Toujours bien présente

L’attitude de certains candidats de la téléréalité Occupation Double Martinique a remis sur la carte la thématique de l’intimidation dans l’actualité. Quel en est le portrait dans nos écoles?

Arborant de multiples visages, l’intimidation est toujours bien présente dans notre société. La Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école est entrée en vigueur le 15 juin 2012. L’application de cette loi oblige les directions d’écoles primaires ou secondaires à élaborer un plan de lutte, pour contrer l’intimidation et la violence, qui tient compte de la réalité de son milieu. La mise en œuvre de la nouvelle structure permettait de baliser le problème sociétal. « Ça fait 10 ans que l’on travaille de façon très ciblée avec nos élèves sur l’intimidation », indique Taïga Waelput-Lavallée, directrice du Service des ressources éducatives aux jeunes du Centre de services scolaire des Hautes-Rivières (CSSDHR).

» Il y a encore beaucoup de parents insatisfaits de l’accompagnement qu’il y a dans le milieu éducatif. » – Jasmin Roy

C’est un portrait à géométrie variable que dépeint le comédien Jasmin Roy, président de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais. « Avec les témoignages que l’on reçoit, il y a encore beaucoup de parents insatisfaits de l’accompagnement qu’il y a dans le milieu éducatif. Même quand ils se plaignent dans les centres de services scolaires », commente M. Roy. Il met aussi en perspective la lenteur des interventions menant à résoudre les problèmes. 

La Fondation a pour mandat de sensibiliser, d’éduquer, de soutenir et de contribuer à la recherche de solutions durables aux problèmes de violence, de discrimination et d’intimidation dans tous les milieux de vie.

La révision et l’actualisation du plan de lutte se font annuellement par les équipes-écoles. En moyenne au CSSDHR, les écoles déclarent annuellement entre un et neuf événements concernant l’intimidation.

Téléréalité et intimidation

Des candidats accusés d’intimidation à l’émission Occupation Double Martinique ont été évincés.  Préalablement abandonnée par une dizaine de commanditaires en peu de temps, la téléréalité se voyait prise dans un tourbillon de tourmente. « Ce qui se passe dans les émissions de téléréalité permet de relancer le débat et de regarder ce qui se passe dans nos établissements », mentionne Mme Waelput-Lavallée. Chaque année, le CSSDHR fait le point sur la situation. Il remarque cette année une stagnation du nombre d’incidents relatifs à l’intimidation. Il note devoir particulièrement nuancer la différence entre un conflit et une situation d’intimidation. « Les conflits sont nécessaires pour développer l’affirmation de soi ainsi que sa capacité à s’exprimer et à faire des compromis », explique Taïga Waelput-Lavallée.

« Chez certains jeunes qui ne sont pas très bien encadrés, ils peuvent être influencés par ça (la téléréalité), mais ce n’est pas la majorité », convient quant à lui Jasmin Roy.

Société hypocrite?

D’un côté, la société dit vouloir combattre l’intimidation. De l’autre, elle se nourrit de téléréalités dans lesquelles l’intimidation sert d’appât à la cote d’écoute. N’est-ce pas contradictoire, voire hypocrite? « On est dans un changement de culture et ça ne se change pas du jour au lendemain. Tranquillement, la société s’autorégule […] on est plus sensibles à ça », répond Jasmin Roy.

Cyberintimidation populaire

L’intimidation peut être physique, verbale, sociale et matérielle. On parle aussi de cyberintimidation. Au CSSDHR, c’est cette dernière qui est majoritairement observée. Des échanges malveillants sur les réseaux sociaux, entamés au domicile d’élèves, se prolongent à l’école. Les intervenants du milieu scolaire doivent prendre la balle au bond.

Quand une situation d’intimidation est déclarée au CSSDHR, elle est prise en charge par divers intervenants. Ils sont habituellement des psychoéducateurs et des éducateurs spécialisés. Après évaluation du dossier, des actions à poser sont déterminées selon le plan de lutte afin de régler la situation à long terme. Des suivis sont ensuite effectués à différents cycles temporels. Mme Waelput-Lavallée assure qu’il est peu fréquent au CSSDHR qu’un intimidateur continue à s’acharner sur sa victime après intervention. Quand une situation prend des proportions démesurées, des interdits de contact peuvent s’installer. Un transfert d’élève peut aussi s’opérer lors de cas extrêmes.  

Jasmin Roy note la baisse d’intimidation lors de la pandémie, mesurée par la Chaire de recherche Bienêtre à l’école et prévention de la violence de Claire Beaumont. « C’est sûr, car on a coupé la socialisation », identifie-t-il. Il juge toutefois que le fléau s’est déplacé vers les réseaux sociaux en raison du nombre d’utilisateurs qui a pris du volume lors de la crise sanitaire.

Qu’est-ce que l’intimidation?

La Loi sur l’instruction publique définit ainsi l’intimidation : « Tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d’engendrer des sentiments de détresse et de léser, de blesser, d’opprimer ou d’ostraciser ».

Bien que cette définition fasse, encore aujourd’hui, généralement consensus dans la communauté, un regard élargi doit être porté sur les manifestations des éléments-clés qui composent l’intimidation. Il s’agit du contexte (inégalité des rapports de force), de la nature (geste généralement délibéré et répétitif) ainsi que des conséquences chez la personne ciblée. Avant de conclure qu’il y a bien intimidation, chaque situation doit être évaluée de façon distincte.

Se manifestant dans différents contextes, l’intimidation prend des formes diverses. Toute personne peut être touchée par l’intimidation, peu importe son genre ou ses caractéristiques personnelles. Elle peut être l’auteur de gestes d’intimidation, le témoin ou la victime.