À la suite de l’annonce de l’octroi de plusieurs aides au secteur culturel, le journal s’est entretenu avec la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, ainsi qu’avec le député fédéral de Beloeil-Chambly, Yves-François Blanchet, pour faire le point sur les réalités et les défis présents dans le milieu culturel.
M. Blanchet a souligné que le secteur culturel est « très largement subventionné », estimant que « c’est dans les pouvoirs publics que réside l’essentiel de la solution pour le milieu des arts ». En gage de cette solution, le Ministère de Mme Roy multiplie les aides pour appuyer les arts les plus touchés par la crise.
Des arts plus touchés que d’autres
Au cours des dernières semaines, Mme Roy a annoncé que plusieurs aides seraient déployées pour soutenir les arts de la scène, le milieu du cirque et de la danse, dont un montant de 11,8 M$ consacré aux arts du cirque pour l’année 2021-2022, et d’une enveloppe de 5 M$ pour permettre aux organismes et aux artistes « d’explorer des modes de présentation d’œuvres devant public dans le contexte de la pandémie » favorables au respect de la distanciation physique.
« J’invite fortement les artistes à s’informer auprès des directions régionales du ministère de la Culture pour connaître les options d’aide qui s’offrent à eux. » – Nathalie Roy
« Les arts vivants, c’est le cirque, le théâtre, la danse, la musique, la chanson, la poésie. Ça englobe tout ce qui se passe sur une scène avec des gens rassemblés, et sous le chapiteau également », de préciser la ministre. « Ce sont, par conséquent, les premières formes d’art à être très touchées par les répercussions qu’entraîne la pandémie. L’arrêt des voyages entraîne aussi des conséquences pour le milieu du cirque, habitué à travailler à l’étranger. Il y a plus d’une troupe au Québec et elles font certes quelques représentations ici, mais sinon, elles présentent leurs spectacles partout sur la planète. C’est pour cela que nous avons mis sur pied des mesures costaudes pour aider les arts de la scène, qui sont les plus affectés par la pandémie. À l’automne dernier, nous avons injecté 50 millions de dollars en soutien aux arts de la scène, au théâtre et aux diffuseurs, tout en compensant les pertes liées aux billets qui ne pouvaient se vendre. »
Mme Roy rappelle que pour le milieu télévisuel et audiovisuel, la reprise sécuritaire des activités s’est plutôt faite rapidement, car « lorsqu’on parle d’information et de salles de nouvelles, on parle de travailleurs essentiels. Outre cela, il était très important de continuer nos captations audiovisuelles, nos films et nos téléséries ». Elle explique que vu le nombre d’artistes et d’artisans œuvrant sur un plateau, le défi était d’y établir des protocoles en accord avec la CNESST. « Nous avons annoncé notre plan de relance de 400 millions pour la culture en juin dernier et juste après, c’était déjà la reprise des tournages (…) on parle d’un budget de 450 millions pour le plan de relance de l’année dernière. Dans le budget actuel, on vient d’ajouter 147 millions pour la relance culturelle. »
Précarité et disparité
Selon M. Blanchet, « le plus grand danger pour le milieu des arts, c’est que la perte d’emplois, pour une période qui commence à être longue, fasse en sorte que des gens qui faisaient cela par passion n’en aient plus les ressources. Il y a très peu de gens qui vivent de leur art au Québec, et des gens qui en deviennent riches, encore moins. C’est un travail qu’ils font par passion, et c’est valable pour le technicien qui s’occupe des fils en tournée autant que pour quelqu’un qui gratte sa guitare. On a des artistes à succès dans le comté, comme Bruno Pelletier. Mais nous avons aussi plein d’artistes qui n’en vivent pas, et de techniciens qui n’en vivent que peu. Quand ils perdent leur emploi, ils vont travailler dans des endroits traditionnels et ne reviennent pas. C’est ce qui est catastrophique pour le milieu ».
Une aide inclusive
M. Blanchet fait aussi valoir que « les artistes ne sont pas tous soutenus financièrement. Par contre, les programmes qui sont des programmes de soutien à la création ne sont pas affectés par la crise. Ça, c’est déjà bien. Maintenant, les programmes qui ne servent pas, ce sont ceux de soutien à la tournée, évidemment, car il n’y a pas de spectacles. La danse, sans subvention pour les tournées au Québec, ça n’existe simplement pas ».
Questionnée à savoir si les ressources offertes seraient réparties de façon à être accessibles au plus grand bassin d’artistes et d’artisans possible, afin d’éviter que seule une minorité plus élitiste en bénéficie, la ministre répond qu’« il n’y a rien de parfait, mais que c’est pour cette raison que l’on ajuste ces programmes d’aide. Il y a actuellement une trentaine de programmes répartis au ministère de la Culture, et on peut aussi regarder du côté du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEQ) ».
Elle ajoute qu’« il y a une fausse croyance qui circule à l’effet qu’un artiste qui s’autoproduit n’y aurait pas droit. C’est faux. Il faut savoir que dans chaque région administrative, il y a une sorte de mini ministère de la Culture, soit la direction régionale, formée de gens compétents qui sont habilités à aiguiller les artistes vers les bons programmes. J’invite fortement les artistes à s’informer auprès des directions régionales du ministère de la Culture pour connaître les options d’aide qui s’offrent à eux ».
L’ouverture d’un nouveau marché
Le confinement ayant conditionné le secteur culturel à accélérer son passage vers l’exploitation du numérique, ce sont beaucoup d’artistes qui ont pu se produire en spectacle par télédiffusion tout en demeurant connectés à leur public ou à de nouveaux adeptes, créant ainsi un bassin de possibilités au sein d’un marché plus accessible et étendu. « Déjà avant la pandémie, c’était très important pour moi dans le budget et dans la vision que j’avais pour la culture. Je voulais favoriser le contenu et le décloisonnement des différentes disciplines, les subventions pour faire du multidisciplinaire, et les outils pour la captation numérique, qui m’apparaissaient déjà comme étant indispensables pour les différents acteurs, notamment en théâtre, car ce n’est pas tout le monde qui peut se déplacer au TNM ou au Théâtre du Rideau Vert, ou pour un concert de l’OSM, par exemple. C’est d’autant plus vrai maintenant que la proximité et les tournées sont limitées. Mais si l’outil qui permet de payer pour assister à un spectacle chez soi existe, c’est tant mieux . » Mme Roy mentionne au passage l’espace virtuel YOOP, lancé au début de la pandémie, qui a permis la tenue de plusieurs spectacles en direct au moyen de la captation numérique. « Ce qui est aussi intéressant dans le fait de se produire en ligne, c’est que l’on ouvre alors son catalogue de créations à la planète, donc à un nouveau marché à découvrir. »