Une retraite à 62 ans ?
Des consultations vont avoir lieu en février concernant des modifications de l’actuel Régime des Rentes du Québec. La principale mesure serait de reculer l’âge d’obtention de celui-ci de 60 à 62 ans. L’inquiétude grandit chez plusieurs travailleurs en fin de carrière.
Le Régime des Rentes du Québec (RRQ) à 62 ans est une mauvaise idée selon l’Association Québécoise de Défense des Droits des Personnes Retraitées et Préretraitées (AQDR) du Haut-Richelieu. La population de la province vieillissant, plusieurs voix politiques s’élèvent actuellement pour décaler de deux ans la possibilité d’obtenir les premiers versements de retraite. Des discussions dans ce sens vont avoir lieu en février. Cette proposition vient de l’actuaire du RRQ Jean-François Therrien et est intégrée dans la consultation publique sur le RRQ lancée par le ministre des Finances, Éric Girard, qui souhaite lutter contre le manque de main-d’oeuvre et la précarité financière d’une partie des personnes âgées au Québec.
«J’entends déjà le discours qui affirme que deux ans ce n’est rien. Mais pour certains, c’est beaucoup. » – Thérèse Fortier.
Julie Boulais, directrice de l’AQDR du Haut-Richelieu, estime que pouvoir obtenir les premiers versements du RRQ à 62 ans au lieu de 60 ans présentement n’est pas une solution. « Dans ce projet, il est question de rétention de main-d’œuvre. Il serait beaucoup plus pertinent de bonifier le maintien en emploi des personnes aînées que de repousser le RRQ de deux ans. Il faut être conscient que les travailleurs séniors continuent à contribuer au RRQ tant et aussi longtemps qu’ils sont à l’emploi. Ce qui en bout de ligne offre une main d’œuvre compétente. »
Thérèse Fortier fait partie de ceux-là. À 70 ans, elle est adjointe administrative à l’ARDQ. Un emploi qu’elle occupe par choix. « Tant que mon cerveau fonctionne, je travaillerai. Pour mon bien-être psychologique, je dois travailler. Si je restais chez moi, je ferais 30-40 heures de bénévolat par semaine. Alors, je peux bien faire 28 heures au travail. Et si mon état physique me lâchait, j’irais en fauteuil roulant. Mais comprenez bien, on n’est pas tous pareils. J’entends déjà le discours qui affirme que deux ans ce n’est rien. Mais pour certains, c’est beaucoup. La maladie ou les pépins physiques peuvent vous rattraper. »
En ligne de mire, beaucoup de professions exigeantes physiquement comme dans le domaine de la construction par exemple. Mais d’autres seniors pourraient bien aider sur le marché du travail. «Une personne qui ne peut plus travailler à 60 ans pourrait faire une réorientation, poursuit l’adjointe administrative. J’ai travaillé vingt ans à l’usine. J’ai deux prothèses aux genoux et une à l’épaule suite à un travail de répétition. Cela ne m’a pas empêché de trouver facilement un emploi dans l’administration. Les employeurs cherchent des jeunes, mais ces derniers veulent un meilleur salaire à terme. Pourtant, la section des aînés est disponible. À cet âge, on vient bien souvent travailler par plaisir et on propose même une compétence intéressante due aussi à notre expérience. Mettez des incitatifs pour garder vos aînés, et vous aurez une main-d’oeuvre disponible rapidement et sans besoin de formation qui coûte du temps et de l’argent aux petites entreprises. »
Penser au REER
Autre époque, autres moeurs. Thérèse Fortier a commencé à travailler à 17 ans. Elle se souvient. « Je gagnais 45 $ par semaine. Ensuite, j’ai eu deux enfants dont je me suis occupé pendant 12 ans. J’ai enchaîné par un travail saisonnier. C’est seulement après que j’ai eu un travail à temps plein à l’usine. Si je cessais de travailler aujourd’hui, je toucherais 685 $ du fédéral, 520 $ du RRQ et un supplément au revenu garanti mais pas au maximum. Je toucherais donc 1 700 $ par mois environ. Avec les loyers d’aujourd’hui, ce n’est pas possible alors que j’ai travaillé toute ma vie. Les jeunes n’y pensent pas toujours, mais quand l’heure de la retraite arrive, les problèmes peuvent se manifester. J’ai lutté pour les droits des travailleurs toute ma vie, aussi dans le milieu communautaire. Aujourd’hui, je me bats pour celui des retraités. Quel bienfait de prendre le RRQ à 62 ans au lieu de 60 ? Aucun selon moi. »