Entrevue avec Ariane Moffatt: 20 ans de carrière et un retour à l’essence première

En entrevue avec le Journal de Chambly, Ariane Moffatt invite son public à la redécouvrir au travers d’un micro-spectacle issu du « dépouillement musical et humain » qu’elle présentera au Pôle culturel, le 19 novembre prochain.

Portant un regard franc et fier sur ses 20 ans de carrière, qui lui ont inspiré le concept de cette rencontre intime avec le public, Ariane aborde les enjeux de l’industrie musicale avec candeur, sans retenue ni tabou.

Le concept

« C’est un show hyper intimiste, qui devait, au départ, s’articuler autour de mes plus grands succès de carrière. Puis, au travers de l’exercice est né l’album Incarnat, qui devient finalement le cœur du spectacle et qui montre qu’il y en a encore à raconter », d’offrir l’artiste, qui a collaboré avec nul autre que Philippe Cyr (pièce de théâtre J’aime Hydro) à la mise en scène du spectacle. « On a convenu que je serai installée au piano, là où j’ai l’habitude d’écrire mes chansons, pour un lien privilégié avec le public. Et à cela s’ajouteront des éléments électro, qui partiront un peu dans toutes les directions, ce que j’aime faire. »

« Dans ce métier, durer est un défi, et le fait d’avoir toujours été présente (…) est ma plus grande fierté. » – Ariane Moffatt

Quand la providence s’en mêle

Ariane promet d’interpréter son récent tube, Beauté, dont les paroles et le vidéoclip rendent hommage aux arts et à la culture. Questionnée à savoir si la chanson avait justement pour intention de résonner autant auprès du public, dans une perspective de déconfinement vers un retour des arts, ou bien si la pertinence du propos n’était que le fruit du hasard, Ariane répond que « oui et non. C’est-à-dire que tout l’album a été écrit avant la pandémie. Je repartais en studio et, comme plein d’artistes qui repartent dans leur atelier, je cherchais quelque chose, un peu obsédée par l’idée du beau à trouver et à créer. Puis est venu le temps d’ajouter des images sur Beauté dans le clip. Avec la pandémie, je voyais les salles vides et ça m’est apparu comme une évidence; c’était ça qu’il fallait mettre en lumière, en images, ce poumon de la culture, déserté. Puis il y a la chanson Nature, dont j’ai vraiment retravaillé le texte pendant la pandémie, et qui en est la plus teintée. Mais il est vrai que plusieurs morceaux fittaient naturellement avec la période que l’on venait de traverser ».

Elle admet que pour elle, 20 ans de carrière, « ça passe un petit peu vite. Je regarde ça et je me dis que ce sont 20 ans de musique, dans des cycles un peu ininterrompus, toujours de nouveaux albums… je n’en reviens presque pas et, en même temps, je me sens encore dans l’action. Je n’ai pas un regard nostalgique sur le temps qui passe et sur ma carrière. Je me sens encore hyperactive et hyperconnectée aux nouvelles générations. Dans ce métier, durer est un défi, et le fait d’avoir toujours été présente, d’avoir toujours eu des oreilles preneuses et réceptives à mes chansons, est ma plus grande fierté », reconnaît la Quebec’s sweetheart des auteurs-compositeurs-interprètes.

Bien qu’elle soit heureuse d’avoir retrouvé la scène, elle trouve les nouvelles mesures, quant à la pleine capacité des salles, un peu bancales. « Au Québec, on a déjà le problème d’avoir, en région, des salles tellement grandes que seuls les humoristes remplissent, alors d’ajouter à cela la pleine capacité et l’imposition des masques, ça n’a pas vraiment de sens. Des fois, on se retrouve avec des gens tous masqués et collés, d’autres fois avec des salles où les gens vont moins. C’est inégal. Donc, ça reste une période de réadaptation, mais j’y vais un show à la fois. Et de le vivre seule sur scène, c’est super intense et l’fun, et je sens que les gens sont là et en ont envie ».

Une polyvalence à reconnaître

Lorsqu’on lui demande si elle estime que sa polyvalence en tant qu’artiste complète, et non pas seulement comme chanteuse, est reconnue à sa juste valeur, elle répond que « les gens le soulignent quand même pas mal », mais qu’elle a été témoin du fait de mettre souvent en doute les capacités des femmes du milieu. « J’ai souvent entendu que l’on dise à une artiste, c’est qui qui a réalisé tes affaires? C’est qui qui a produit tes affaires? On dirait que l’on ne peut pas s’imaginer que ça vienne de la fille artiste. Comme si, par défaut, elle ne pouvait faire ses propres beats (sons), ses arrangements, et qu’elle avait toujours besoin de quelqu’un sur le plan technique de la production. Mais ce sont des faux plis que l’on est en train de perdre grâce aux changement sociaux que l’on exige pour l’égalité des femmes et des hommes dans ce métier. Pour illustrer, j’ai eu cette année une nomination dans la catégorie auteur-compositeur de l’année à l’ADISQ, et c’est la première fois depuis mon tout premier album, alors que j’écris, compose et arrange tout mon matériel depuis toujours, c’est pour dire! »

En terminant, Ariane vous invite à découvrir son « piano-film », un court-métrage réalisé dans l’esprit d’Incarnat, disponible sur les plateformes numériques depuis le 23 octobre. Pour assister à son spectacle au Pôle culturel, il suffit de réserver son billet auprès de la SPEC du Haut-Richelieu, en ligne ou par téléphone.