Une affaire de sécurité publique

Le 17 novembre, le Journal de Chambly indiquait qu’une clinique de cannabis médical s’installait en face d’une école primaire à Chambly en affichant clairement sur sa devanture une publicité vantant les bienfaits du cannabis thérapeutique. À la suite de l’article, la municipalité a fait retirer la bannière, car la clinique n’avait pas le droit de s’afficher. Rencontre avec les personnes à l’origine de ce projet.
« La publicité était en effet non conforme à notre permis d’occupation. Nous l’avons retirée. Je tiens à préciser que dans notre commerce, il n’y a pas de cannabis. Nous n’offrons que des consultations et de l’information. Quant à l’affichage, il n’y en aura pas », explique Maxime Pillenière, vice-président et directeur des opérations de THC La Corporation humaine.
L’entreprise, située au 2158, avenue de Bourgogne, occupe le sous-sol d’un établissement juridique, Sodaco Juridique, une entreprise en courtage d’assurances juridiques et assistance dont le siège social est à Saint-Hubert et qui appartient au groupe Pillonière, une entreprise familiale dans l’import/export et dont Maxime Pillenière est secrétaire.
M. Pillenière a invité le journal à visiter son futur établissement.

En toute discrétion

En entrant par la porte donnant sur l’avenue Bourgogne, le bureau juridique se présente à nous. Pour avoir accès à la clinique, il faut passer sur le côté de l’immeuble. À l’exception de la publicité qui a été enlevée, il n’y a aucune indication sur l’activité de l’endroit. Il est cependant très facile de passer d’un étage à l’autre sans devoir ressortir.
Dans le sous-sol, une salle d’attente qui pourrait ressembler à celle d’une clinique médicale est proposée aux futurs clients, car il est difficile de parler ici de patient. Aucun médecin ne sera présent dans l’édifice où il sera possible de faire des « pré-consultations ». Ni M. Pillenière, ni Olivier Trudel, son associé aux communications et marketing de THC La Corporation humaine, n’ont de compétence dans le milieu médical. Dans leur « pré-consultation », ils proposeront de voir avec leurs clients les différentes variétés de cannabis médical et donneront la possibilité de choisir dans leur catalogue un producteur « légal » de leur choix.

Des médecins d’autres provinces

Dans l’édifice, aucun médecin en personne, mais le client pourra devenir patient en consultant et ainsi se faire prescrire du cannabis thérapeutique par visioconférence. « Nous voulons donner de l’information pour savoir comment obtenir du cannabis médical et nous proposons des téléconsultations avec un médecin qui ne réside pas au Québec, car il est difficile ici de prescrire du cannabis thérapeutique. Nous allons dans d’autres provinces là où les médecins sont plus ouverts à cette approche. Le suivi se fait aussi par téléconsultation », indique M. Pillenière.
« Pas de joints, mais des vaporisateurs, des capsules ingérées avec des concentrations différentes de THC et de CBD. Même des enfants peuvent avoir recours à du CBD pour des crises d’épilepsie. C’est une drogue miraculeuse qui peut être utile aussi bien pour l’insomnie que pour les personnes atteintes de cancer », ajoute-t-il.
L’entreprise propose aussi à ses clients de les aider à cultiver leur propre cannabis médical chez eux, ce qui est légal. « Nous avons des entrepreneurs en construction qui peuvent faire une analyse pour le client », précise M. Pillonière. Il n’y aurait que trois centres de ressources sur la Rive-Sud, à Châteauguay, Longueuil et Chambly.
L’entreprise, qui indique avoir « pensé au cannabis récréatif », n’hésite pas à signaler que le cannabis de la Société du cannabis du Québec (SCQ) « risque d’être plus cher. Il y a une tarification médicale qui est de l’ordre de 4 à 5 $ le gramme. »

Des médecins impuissants

« Le cannabis séché n’est pas un traitement reconnu par la profession médicale », indique Leslie Labranche, porte-parole du Collège des médecins du Québec. En juin 2013, le gouvernement fédéral a adopté un nouveau Règlement sur la marihuana à des fins médicales. Ce nouveau règlement, qui est entré en vigueur le 1 avril 2014, demande aux médecins de prescrire du cannabis séché à des fins médicales à des patients. « Or, ce n’est pas un médicament reconnu et n’a pas fait l’objet de recherches scientifiques assez avancées. Le médecin ne connaît pas les indications, le dosage et les effets bénéfiques ou secondaires », précise-t-elle. Avant juin 2013, le rôle du médecin était uniquement de confirmer un diagnostic (p. ex. la sclérose en plaques). Puis, avec cette attestation, le patient pouvait envoyer sa demande à Santé Canada pour se procurer du cannabis séché à des fins médicales.
À la suite de ce règlement, le Collège des médecins du Québec a privilégié la voie de la recherche et a décidé que le médecin pourrait prescrire du cannabis séché à des fins médicales dans un contexte de recherche et propose aux médecins de s’allier au projet de recherche Registre cannabis Québec dirigé par le Dr Mark Ware en place depuis mai 2015 ou avec tout autre projet de recherche approuvé par un comité d’éthique. « Au Québec, les médecins doivent respecter leur Code de déontologie, document juridique qui n’existe pas dans les autres provinces canadiennes. L’article 48 de ce Code indique que ‘’le médecin doit s’abstenir d’avoir recours à des examens, investigations ou traitements insuffisamment éprouvés, sauf dans le cadre d’un projet de recherche et dans un milieu scientifique reconnus’’ ».
Le principal avantage du Registre cannabis Québec est qu’il centralise des informations médicales jamais recensées jusqu’à présent sur l’ensemble d’un territoire et qu’il est accessible à tous les médecins et patients du Québec. Plus ce registre sera utilisé, plus les données colligées contribueront à une amélioration des connaissances et à une meilleure utilisation d’un tel produit.
Quand on évoque le cas de la clinique à Chambly, le Collège des médecins ne ménage pas ses mots. « Étant donné qu’aucun règlement fédéral ne fait mention d’un réseau de distribution encadré ou réglementé, plusieurs personnes y voient des opportunités d’affaires et ouvrent des boutiques ou des dispensaires qui facilitent les démarches des patients pour obtenir du cannabis médical. Plusieurs de ces endroits offrent des consultations avec des médecins, qui pratiquent dans une autre province canadienne, par Skype. Tous les Collèges des médecins du Canada se sont entendus pour interdire la télémédecine dans le cadre de prescription de cannabis. Le Collège des médecins du Québec a eu vent de quelques dispensaires qui ont ouvert leurs portes. Mais, le Collège a une juridiction uniquement sur les médecins. L’ouverture de ces dispensaires et la légalité de ceux-ci relèvent de la sécurité publique », de conclure Mme Labranche.
La Ville de Chambly a accordé au commerce son permis d’exercer à son emplacement actuel. Elle  renforce cependant sa règlementation quant aux endroits où il est autorisé de fumer.