Un témoin historique

La rue Martel est la première artère historique de Chambly. L’inventaire des bâtiments à caractère patrimonial de la ville y recense d’ailleurs 17 sites d’intérêt.

Elle s’est fait appeler chemin du Roi, chemin de la Reine, rue Principale ou encore rue de l’Église. La rue Martel est appelée communément » rue patrimoniale » car elle fait partie de l’histoire entière de la ville de Chambly. C’est la première rue tracée par les soldats du régiment Carignan-Salières dans la deuxième partie du XVIIe siècle. « Les concessions se développaient le long des cours d’eau, précise Louise Chevrier, membre de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Les rues autour du bassin étaient baptisées le chemin du Roi, c’est-à-dire qu’elles étaient le chemin public. »

« La première société nautique commerciale est née ici et prospérait, au nez et à la barbe des Anglais. » – Louise Chevrier

En ce sens, l’actuelle rue Martel est appelée « rue patrimoniale » par plusieurs Chamblyens même si aucune reconnaissance officielle ne l’atteste. La rue De Salaberry, qui permet de rejoindre La Prairie, ou encore le chemin de Chambly menant directement au fleuve Saint-Laurent à Longueuil, datent de la même période. À cette époque, peu de routes existaient, si bien que la rue Martel était un centre névralgique de la ville. « C’est le lieu où les notables vivaient, affirme Raymond Ostiguy, autre historien de la société. On y comptait des gens importants de la communauté, comme des notaires ou des médecins. Tout passait par le carrefour Martel – De Salaberry, qui était sur les terres des Boileau. C’est l’époque du village français, appelé Chambly bassin, en opposition au Chambly canton, anglophone, dont la séparation se situait au niveau du ruisseau à proximité du fort de Chambly jusqu’à leur unification en 1965. »

Indice concernant l’importance de la rue Martel : l’emplacement de l’église. « Au début, les gens allaient se recueillir au fort, poursuit Louise Chevrier. Le culte était pratiqué là-bas et les gens, enterrés à proximité. En 1739, la première église fut construite. Elle était en bois. Aujourd’hui, c’est la quatrième version du bâtiment, la troisième en pierre. À chaque rénovation, après les incendies de 1806 et 1880, la population en a profité pour l’agrandir. »

De grands personnages

En 1841, les autorités décidèrent de prolonger l’avenue Bourgogne afin de rejoindre la route 112 et d’y installer un point de péage. La raison est expliquée par Raymond Ostiguy. « La rue Martel n’était pas carrossable. C’était un chemin de terre où les roues s’embourbaient. Il a donc été décidé de prolonger l’avenue Bourgogne avec une rue en madrier qu’il fallait financer. Le docteur Kimber, habitant Martel, est allé au Parlement à Kingston pour réclamer la même chose pour la rue Martel. Il a eu gain de cause, mais le bois a fini par pourrir. »

La Ville de Chambly reconnaît 17 sites patrimoniaux le long de la rue Martel. « On y retrouve même des constructions pièce sur pièce, souligne Raymond Ostiguy. C’est une méthode ingénieuse qui voit les pièces s’imbriquer les unes dans les autres. C’est très solide et sans clous. » Autre indice pour reconnaître une maison patrimoniale, selon Louise Chevrier : « Si une maison est implantée au bord de la route, il existe de fortes chances qu’elle soit d’époque, car cela minimisait l’espace à déneiger devant la porte. »

Si la rue Martel est reconnue patrimoniale pour son ancienneté, elle est aussi importante pour les personnages qui y ont vécu. « C’est notre rue des Patriotes, sourit Louise Chevrier. Des hommes tels que René Boileau le notaire, docteur Thimothée Kimber, Joseph-Alexandre Talham ou encore Nicolas Arnould ont participé, voire organisé des assemblées politiques ici-même en 1836-1837, juste avant la rébellion des Patriotes les mois suivants. Après la bataille perdue à Saint-Charles, plusieurs patriotes étaient en fuite. Emmélie Boileau, la femme du Dr Kimber, était chez elle avec le fusil sur l’avant-bras! Depuis une dizaine d’années, les Canadiens français déclaraient des revendications d’émancipation face à l’Empire britannique. D’ailleurs, la première société nautique commerciale est née ici et prospérait, au nez et à la barbe des Anglais. Ces gens voulaient maîtriser leur économie et le commerce fonctionnait bien avec les habitants de l’État de New York en passant par le lac Champlain. »