Chambly : trente ans de féminisme pour le Centre de femmes Ainsi soit-elle

Le Centre de femmes Ainsi soit-elle souligne ses 30 ans. En trois décennies, la directrice de l’organisme soutient que la condition féminine a fait des avancées mais que la mission demeure d’actualité.

« On a fait beaucoup de gains. Je reste positive, mais, parfois, je suis un peu découragée », mentionne Josée Daigle, en faisant référence aux féminicides vécus dernièrement au Québec.

Directrice depuis 11 ans après 15 années à titre d’intervenante psychosociale, Josée Daigle a été témoin des balbutiements du centre. Elle parle de « progrès » en matière d’éducation, de travail, d’autonomie et de liberté de choix. À savoir si les femmes ont plus tendance qu’auparavant à dénoncer, à quitter leur milieu toxique et à utiliser les ressources qui leur sont dédiées, Josée Daigle répond par une question : « Est-ce qu’il y a plus de violence ou est-ce qu’il y a plus de femmes qui dénoncent? » En production du rapport annuel d’activités, elle nous fait part que le nombre de consultations individuelles en lien avec la violence (conjugale ou sexuelle) augmente d’une année à l’autre. À travers ces données en hausse, elle affirme qu’il existe encore la honte d’en parler de la part des femmes.

Inégalité entre les sexes

Josée Daigle cible le patriarcat à titre de responsable de l’inégalité des sexes. « Ce sont des siècles et des siècles de domination de l’homme sur la femme. C’est tellement intégré en nous que c’est difficile à déconstruire. Ça va prendre encore plusieurs générations », estime-t-elle. 

Elle remarque une forme de conscientisation masculine. « Certains jeunes hommes sont de plus en plus conscients, égalitaires dans leur relation », considère-t-elle. Parallèlement, elle note toutefois certains reculs. 

Installé en haut d’un bar

Le centre se nommait à l’époque le Faré (Femmes Action Ressources Écoute). Un petit local en haut du Vieux Bourgogne abritera les premiers vrais emplacements communs. « C’était un cinq et demie dans lequel on travaillait avec un foulard et des gants, parce qu’il faisait frette », rappelle Mme Daigle. Cet endroit verra arriver les premières travailleuses salariées du centre. Bien qu’elles soient, à ce moment, confinées à quatre dans un petit bureau, elle soulève l’aspect « magique » de l’organisation en développement. 

Le centre de femmes change de nom en cours de route pour honorer de façon encore plus lumineuse sa mission : « Ainsi soit-elle… Ainsi comme » de cette façon », comme tu le veux, comme tu le penses, comme tu le sens, ainsi comme un appel à chacune de faire valoir ce qu’elle est, tout simplement. Ainsi soit chaque femme avec ses différences, ses besoins, ses joies et ses peines. Être tout ce que l’on est, simplement pour le plus grand bien de tous », définit l’organisme. Ainsi soit-elle fait aussi référence à l’œuvre littéraire de Benoîte Groult, visage important du féminisme contemporain.

« Ce sont des siècles et des siècles de domination de l’homme sur la femme. » – Josée Daigle

Une identité à recadrer

Josée Daigle ajoute que la confusion subsiste entre son entité et la maison d’hébergement. « Où les gens pensent que l’on tricote et que l’on prend du café », met-elle en reflet. Elle déplore que les centres de femmes soient méconnus et/ou peu reconnus à titre de prestataires de services sociaux. Pourtant, une bonne partie de sa clientèle découle de bureaux de médecin ou de CLSC. « On dompe ça dans notre cours, on ne nous finance pas adéquatement et il faudrait que nous fassions des miracles », blâme Mme Daigle.

À ce jour, trois femmes travaillent à temps plein au centre et une à mi-temps. Pour souligner ses 30 ans, le centre invite la population à un souper, suivi d’une soirée festive, qui se tiendra le19 juin, à l’érablière Meunier de Richelieu. L’événement permettra à tous, membres, partenaires, alliés, élus et « toutes celles et ceux qui croient à la puissance de la solidarité féminine », de se rencontrer.