Rougemont : une histoire liée à la pomme

Rougemont est historiquement lié à sa culture de la pomme. Mais comment ce village a-t-il pu devenir une référence en la matière?

Michel Jodoin est né dans les pommes. Aujourd’hui propriétaire de sa cidrerie, le Rougemontois d’origine perpétue une tradition familiale vieille de plus d’un siècle. « C’est mon arrière-grand-père, Jean-Baptiste Jodoin, qui s’est installé ici. Il vivait à Boston, comme beaucoup de Canadiens français, et attendait l’opportunité pour acheter un verger à Rougemont. Finalement, un de ses amis l’a appelé pour lui annoncer qu’un verger était disponible. »

L’emplacement sur le rang de la Petite-Caroline est tout sauf un hasard, selon Michel Jodoin. « Mon arrière-grand-père s’est établi ici en 1901. Or, les vergers existaient déjà. Cela doit bien remonter à 1890. Lorsqu’on observe de plus près l’emplacement des terrains, les conditions y sont réunies pour la culture de la pomme. Ils sont protégés des vents dominants grâce à la montagne et font face au soleil levant. Cette dernière condition est pratique en cas de gel printanier. De plus, la qualité de la terre permet d’obtenir beaucoup de bourgeons. Les agronomes n’existaient pas à l’époque, mais les cultivateurs avaient du flair. »

La famille Jodoin n’est pas la seule à construire son empire autour des pommes à Rougemont. « On peut citer les Alix, Côté, Despots, Chabot, Robert, Standiks et les Lassonde, poursuit Michel Jodoin. L’histoire du village peut se résumer au rachat des terres par les voisins, sans oublier l’abbaye cistercienne. De son côté, mon arrière-grand-père se rendait une fois par semaine au marché Bonsecours, à Montréal, en roulotte pour vendre ses pommes. Je trouve cela audacieux, vu le trajet, et il devait avoir une clientèle bien établie. »

Le cidre hors-la-loi 

De la culture de la pomme à la fabrication du cidre il n’y avait qu’un pas, que les pommiculteurs de Rougemont franchissaient allègrement malgré la prohibition. « Le cidre a toujours existé à Rougemont et tout le monde en faisait, se remémore Michel Jodoin. Le cidre était illégal dans les années 50 et 60, car il n’existait justement pas de cadre juridique l’entourant jusqu’en 1970. Mais les cultivateurs préféraient payer les amendes plutôt que d’arrêter d’en fabriquer. Il faut dire que le monde venait des quatre coins du Québec avec des jarres de quatre litres pour en acheter! Des kiosques de pommes s’étaient aussi installés à la même époque, car la route 112 traversait le village. »

Aujourd’hui, les entreprises autour de la pomme sont bien installées à Rougemont. Mais Michel Jodoin assure qu’aucune concurrence malsaine ne subsiste entre les pommiculteurs. « On se connaît tous et nous avons tous un objectif commun, c’est d’amener un maximum de touristes dans le village. On compte 50 000 visiteurs dans ma boutique chaque année, dont une bonne partie vient de l’extérieur du Québec. Les gens viennent chercher une découverte. Le tourisme à Rougemont n’est pas né d’hier et la reconnaissance internationale fait la différence. Ici, tout le monde travaille ensemble. Il faut avoir une certaine passion de la pomme pour travailler ici. Moi-même, j’ai transmis cela à mes enfants. »

Aujourd’hui, la cidrerie compte 50 hectares et Michel Jodoin a cédé son patrimoine à la cinquième génération de pommiculteurs.

« J’ai pris ma retraite, mais je viens donner encore des coups de main. L’évolution technologique change la donne et on se dirige aujourd’hui vers une culture plus intensive de la pomme avec des arbres plus étroits. »