Rouville : un soutien supplémentaire pour les agriculteurs

Le gouvernement du Québec a récemment annoncé une aide supplémentaire de 42 M$ pour soutenir les investissements en agriculture. Après la visite du ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, l’Union des producteurs agricoles (UPA) Rouville attend des actes concrets.

Jean-François Ridel est agriculteur à Saint-Césaire et président de l’UPA Rouville. L’enjeu de la bourse carbone, concernant uniquement le Québec, l’a incité à investir dans un silo de séchage à air forcé pour ses graines. « Je suis inquiet de l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) et c’est pourquoi j’ai investi dedans, explique-t-il. Mais la bourse carbone ne rend pas ce qu’elle doit rendre. Avec cette installation, je n’ai aucun avantage. Pire, je prends plus de risques concernant le stockage. Aussi, je paye autant en électricité qu’auparavant en gaz. J’ai pu le faire car mon niveau d’endettement me l’a permis, mais tout le monde n’est pas dans ce cas. »

« On se retrouvera avec de gros gagnants et beaucoup de petits perdants. » – Jean-François Ridel

Le monde agricole de Rouville, et plus largement la Montérégie, gronde concernant la bourse carbone et les conditions d’investissements dans le domaine. Mi-mai, André Lamontagne était de passage dans Chambly et la MRC de Rouville. Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation affichait un large sourire annonçant une aide supplémentaire de 42 M$ au Programme Investissement Croissance Durable (PICD), portant ainsi le total à 92 M$, afin de soutenir la productivité et les investissements en agriculture.

Ce geste pourrait être interprété en réaction à l’appel à l’aide des agriculteurs. « L’an passé, nous avions annoncé une aide de 50 M$ sur cinq ans, rappelle le ministre. Là, nous en rajoutons 42 M$. Le PICD est un outil très flexible et nous avons différents programmes à soutenir. On peut le faire directement dans le rachat de terres ou bien en aidant les exploitants dans leurs investissements dans le cadre de la bourse carbone. »

Pénalisé à la hauteur du Canada

La bourse carbone est uniquement appliquée au Québec. Les exploitants participent financièrement afin de transformer progressivement leurs exploitations en fermes davantage écologiques. « Cela amène un enjeu de compétitivité avec les autres provinces canadiennes, que je comprends, poursuit André Lamontagne. Il est important que les sommes versées par les exploitants leur reviennent à travers des programmes. On leur a déjà retourné 260 M$. Actuellement, le ministère contribue à une étude de compétitivité au niveau canadien pour voir quelle place y occupe le Québec. Si un enjeu existe, je serai le premier à me battre pour les agriculteurs québécois! »

En ce sens, la visite du ministre à Chambly et à Rouville est loin d’être innocente. « C’est le grenier du Québec! renforce-t-il. L’horticulture, les grandes fermes et la transformation alimentaire sont essentiellement ici. La bourse carbone et la réduction des GES sont des choix de société. Je suis sensible aux appels de l’UPA Montérégie et si nos agriculteurs ne sont pas compétitifs, nous verrons comment faire. »

L’autre grand défi pour les agriculteurs est le prix des terres. « À l’achat, un hectare vaut 70 000 $ aujourd’hui, affirme Jean-François Ridel. Notre marge annuelle est de 1 500 à 2 000 $ par hectare, sans compter les taux d’intérêt à 3 %. Faites le calcul pour obtenir le temps qu’il nous faut pour parvenir à une certaine rentabilité. On se heurte à un problème de société, car nous atteignons des prix de terrain insoutenables. Or, la terre est vendue aux plus offrants. Si bien que ce sont de grandes entreprises qui rachètent et notre terrain prend de la valeur, tout comme notre compte de taxes. »

Avenir incertain

Dans ce domaine, Marielle Farley, propriétaire du potager Mont-Rouge à Rougemont, souligne que les jeunes en souffrent énormément. « Pour implanter une entreprise agricole en 2025, il faut être motivé. Je ne sais pas si les gens du gouvernement dans leurs bureaux comprennent les défis pour les jeunes. Car derrière ces jeunes, il y a aussi des familles. Pour être rentable, il faut choisir ses priorités sur le terrain. Actuellement, nous avons pris du retard à cause de la pluie qui tombe depuis plusieurs jours. Il faut être dans les champs pour assurer une récolte et nous n’avons pas le temps de remplir des formulaires et tout le côté administratif. »

Jean-François Ridel est inquiet pour l’avenir. « Un moment, ce sera un choix de société à prendre entre la libre entreprise et ce qu’on laissera aux générations suivantes. Concernant la relève agricole, on voit des gens très éduqués qui doivent arriver avec un autre plan d’affaires, un autre emploi ou louer de la terre pour y arriver. Il faut modifier la dynamique du prix de la terre pour garder actif un marché des terres agricoles. Sinon, on se retrouvera avec de gros gagnants et beaucoup de petits perdants. »