Au-delà des différences, une histoire d’amour

Imen Derouiche et Bernard-Louis Lefebvre ont réussi au cours des années à vivre le plus sereinement possible leur union et à dépasser les différences de leurs cultures respectives.
En mars 1998, Imen Derouiche est jetée en prison par la police tunisienne de l’ancien dictateur Ben Ali. Son arrestation suivait celle de son amoureux, un des leaders de l’Union générale des étudiants tunisiens qui manifestait de façon pacifique contre les frais de scolarité et l’omniprésence de la police dans les universités.
L’étudiante de 20 ans en droit et sciences économiques à l’Université de Tunis est torturée et violée. Elle est emprisonnée durant quinze mois. Des lettres de citoyens sous l’impulsion d’Amnistie internationale (AI), section Québec, ont réussi à l’arracher des geôles tunisiennes.
Le coup de foudre
Une fois libérée, Imen Derouiche part en France pour poursuivre son doctorat. En 2004, elle vient au Québec pour présenter des conférences sous l’égide d’AI. Elle est hébergée à Montréal chez Andrée Fortin, militante, et une des fondatrices d’AI et aussi mère de Bernard-Louis.
« C’était le 11 novembre 2004, relate Imen, sourire aux lèvres tout comme son mari, une histoire d’amour est née d’un coup de foudre. J’ai accompagné Andrée à Belœil chez son fils. Elle voulait voir sa petite-fille et aussi pour récupérer une deuxième clef pour moi. Et là je tombe sur cette beauté fatale. Je vis encore ces moments de rencontre. C’est extraordinaire. Une nouvelle page pour moi. »
« Dans ma jeune enfance, intervient Bernard-Louis, j’étais toujours habitué de voir ma mère recevoir des femmes. Je ne m’attendais pas à voir cette beauté exotique. C’était le coup de foudre pour moi aussi. À partir de ce moment, plus rien n’était comme avant. »
Au-delà des différences
Imen relate qu’au début, leur amour semblait impossible étant donné qu’elle était « bien installée à Paris, j’avais mon entreprise, ma maison. Ma vie était tout établie ». Des aller-retour entre Paris et Montréal vont se terminer en mai 2004 lorsque Bernard-Louis la demande en mariage.

« À partir de ce moment, plus rien n’était comme avant. » – Bernard-Louis Lefebvre

La fête de l’union se fera ici et aussi en Tunisie. « Sept jours de célébrations avec 600 personnes où en même temps ma sœur se mariait aussi », confie Imen. « Une expérience nouvelle pour moi, enchaîne Bernard-Louis. J’étais projeté dans un autre monde, mais traité comme un prince. »
L’Union d’une Tunisienne avec un Québécois ne s’est pas bâtie avec des regards extérieurs bienveillants. « Ma mère me raccrochait au nez quand je lui annonçais mon amour pour Bernard. Elle ne voulait rien savoir. Mon père m’a donné une chance. » Et Bernard d’ajouter : « certaines personnes de mes connaissances me disaient : y en a pas assez de filles au Québec pour aller à 6 000 km en chercher une de culture différente ».
Les mêmes valeurs humaines
Quel regard portait-il à l’époque où il a connu Imen, une femme qui a subi des actes inhumains ? « Étant donné que je l’ai connue par l’intermédiaire d’AI, le sujet était déjà dans l’air sans l’aborder de front. Une militante est venue pour donner des conférences. Pour moi, ce n’était pas quelque chose de particulier. J’étais élevé dans ça. Ç’a été d’abord pour moi l’histoire d’amour nonobstant nos cultures, nos religions différentes, nos métiers différents. J’ai conjugué ça ensemble. Moi l’entrepreneur en construction; Imen doctorante en économie. C’est un grand balayage de toutes nos habitudes pour faire place à deux choses : l’amour et parce qu’on se reconnaissait et portait les mêmes valeurs humaines fondamentales, sans nécessairement vouloir tout expliquer. Sur cette base-là, on s’est amusé avec nos différences et on les a ajustés à nous. Le but est ensuite de créer une famille. »
Aujourd’hui, le couple dirige depuis 2006 à Chambly Optimum construction, une entreprise familiale spécialisée dans la rénovation, la construction et la gestion de projet. Ils ont deux petits garçons, Yassine et Chédi.
Imen devait rencontrer la semaine dernière le maire Denis Lavoie pour le convaincre lui et le conseil municipal pour l’adoption d’une résolution afin que Chambly soit déclarée Ville contre la peine de mort. C’est que depuis 2002, à l’initiative de la Communauté de Sant’Egidio en Italie, la Journée mondiale des Villes pour la vie – Villes contre la peine de mort est célébrée tous les 30 novembre, jour anniversaire de la première abolition de la peine capitale réalisée par un État (le Grand Duché de Toscane), le 30 novembre 1786.