Un pas de plus pour l’environnement ?
Les agriculteurs doivent désormais se soumettre à une nouvelle façon d’utiliser les pesticides les plus à risque de manière à réduire au minimum les effets néfastes sur la santé, l’environnement et sur tous les pollinisateurs, dont les abeilles.
« On va nous imposer plus de registres pour quelque chose qu’on fait déjà, commente Jean-François Ridel, ingénieur de métier et aussi un agriculteur qui cultive le maïs, le blé et le soya à Saint-Césaire. J’ai déjà coupé dans l’utilisation des néonicotinoïdes et de l’atrazine, mais l’atrazine demeure le produit le plus efficace dans le contrôle des mauvaises herbes. »
Christian St-Jacques, président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles de la Montérégie, mentionne que les agriculteurs ont déjà un agronome et qu’il suffit de « décrire ce dont on a besoin en matière d’insecticide et d’herbicide. »
Nouveau concept de prescription
Dans le cadre de la Stratégie québécoise sur les pesticides, la modernisation des règlements encadrant l’utilisation et la vente de ces produits a fait l’objet dernièrement d’une annonce faite par la ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), Isabelle Melançon.
Parmi les cinq pesticides visés, il y a trois néonicotinoïdes (appelés aussi néonics) lesquels sont autorisés par le fédéral même si on sait maintenant qu’ils ont un effet nocif sur les pollinisateurs. L’atrazine et le chlorpyrifos, deux autres produits néfastes pour les humains, les poissons, les oiseaux et les amphibiens, s’ajoutent à cette liste.
Ainsi tout agriculteur qui veut se servir des cinq produits devra avoir l’aval d’un agronome membre de l’Ordre des agronomes du Québec. Les entreprises qui vendent les pesticides devront tenir un registre de tous ces produits appliqués. Idem pour les détaillants qui ont l’obligation de déclarer leurs ventes annuelles. Le ministère promet de rendre public un bilan des ventes au détail des pesticides. Il entend aussi, un an après l’entrée en vigueur de cette modernisation, interdire la vente commerciale des néonics qui sont appliqués sur les pelouses.
La fin des pesticides n’est pas pour demain
Christian St-Jacques explique que ce ne sont pas tous les agronomes qui sont spécialisés en pesticides et surtout en herbicides. Ce qui va contraindre certains agriculteurs, ajoute-t-il, à faire appel à des spécialistes de cette question. Le président estime qu’en moyenne, chaque agriculteur devra payer 700 $ de plus annuellement pour répondre aux nouvelles exigences.
Jean-François Ridel dit entretenir des relations d’affaires avec deux agronomes à qui il fait confiance. Le premier a un champ d’expertise scientifique et le second travaille avec des entreprises qui produisent les pesticides. « Dans le tiers de ma superficie destinée au maïs (semonce enrobée de néonics) il y en a un quart qui est traité. Le maïs est semé relativement tôt, car le risque d’avoir des problèmes est plus élevé », illustre Jean-François Ridel non sans préciser que la commande des pesticides est faite six mois à l’avance tout en ne sachant pas la nature de la saison à venir.
Aux yeux de cet agriculteur, « les néonics sont hautement toxiques pour les abeilles, mais très peu pour le reste. » Leur utilisation, a-t-il ajouté, « a permis de retirer des produits qui étaient beaucoup plus toxiques auparavant. » Jean-François Ridel avance que c’est le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries, et de l’Alimentation du Québec qui aurait dû s’occuper de l’encadrement des pesticides et non le MDDELCC.
« Au Québec et au Canada, on est déjà régi par l’homologation des produits », mentionne d’autre part Christian St-Jacques pour qui « ce n’est pas clair qu’il y a eu un effet direct (de l’utilisation de ces produits) sur la perte des insectes pollinisateurs ».
Celui-ci juge « normal d’utiliser (les pesticides) surtout pour les grandes cultures. Nos producteurs font déjà beaucoup pour être conformes aux normes environnementales et même plus. »
Pour sa part, Jean-François Ridel dit trouver plus complexe le travail d’un agriculteur que celui d’un ingénieur. «Il y a ce côté de rentabilité où de plus en plus on va avoir moins d’options pour protéger nos cultures face au marché international. Ailleurs, enchaîne-t-il, ils n’ont pas à se soumettre à ces exigences. »
Malgré ces dires, l’homme se montre conscient des effets de l’utilisation des pesticides. « Je pars bientôt au Brésil en compagnie d’agriculteurs, d’agronomes, de chercheurs et d’étudiants pour apprendre sur les pratiques écoresponsables. » Une telle avenue permettrait de « réduire l’utilisation des pesticides, la fertilisation synthétique et d’éliminer le travail du sol. » Celui-ci « demeure la plus grande source de pollution dans le monde. »