Regarder l’horreur à distance
C’est désemparée et impuissante que Galina Shupenia regarde les drames s’accumuler en Ukraine, sa nation d’origine.
Ce n’est plus en jours de semaine que Galina Shupenia calcule son temps, mais bien en jours de guerre. « On vit le deuil. C’est déprimant de voir notre pays se faire détruire, mais je dois le voir, de mes yeux vu », exprime l’ancienne employée de la Maison Simonne-Monet-Chartrand de Chambly. En 2009, accompagnée de son mari et de sa fille, l’Ukrainienne quittait Tchernivtsi, ville qui n’avait pas vécu de bombardements au moment d’écrire ces lignes, pour s’établir au Québec. Dans son pays d’origine, elle a des amis dispersés dans plusieurs villes. Sa mère, ses deux sœurs et sa nièce y sont toujours. C’est avec elles que son cœur et sa tête se trouvent. À travers des heures de sommeil réduites, elles se tiennent à jour grâce aux réseaux sociaux. « Personne ne croit et ne comprend ce qui se passe. Je perds tout ce que j’ai aimé, tout ce que j’ai eu, tout ce qui comptait pour moi », constate la femme, impuissante.
Ne pas quitter l’Ukraine
Sous la menace de Vladimir Poutine, président de la Russie, des milliers d’Ukrainiens ont quitté le pays, alors que d’autres ont choisi d’y rester. « Ils pensent que c’est injuste de quitter leur terre », explique Mme Shupenia. Celle-ci a d’ailleurs proposé à sa famille de l’accueillir dans sa demeure, en sol québécois. « Ma mère dit qu’elle est déjà vieille et qu’elle va mourir un jour. Les Ukrainiens considèrent qu’il est important de rester et de protéger leur pays. La plupart des hommes et des femmes ont choisi de rester et de se battre », met-elle en perspective.
Elle décrit son peuple comme en étant un courageux, fier, qui ne baisse pas les bras. Pour appuyer ses dires, elle parle du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Issu du milieu culturel, il a été élu en 2019 sans grande expérience politique. Elle ne portait pas une grande considération à son endroit. Son regard a changé depuis le conflit. « Il est riche, il aurait pu partir. Il a dit ‘’c’est mon pays, je reste dans mon pays, je le protège’’. Il a montré qu’il est un vrai président. Je suis fière de ça. C’est ça, notre force de caractère », image-t-elle de façon concrète.
Elle souligne aussi le boxeur vedette Wladimir Klitschko, qui a choisi de rester en sol ukrainien, combattant dans une arène bien différente de celle qu’il connaît. « Quitter le pays pour vivre ailleurs, je l’ai fait. Mais l’Ukraine doit rester. Nous ne l’avons pas quittée pour qu’elle disparaisse », nuance-t-elle.
« La plupart des hommes et des femmes ont choisi de rester et de se battre. » – Galina Shupenia
La thématique de l’espoir s’installe dans la conversation. Galina Shupenia marque une pause, les yeux imbibés d’eau. « Nous voulons que Poutine se retire. Nous allons reconstruire l’Ukraine. Mais tout le monde a peur d’une troisième Guerre mondiale. Il peut faire ce qu’il veut avec l’Ukraine », estime Mme Shupenia, qui appréhende un climat d’instabilité pour des décennies à venir en son pays. Celle-ci compte travailler une journée de plus par semaine et envoyer cette somme supplémentaire afin de contribuer à la réparation de sa nation meurtrie.
La femme tient à faire la distinction entre le population russe et les actions prises par Vladimir Poutine. « Je ne divise pas les gens selon la nationalité. Je considère les gens selon qu’ils soient une bonne personne. Il ne faut pas se venger l’un sur l’autre », dit-elle. Elle parle aussi des jeunes soldats russes qui sont en Ukraine, à leur insu, sans volonté de détruire le pays. « Ce n’est pas leur guerre », résume-t-elle.
Réactions du reste de la planète
Sur le reste du globe, des pays ont à perdre en intervenant dans le conflit. Un ami de Galina Shupenia sur place déclare que « le monde nous regarde comme un zoo ». Celle-ci n’est pas d’accord. « Il se sent comme ça car il manque d’aide matérielle, contrairement à la Russie. Il a l’impression que, oui, tout le monde est prêt à aider, mais pas tellement à s’impliquer. »
Pour contribuer, la femme ukrainienne fait du porte-à-porte dans son secteur. Elle distribue un document faisant des liens, entre autres, vers la Croix-Rouge canadienne et Save Life In UA, organismes aidant l’Ukraine dans les circonstances. C’est le bout de chemin qu’elle peut faire en regardant l’horreur à distance.