Savoir mener la danse
Dominique Anglade, ancienne cheffe du Parti libéral, a quitté la vie politique la semaine dernière après avoir vécu des dissensions internes. Yves-François Blanchet, député de Beloeil-Chambly et chef du Bloc québécois, commente cette réalité que vit, un jour ou l’autre, tout chef.
« Dans le cas de Mme Anglade, l’establishment libéral avait déjà décidé qu’elle devait quitter et que rien ne pouvait la sauver », résume le chef du Bloc québécois.
En 2012, Yves-François Blanchet était député dans Johnson. Sur une courte période de deux mois, il a été whip du Parti québécois sous Pauline Marois. Le whip est le gardien de la discipline du parti. Son rôle est, notamment, d’assurer la cohésion et l’assiduité au sein du groupe. Le député de Beloeil-Chambly considère qu’un chef ayant un puissant ascendant sur sa formation pourrait utiliser l’autorité du whip pour garder « les gens dans le rang ». Il nuance toutefois que « lorsque l’autorité morale d’un chef sur son propre parti est affaiblie et que la contamination est forte, le whip n’aura pas d’influence ».
» Si je ne suis plus la bonne personne, et ça viendra, c’est inévitable, mon devoir est de tirer ma révérence. » – Yves-François Blanchet
Ne pas perdre son leadership
Yves-François Blanchet convient que tous ne sont pas d’accord dans un même parti politique. Dans son parti, le phénomène n’a jamais été majeur. » On adresse ça par la base : la conversation. Dans une organisation politique, ce sont de gros egos, du stress, des tensions, des enjeux significatifs « , met en perspective le politicien. En découlent de l’intensité et de l’émotion. » Sur une période de trois ans, c’est sûr qu’il y a des gens qui ont été plus ou moins satisfaits. Mais ça s’est toujours réglé en discutant, en gardant les gens proches « , témoigne-t-il.
À ce jour, au poste de chef, M. Blanchet n’a jamais senti son leadership être menacé. Il l’a par contre vécu en tant que député, avec la crise de juin 2011 à février 2012 au Parti québécois. Le leadership de Pauline Marois, cheffe du parti, était à l’origine du conflit. Au plus fort de la crise, huit députés avaient quitté le caucus, de leur plein gré ou en étant renvoyés. Yves-François Blanchet soutient avoir pris la défense de sa cheffe, à l’interne. » J’étais très en désaccord avec la démarche. Quand on complète ses mises en échec, j’ai vu de quoi ça a l’air, et j’en ai donné. C’est de là que venait ma réputation de goon, à l’époque « , complète-t-il, cette fois, en guise de mots. Malgré le départ ou le renvoi desdits députés, Mme Marois et son parti avaient gagné leurs élections.
Devenir chef
En juin 2018, Martine Ouellet quittait son poste à titre de cheffe du Bloc. En novembre, M. Blanchet annonçait son intention de lui succéder. Jean-Jacques Nantel était le seul autre candidat. N’ayant pas atteint les critères d’éligibilité de sa candidature, il s’était retiré. « Il pourrait y avoir des adversaires avec qui l’on a des relations cordiales vers une course saine. Ce n’était pas le cas là. Je n’ai pas eu de contacts avec et je n’avais pas l’intention d’en avoir », rappelle M. Blanchet, qui est devenu chef du parti en janvier 2019.
Celui qui devenait nouveau chef dit ne pas avoir alors imposé de ligne de parti, indiquant clairement où se trouvait la sortie à ceux qui ne la suivaient pas. « Ce n’est pas mon approche du tout », répond l’homme. Il dit avoir bénéficié d’un fort consensus au sein de son caucus. Il a cependant craint que des « éléments plus radicaux » à l’intérieur de l’organisation représentent un problème, « mais ça ne s’est jamais manifesté et la cohésion a rapidement été construite », raconte M. Blanchet. Il précise n’avoir jamais utilisé la coercition.
S’accrocher au titre
Malgré des appels au départ, Martine Ouellet s’était accrochée à la chefferie. En juin 2018, elle était défaite lors d’un vote de confiance ouvert à l’ensemble des 15 000 membres du parti. Elle n’avait alors recueilli que 32 % de suffrages favorables. « Un chef qui se voit contesté par 70 % du caucus devrait comprendre le message. Moi, être là, je comprendrais que je n’y ai plus ma place », avait déclaré au journal Le Devoir Gilles Duceppe, ancien chef du Bloc. Le lendemain du vote, Mme Ouellet avait annoncé qu’elle quittait son poste de cheffe. À travers l’histoire, des chefs de tout acabit se sont accrochés à leur titre malgré une contestation fortement majoritaire des leurs. « Le jour où je penserai que j’ai fait mon temps, je ne m’accrocherai pas […] si je ne suis plus la bonne personne, et ça viendra, c’est inévitable, mon devoir est de tirer ma révérence », termine M. Blanchet.