Saint-Césaire : Gabbe Trinity exorcise la haine lors de son passage à Quel talent!

C’est un parcours en carence d’amour qu’a vécu le Césairois Gabriel Nadeau. Dans la peau de son alter ego Gabbe Trinity, il a notamment « fait la paix et repris son pouvoir » lors de son passage à l’émission Quel talent!, il y a deux semaines.

Sa prestation lui a valu l’unanimité positive d’un panel de juges composé d’Anne Dorval, Marie-Mai, Serge Denoncourt et Rachid Badouri. L’homme de 30 ans a interprété la chanson S’il suffisait d’aimer, popularisée par Céline Dion. Frissonnant et ému, le public s’est levé d’un bond après la prestation.

Dans son préambule avant de se lancer vocalement, Gabbe Trinity a évoqué, devant les caméras, le manque d’amour ayant pavé sa vie. « Je n’ai pas manqué d’amour pour la personne que je prétendais être, nuance celui qui a grandi dans une famille radicalement religieuse. J’avais l’amour des chrétiens, mais ce n’était pas pour qui j’étais vraiment », rappelle le Césairois, longtemps forcé de refouler sa véritable identité. Depuis sa prestation, c’est une vague d’amour que dit recevoir celui qui se définit comme étant fluide de genre. « Les gens sont chaleureux. Certains m’ont dit qu’ils ont pleuré, à mon grand étonnement », confie le trentenaire.

Après ce verdict des juges, Gabriel Nadeau traversera d’autres vagues de sélection dans le but d’atteindre la finale.

Une intimidation hâtive

Au primaire, Gabriel Nadeau allait à l’école De Salaberry, à Chambly. De 9 à 11 ans, il a joué dans la production Casse-Noisette avec Les Grands Ballets canadiens. Son rêve était de devenir danseur de ballet. L’intimidation, il l’a vécue plus tôt que tard. « Se faire traiter de fif, de tapette, se faire pousser dans les casiers », étaient choses coutantes.

En première secondaire, alors qu’il venait de se faire aplatir les cheveux chez la coiffeuse, cinq élèves lui ont plongé de force la tête dans l’évier. « Ils ont essayé de mettre ma tête dans la toilette, mais je résistais trop », raconte-t-il. 

Chasser les démons

Les parents de Gabriel Nadeau étaient chrétiens protestants. Ils côtoyaient l’église Nouvelle Vie megachurch, basée à Longueuil. Le lieu de culte populaire accueillait hebdomadairement une assistance de plusieurs milliers de personnes.

À l’âge de 13 ans, après qu’il a révélé son homosexualité, un exorcisme lui a été organisé, à l’église qui se nomme le Ministère de délivrance pour la gloire de Jésus-Christ. 

Une séance, précédée d’un jeûne de deux jours, lui a notamment été commandée pour chasser les démons en lui. Quatre diacres, accompagné du prophète, géraient la manœuvre. L’exercice débutait par une confesse. « Je devais révéler les péchés sexuels que j’aurais commis. Évidemment, à 13 ans, j’avais pas grand-chose à dire », convient-il. Il soutient que ses confessions n’étaient pas satisfaisantes et qu’il a été poussé à se révéler dans sa plus profonde intimité. Le prophète a alors diagnostiqué chez lui une possession multiple de cinq démons, ceux de la convoitise, de la masturbation, de la féminité, de la pornographie et de l’homosexualité, « le pire d’entre tous ». 

Sous les cris du prophète

La session a duré environ une heure et demie. Le prophète a hurlé près des oreilles de l’adolescent, en s’adressant à ses démons intérieurs. Une croix lui a été tracée dans le front, à l’huile d’olive, eau bénite des protestants. Gabriel Nadeau devait se repentir et avouer, de façon convaincante, ses regrets. Il a subi une contention, car la manifestation physique d’un démon qui sort d’un corps serait puissante. Accompagné d’une série de prières, libéré de ses chaînes, Gabriel renaît et on présente à Dieu son fils revitalisé.  

Le jeune exorcisé a pleuré pendant une partie du traitement. « J’ai cru que j’avais des démons. Intimidé toute mon enfance, je n’allais pas bien. Je ne m’acceptais pas », avance-t-il. Un an après l’exorcisme, alors qu’il fréquentait l’École supérieure de ballet du Québec, il s’est senti attiré par un danseur homosexuel de sa troupe. Sa réaction a été de quitter son programme. « C’était un danger pour ma délivrance. Ça a ce genre de conséquences. J’ai commencé à me haïr, à haïr ma féminité et à être en répression sexuelle totale », relate M. Nadeau. Deux autres exorcismes ont suivi, aux âges de 16 et 18 ans.

Quitter la religion

À 19 ans, Gabriel Nadeau s’est départi de la religion. Aujourd’hui, il ne voit plus sa mère, même s’il a longtemps essayé de garder le lien. « Ça n’avait plus de sens. Je faisais trop de concessions », observe Gabriel Nadeau. Son père, il le voit environ deux fois par année. « Je n’ai pas vraiment l’impression qu’il a un intérêt envers moi. Je sens l’indifférence », ajoute-t-il. Il se dit aujourd’hui « dans son pouvoir, son essence, son authenticité, sa lumière, sa joie, sa paix » plus que jamais. Il affirme être la version la plus épanouie de ce qu’il a connu. « Et ça ne fait que commencer. Je m’aime. Je suis content d’être moi », résume-t-il.

Une tenue audacieuse

Lors de son passage à Quel talent!, Gabbe Trinity ne s’est pas fait remarquer que pour le message d’amour qu’il a livré. Sa tenue flamboyante, notamment composée d’un cache-sexe, a fait réagir le public. « Ça fait partie de mon art androgyne, magique, féérique. Je suis très coloré. Ça me représente bien », estime le principal intéressé.

Lancement de livre

Le 16 octobre, Gabriel Nadeau lancera de façon médiatique son livre Exorcisé, sous les Éditions de Mortagne. L’œuvre lui aura été thérapeutique et libératrice. Le lancement public se déroulera le 19 octobre, à la Librairie un livre à soi, à Montréal. Il fait également partie des sujets du documentaire Gai(e), tu ne seras point, réalisé par Jean-François Poisson.