantes de Dame Nature. Mais, somme toute, elles sont heureuses dans leur profession. « C’est difficile, comme métier. Il y a beaucoup d’incertitude. Mais c’est beau, stimulant et valorisant. Il y a quelque chose de noble dans ce qu’on fait. On va chercher notre “ paye “ quand on se couche le soir; on sait qu’on a contribué à la santé de nos abonnés et à leur plaisir gustatif », conclut Mme Laflamme.