Plongée dans le noir

La Carignanoise Maïka Lelièvre a vécu de l’intérieur la crise qui a frappé le cégep Saint-Jean-sur-Richelieu le 11 novembre.

Un homme âgé de 19 ans, portant un gilet pare-balles et ayant un comportement suspect, a été arrêté par les policiers le 11 novembre dernier au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

Maïka était en plein examen de français quand la nouvelle est tombée. L’enseignante a reçu un appel à même le local. « On ne reçoit jamais de téléphone dans notre classe. Elle avait un peu de difficulté à répondre », remarque l’étudiante, qui en est à sa première session en soins infirmiers. Pour réaliser l’examen, les étudiants avaient la permission d’utiliser leur téléphone cellulaire. « Puis, on a tous reçu le message en même temps. C’est là que j’ai appris que l’on tombait en confinement », relate Mme Lelièvre.

« Trouvez un local, barricadez-vous immédiatement. Barrez les portes et fermez les lumières. Opération policière en cours », est le message qu’ont reçu l’étudiante carignanoise et ses homologues de la part de l’école. « On était tous confus au début », mentionne la jeune femme de 17 ans. La professeure a donné la consigne d’éteindre la lumière, de fermer les fenêtres et de barricader la vitre de la porte offrant un accès visuel à partir du corridor.

Réalité dépassant la fiction

La réalité dépasse la fiction. L’assimilation de ce qui se passe au présent se fait progressivement. « Je ne pensais jamais que ça allait m’arriver. Je n’y croyais pas pendant les premières minutes. Je pensais que c’était une blague. J’avais l’impression d’être dans un film », déclare celle qui aurait préféré être exclue de ce scénario peu enviable. Puis, en réalisant la situation, une forme de panique contrôlée s’installe. « Je me suis dit que si je meurs, je vais écrire à ma famille et mes amis. Je leur ai dit que je les aimais […] Je me suis dit »adieu, c’est la fin » », exprime-t-elle avec émotion.

Dans un groupe de discussion virtuelle intégrant divers membres de sa famille, Maïka a écrit notamment à ses frères. Ce sont trois frères qui ornent sa vie. Celui de 24 ans est policier. Il connaît la chanson et a pu accompagner Maïka dans le moment traumatisant. « Il a été vraiment rassurant », confie-t-elle avec soulagement. Pendant ce temps, à l’extérieur du bâtiment, une amie captait des bribes d’information qu’elle lui transmettait en temps réel en guise de mise à jour continuelle.

« Je me suis dit que si je meurs, je vais écrire à ma famille et mes amis. Je leur ai dit que je les aimais. » – Maïka Lelièvre

Face à l’impuissance, dans le local, des élèves barricadés pleurent. « C’était silencieux. Tout le monde avait vraiment peur », replonge Maïka Lelièvre, envahie alors par l’idée de ne plus revoir ses proches. « J’ai pensé à mes grands-parents et je me suis dit que j’aurais dû écrire à d’autres personnes aussi. J’avais vraiment peur de mourir », se remémore-t-elle.

Déjà-vu

Maïka ne connaît pas l’étudiant arrêté, vêtu quotidiennement, semblerait-il, d’un gilet pare-balles, qui a causé ce branle-bas de combat. Elle l’avait déjà remarqué dans un couloir de l’établissement scolaire. « J’ai des connaissances dans ma classe qui le connaissaient. Il paraît qu’il était super fin. Il y en a une qui disait que ça ne se pouvait pas que ce soit lui », soutient la Carignanoise.

Parler de l’événement

L’événement a eu lieu le 11 novembre. Le lundi 14, les élèves retournaient en classe après une fin de semaine à évacuer la tension imprévue. Maïka Lelièvre avait son premier cours lundi à 14 h. « Ça me faisait peur. C’était comme avant, mais c’est devenu le sujet principal des gens », affirme-t-elle. L’école a partagé les outils déployés avec les élèves qui en ressentaient le besoin. La professeure de psychologie de Maïka a, quant à elle, effectué un retour sur la situation. « Ça a vraiment fait du bien de savoir ce que tout le monde ressentait », dit Maïka.

Un nouveau regard

Après un tel événement, c’est un autre regard que porte Maïka Lelièvre sur la vie. « Je me suis rendu compte que la vie, c’est dangereux et c’est court. Maintenant, je me dis qu’à chaque seconde, tu peux mourir. Je vais en profiter encore plus », termine-t-elle, résiliente. Faisant partie des premières évacuées, Maïka a vécu un confinement de trois heures, comparativement à d’autres qui n’ont quitté le bâtiment que six heures plus tard. À l’extérieur, les policiers les attendaient pour procéder collectivement aux fouilles.