L’art de faire face à la crise…
Lorsqu’elle a ouvert sa galerie en août 2018, Clea Reynolds était loin de se douter qu’à peine un an et demi plus tard, une pandémie chamboulerait la majeure partie de ses activités.
Comme beaucoup d’entrepreneurs, de PME et d’acteurs de la scène culturelle, Clea Reynolds s’arme de résilience pour faire face à l’évolution en dents de scie de la crise sanitaire. Entre les mesures de restriction anti-COVID et leurs assouplissements, la commerçante de Chambly reconnaît qu’être galeriste à l’époque actuelle amène son lot de difficultés.
Le début de l’incertitude
« Comme bien des gens, je prends ça comme un défi à relever. Lorsque j’ai ouvert la galerie, j’avais déjà la tâche de faire connaître mon commerce. J’étais donc en pleine campagne publicitaire pour marquer la présence de mon entreprise en démarrage, ayant beaucoup de dépenses en ce sens. Je voulais aussi créer plusieurs événements. Puis, il y a eu la pandémie, le premier confinement. » Du jour au lendemain, Clea a appris qu’elle devait fermer la galerie jusqu’au mois de mai. « Plusieurs questions m’ont alors traversé l’esprit : Est-ce que mon entreprise va survivre? Quoi faire? Quoi faire pour garder l’art vivant dans la tête des gens? À cette période, pour bien du monde, l’art n’était pas considéré comme un besoin essentiel. Ce n’est qu’après que les gens ont réalisé que l’art nous aidait à rester sains d’esprit, en plus d’être le gagne-pain des peintres, des sculpteurs et autres artistes confondus », de souligner Clea.
« À date, la galerie ne me rapporte pas de gain. » – Clea Reynolds
En se remémorant le début de la crise, Clea dit avoir été « frappée d’inquiétude », notamment quant à ses finances. « Ce n’était pas facile pour une jeune entreprise comme la mienne. Oui, j’avais des économies personnelles, mais je ne voulais pas toutes les mettre dans la galerie. Je voulais que mon entreprise roule toute seule. »
En plus de ses propres déceptions, Clea a dû être confrontée à celles de certains artistes, dont un photographe, qui en était à sa première exposition, tenue au même moment où il fallait fermer la galerie. « Un défi de logistique se présente. On peut prolonger le contrat de l’artiste, mais il ne faut pas que cela chevauche celui d’un autre », expose la commerçante.
« Je suis censée rouvrir en février et je ne suis même pas sûre d’en être capable, pour les mêmes raisons que l’année passée : les restrictions quant à la capacité d’accueil de la galerie, le port du masque, etc. Les mesures sanitaires limitent beaucoup une entreprise comme la mienne, parce qu’une galerie dépend énormément des vernissages, de la proximité et des échanges. »
Quant au fait de ne pas avoir d’employés, elle admet que cela « représente un stress de moins, parce que je n’ai pas de salariés desquels assurer l’emploi. Quand je regarde les commerces voisins avoir cette responsabilité, je me dis que c’est une pression supplémentaire. Mais, en même temps, je dois compenser le fait d’être seule en redoublant d’énergie et de créativité pour tout faire rouler. Heureusement que je peux compter sur le soutien de mon entourage, de mes amis et de mes artistes! »
Celle qui en fait aussi sa mission de démocratiser l’art et de le rendre accessible, à travers les événements gratuits qu’elle organise, admet qu’éventuellement, elle aimerait vendre des billets pour en générer un revenu. « À date, la galerie ne me rapporte pas de gain. Il y a eu de très bons mois, surtout pour les artistes qui ont vendu, mais pas de là à dire que je me verse un salaire. Mais, en ce moment, la galerie roule toute seule, et ça, c’est bon! »
Elle se dit « excitée » par toutes sortes de projets et « passionnée » malgré l’incertitude qui la guette. « La passion, c’est tellement important pour partir en affaires. Il faut aussi être flexible. S’opposer au système ou s’en plaindre ne sert à rien. C’est une perte d’énergie. Il faut s’adapter au changement. Je m’y suis adaptée, par exemple, en faisant des vernissages virtuels. »
Mieux soutenir les arts et les PME
Questionnée à savoir si elle comptait bénéficier d’une aide ou d’une subvention, si ce n’est déjà fait, Clea répond qu’elle ne veut pas « devoir de l’argent au gouvernement » alors qu’elle est déjà en difficulté. « J’aime mieux payer de mes poches et m’en sortir toute seule. Si l’aide du gouvernement était considérée comme un cadeau plutôt que comme un revenu, j’aurais peut-être fait des démarches pour y avoir recours. Mais comme je n’avais pas d’employés et que mes dépenses mensuelles étaient inférieures au seuil de 40 000 $, je n’étais même pas admissible à recevoir de petites subventions. J’ai les reins assez solides, mais voir les critères d’admissibilité peut faire peur à d’autres petits entrepreneurs. » Elle estime qu’il faudrait que les programmes soient mieux adaptés aux divers profils d’entreprises et accessibles à différents niveaux. « Je comprends qu’une compagnie dans le parc industriel, qui a 50 employés, ait besoin de subventions, et tant mieux si l’aide offerte lui sert. Mais, pour les petits entrepreneurs comme moi, il y a place à l’amélioration. » Elle déplore également le manque de représentation des intérêts des galeries d’art lorsqu’il s’agit de soutenir la culture, un appui qu’elle estime davantage manifesté aux arts de la scène, par exemple.
« À travers tout ça, comme je suis née optimiste, je suis convaincue que l’on va se sortir de cette crise. Et, d’ici là, j’espère que ma galerie sera encore là. Si elle devait fermer, ce serait vraiment triste. »