« Un geste imprévisible »

Quelques semaines après avoir vu un chauffeur de bus foncer dans une garderie à Laval, un camionneur a heurté plusieurs piétons lundi dernier, causant le bilan temporaire de deux morts et neuf blessés. Comment peut-on expliquer ces gestes?

Une fois encore, le drapeau de la mairie était en berne la semaine dernière, pendant toute une journée. Comme toutes les villes au Québec, Chambly a témoigné son soutien à l’égard des victimes et des proches après qu’un « camion fou » s’est lancé contre des piétons, en tuant deux personnes sur le coup et en blessant neuf autres, lundi dernier à Amqui en Gaspésie.

Tristesse

À peine un mois après le drame du bus qui a foncé dans une garderie à Laval, tuant deux enfants, la province retombe en plein cauchemar. Entre tristesse et consternation, la population compatit en se demandant certainement sur qui et où le malheur pourrait s’abattre la prochaine fois. D’ailleurs, peut-on l’éviter? Ces actes dépassant tout entendement sont-ils prévisibles? Durant l’automne, plusieurs établissements scolaires ont confiné leurs élèves durant plusieurs heures après avoir suspecté une tuerie massive, comme à Saint-Jean-sur-Richelieu.

« Pour être très clair, on ne sait pas qui agira de la sorte, pourquoi il le fait ni même quand il va le faire, assure Hubert Van Gijseghem, psychologue. J’entends beaucoup d’âneries dans les médias en ce moment. Il faut savoir que 10 % de la population vit avec un trouble mental. Qui va sauter? Qui va exploser? Beaucoup de mes collègues disent qu’il faut parler ou vont dans les sentiments. C’est bien beau, mais cela ne fait pas avancer les choses. C’est un geste imprévisible. »

La répétition de ces actes pourrait faire penser qu’ils sont plus nombreux qu’avant. Certains avancent que l’isolement causé par le confinement lié à la COVID aurait favorisé les comportements déviants. Le spécialiste réfute. « Ces gestes n’ont pas augmenté ou diminué significativement ces dernières années. Les troubles mentaux sont quelque chose d’inné, c’est-à-dire qu’ils sont présents dès la naissance. »

Une fois le crime passé, comment soigner l’auteur? Le passage à l’acte peut-il empêcher une récidive? Hubert Van Gijseghem reste méfiant. « Il faut mettre le coupable à l’abri pendant quelque temps, c’est sûr, et le suivre pour évaluer son potentiel de dangerosité. Cela peut s’étaler sur cinq, dix ou quinze ans. Il faut être capable d’identifier quelles sont les variables qui agissent sur le comportement de l’individu. Et à ce niveau-là, il n’existe pas de portrait unique. C’est propre à chaque individu. »

Concernant les victimes et leurs proches, l’heure est au combat pour se relever d’un tel traumatisme. « On vit tous des drames plus ou moins graves dans notre vie, poursuit le psychologue. Chacun fait ce qu’il peut pour les surmonter. On peut y faire face en tentant d’oublier, d’autres y pensent constamment. Il faut savoir vivre avec nos cicatrices. »