Les livres d’Arlette
Aux abords du bassin de Chambly, le journal s’est assis avec l’écrivaine Arlette Cousture, de passage dans la municipalité.
Ses premiers plaisirs d’écriture remontent à l’âge de huit ans. Arlette Cousture avait alors écrit une composition intitulée Ma jolie montre, décrivant celle-ci, reçue de sa marraine lors de sa première communion. Le texte avait été publié dans un magazine. « Mes parents n’en revenaient pas. Ça a été mon kick pour l’écriture; c’est le fun, tu écris et ils les publient », se remémore l’autrice. Plusieurs professions ont parsemé son parcours. De tous ses métiers, enseignante au secondaire aura été son préféré. Elle l’a exercé lors de la crise d’Octobre. « Je n’étais comme pas la bienvenue avec l’anglais. En bonne démagogue, j’ai dit ‘’Si vous êtes capables d’engueuler un Anglais en anglais avant la fin de l’année, on aura avancé’’ », exprime-t-elle avec pédagogie. Des postes tels recherchiste, animatrice, reporter et journaliste garnissent sa feuille de route. « J’étais plutôt une Radio-Canadienne, mais toujours à la pige, à mon grand désespoir », confie l’écrivaine. En 1979, elle entre à Hydro-Québec à titre de conseillère en communication. Elle y reste jusqu’en 1987. Depuis cette date, elle se consacre à l’écriture à plein temps.
Les Filles de Caleb
En 1985 est lancé le premier de trois tomes de Les Filles de Caleb. Initialement, Mme Cousture voulait écrire sur sa mère, Blanche Pronovost, sous la thématique des infirmières qui sont allées travailler dans les Cantons, dans les années 30. La questionnant alors qu’elle étendait son linge au sous-sol, elle s’aperçoit que ses grands-parents (Émilie Bordeleau et Ovila Pronovost) s’étaient séparés. « Mariés en 1901 et séparés dans un Québec catholique, tadam! C’est ainsi que naquit Les Filles de Caleb », relate la femme de communication. Le « livre magique » lui a ouvert de multiples portes. « J’ai pu m’offrir un appartement à Paris et j’ai pu cesser d’avoir un emploi rémunéré; j’ai plongé dans le vide », soutient la créatrice.
Pourtant, peu après sa sortie, le livre a failli être pilonné. La pratique du pilonnage consiste à détruire des exemplaires d’un bouquin lorsque la quantité dépasse les espoirs de vente. « Le livre ne sortait pas, car c’est sorti en même temps que Lise Payette, René Lévesque, etc. », explique Michel Corriveau, ami d’Arlette Cousture, qu’il surnomme affectueusement Miss Catastrophe. Manquant de visibilité, elle demande à son attaché de presse d’être bookée partout. « Il faut que je sois connue, fais-moi connaître », exige-t-elle. Le poids média a engendré la visibilité escomptée. Trois mois après la sortie du livre, « c’est à coups de palettes de boîtes de livres » que le plancher des librairies Champigny de l’époque se remplissait.
Aux dires de Mme Cousture, l’œuvre avait préalablement été traitée comme un produit marketing. Elle était passée entre les mains d’un focus group (groupe de discussion). À la suite de commentaires, Arlette Cousture avait recommencé les dialogues au grand complet afin d’en faciliter la lecture.
« Je ne sais pas si je vais écrire encore longtemps. J’ai comme le cerveau fatigué. » – Arlette Cousture
Chère Arlette
En 2016, trente ans après Les Filles de Caleb, la romancière sort le livre Chère Arlette. Inspirée des personnages ayant vécu à travers Les Filles de Caleb, elle reçoit une lettre de 10 d’entre eux : Émilie, Ovila, Blanche, Charlotte, Douville, etc. Certains lui parlent de bonheur, certains la vilipendent, d’autres lui font des reproches, comme une mort trop hâtive, par exemple, ou encore d’être affublé d’un important strabisme. « Ce livre est sorti tout seul. Il était facile à faire. C’était comme une récréation », convient celle qui considère l’écriture comme une part de folie.
Retraite
À 74 ans, Arlette Cousture parle de retraite, une retraite sans pension. « C’est un métier extrêmement difficile, l’écriture. Je ne sais pas si je vais écrire encore longtemps. J’ai comme le cerveau fatigué », résume-t-elle. Toutefois, un projet d’écriture dont la finalité est incertaine est en branle. Sa plume rédige actuellement le livre La peine. L’histoire parle d’un programme mis sur pied par le Service de pénitencier canadien. Cinquante prisonniers au bon comportement, ayant moins de cinq ans à faire, sont relocalisés dans un village abandonné en Outaouais. À partir de là, ils doivent compléter leur peine ensemble et se débrouiller en cette microsociété expérimentale. « Ça ne me ressemble pas. Il n’y a pas de personnages féminins », termine avec le sourire Arlette Métaphores, telle que l’a baptisée son amie Johanne Dufour, également présente.
L’ensemble des livres de l’artiste née à Saint-Lambert totalise plus de 2,5 millions d’exemplaires vendus. Dernièrement annoncée, une reprise de la série Les Filles de Caleb prendra vie à la télé. C’est sous le point de vue d’Ovila que sera racontée l’histoire.