Une histoire de barbier
Donald Lussier coupe les cheveux des Marievillois depuis 1964. À 75 ans, il ne compte toujours pas prendre sa retraite.
20 avril 1964. Le jeune Donald Lussier débarque à Marieville dans un local au 1430, rue du Pont. Cinquante-neuf ans plus tard, le barbier historique de la ville n’est pas prêt de lâcher les ciseaux même si l’idée lui a traversé l’esprit ces dernières semaines. « Je ne veux pas m’ennuyer. J’exerce ce métier pour rencontrer des gens. Le social éloigne des pilules ! »
» Je compte parmi mes habitués des gens qui me suivent depuis le début, sourit-il. À l’époque, ils avaient 12 ou 13 ans. Et ils sont encore là ! » – Donald Lussier
La discrète bâtisse regorge d’histoires de la ville. D’ailleurs, le décor n’a pas énormément évolué depuis les débuts de l’adolescent qui coupa les cheveux de ses premiers clients à 15 ans. « Je compte parmi mes habitués des gens qui me suivent depuis le début, sourit-il. À l’époque, ils avaient 12 ou 13 ans. Et ils sont encore là ! »
Donald Lussier connait l’histoire contemporaine de Marieville. Débarqué de l’école de coiffure de Montréal, il a été engagé par le propriétaire des lieux qui cherchait un étudiant finissant avant de devenir son associé en 1971 pour finir propriétaire de l’entreprise en 1988. On ne vient pas seulement dans son salon pour se faire couper les cheveux. Mais aussi pour prendre des nouvelles ou partager des histoires. « Dans les années 60, on était 4 000 dans le village, se souvient-il. L’entreprise Sivaco embaucha des Québécois venant du Lac-St-Jean et de Gaspésie. Des employés étaient aussi originaires de la Côte-Nord. Le salon était rempli la fin de semaine car les gens n’avaient pas le temps de se faire coiffer les jours de travail. J’avais alors proposé un rabais de 10 cents du lundi au vendredi pour les retraités ou ceux qui pouvaient se libérer. La coupe régulière coûtait 90 cents et un spécial de 5 cents était prévu pour les enfants. Je travaillais 60 heures par semaine ! »
Un lieu de rencontres
Forcément, Marieville a changé depuis. D’ailleurs, le barbier regrette l’évolution. « Avant, c’était plus familial. Les commerces étaient plus nombreux et on avait davantage le choix pour bien s’habiller. Aujourd’hui, les gens travaillent à Montréal et viennent dormir ici. Ce n’est vraiment plus pareil. »
Le salon est un lieu de rencontres. D’ailleurs, une seule politique règne sur cet endroit : pas de prise de rendez-vous. Il explique la raison. « J’ai essayé de gérer un planning, cela doit bien faire 40 ans. Les gens ne sont pas habitués. Entre ceux qui avaient rendez-vous et ceux qui venaient à l’improviste, cela commençait à chicaner. On a vite arrêté. »
Après soixante ans à couper les cheveux, Donald Lussier a vu traverser les modes. « Je m’y suis adapté. Au début, c’était les cheveux longs, ensuite c’était très court ! J’ai vu passer les coupes afros, c’était assez simple car les clients me demandaient de couper quelques millimètres. Mais cette dernière tendance est vite passée. » Aujourd’hui, le salon est encore ouvert plus de 35 heures par semaine.