Pierre Bourbonnais se souvient de la solidarité lors de la crise du verglas
La crise du verglas a frappé de plein fouet le sud du Québec en janvier 1998. Le Journal de Chambly s’est entretenu avec le maire de l’époque, Pierre Bourbonnais, qui nous a fait part de ses souvenirs de cette époque.
Chambly a été pas mal affectée lors du verglas, qu’est-ce qui vous a le plus marqué de cette épreuve ?
Ce que je retiens, c’est l’entraide, la solidarité qui s’est manifestée durant ces jours difficiles. Les employés municipaux ont été d’un dévouement extraordinaire ! Tout le monde a mis la main à la pâte, pour que les gens aient leurs trois repas par jour.
Une vieille dame venait d’arriver au centre d’hébergement et elle était venue me dire : « Monsieur le maire, qu’est-ce que je vais faire ? Aidez-moi, ne me laissez pas tomber ». Je l’ai prise dans mes bras et je l’ai rassurée. Il y a eu beaucoup de moments émouvants, autant pour les citoyens que pour moi.
Vous deviez être disponible à tout moment pour les citoyens. Comment votre famille a-t-elle vécu cette crise ?
À titre personnel, ma famille a compris que je ne pouvais pas être là. J’étais 24 heures par jour au centre d’hébergement. Mon frère habitait dans les Cantons de l’Est à ce moment-là alors ma famille est allée séjourner là le temps du verglas.
J’allais à ma maison tous les jours pour voir si tout était correct, mais je restais au plus cinq minutes et je repartais.
Lorsque ç’a arrêté, je peux vous dire que j’ai pris deux, trois jours pour me reposer. J’ai dû dormir 12 heures par jour.
Racontez-nous un peu, comment ça a commencé.
De mémoire, il me semble que c’est pendant 19 jours qu’on n’a pas eu d’électricité. Le courant a coupé une première fois. Il est revenu pour une nuit seulement, puis il est reparti. Dès la deuxième coupure de courant, on s’est servis de l’école secondaire de Chambly comme centre d’hébergement. Évidemment, c’était tout équipé au niveau de la cuisine. On a hébergé environ 700 personnes à qui on donnait trois repas par jour. En 1997, on venait d’ouvrir la piscine municipale, elle était équipée en douches. On a réussi à avoir une génératrice assez puissante pour faire fonctionner tout ça.
À quoi ressemblait justement la vie au centre d’hébergement ?
À l’intérieur du centre d’hébergement, il y avait une animation et une camaraderie qui s’étaient installées. Je donnais un bulletin d’information chaque soir sur l’heure du souper. Une sorte de Good Morning Chambly sur les travaux de rétablissement, notre façon de fonctionner et tout ça. On avait une sécurité extraordinaire parce que 700 personnes qui couchent dans une école secondaire, ça peut apporter certains problèmes, mais tout s’est très, très bien déroulé !
Le Centre jeunesse de la Montérégie venait d’ouvrir une nouvelle aile à l’arrière du bâtiment. Eux aussi ont hébergé des gens.
Certaines personnes pleuraient quand elles quittaient le centre, car elles s’étaient liées d’amitié avec d’autres et qu’à la maison elles étaient plutôt isolées.
Que faisaient vos équipes à l’extérieur ?
On a inspecté toutes les connexions électriques avec un groupe d’électriciens pour voir s’il y avait un danger lorsque le courant reviendrait. On mettait des avis aux portes disant « si vous entrez dans votre maison, ne partez pas l’électricité. Appelez à tel numéro pour pouvoir réparer les mâts ». Le mât est un poteau sur la maison où les fils électriques arrivent. Certains avaient crochi ou simplement décroché.
On visitait les gens qui restaient dans les maisons. On voulait s’assurer que tout était correct et que les gens n’étaient pas en train de s’intoxiquer. Ceux qui avaient besoin d’être transférés au centre d’hébergement, on les amenait nous-mêmes. C’était une période très intense, mais valorisante.
Aviez-vous des rencontres avec les deux autres paliers de gouvernement ?
Le premier ministre à l’époque c’était Lucien Bouchard. Il nous avait rencontrés à Montréal pour annoncer qu’on devait donner, 7 $ ou 10 $ par jour, par personne, mais c’était aux villes de faire ça. Il avait sûrement de bonnes intentions, mais fallait prendre en compte qu’il n’y avait aucune banque d’ouverte. On était limités dans les locaux et on ne voulait surtout pas que les gens viennent à l’école secondaire, parce que là, ç’aurait été le chaos.
Alors, on a ouvert la mairie, et on a « kidnappé » une grosse génératrice (rires). On s’était entendus avec la Caisse populaire de Chambly, ils étaient venus à l’hôtel de ville avec leurs caisses. Les citoyens passaient récupérer leur chèque et avant de sortir, ils le changeaient au guichet temporaire.
Puis après, Pierre Bélanger, ministre de la Sécurité publique nous convoquait à Saint-Hyacinthe deux fois par semaine pour nous demander comment ça allait. On n’avait pas besoin d’aller là, avec tout ce qu’on avait à faire chez nous, mais bon.
Il y avait un couvre-feu, n’est-ce pas ?
On avait décrété un couvre-feu et les gens de l’armée patrouillaient. Aucun crime n’a été commis heureusement pendant cette période qui était suffisamment éprouvante comme ça.
Vingt ans après, quand vous repensez à la crise, qu’auriez-vous fait autrement ? Quel équipement important manquait à la Ville ?
Les génératrices ! On a équipé les principaux bâtiments de la municipalité avec des génératrices puissantes. Le plan des mesures d’urgence qu’on avait à la ville a été très efficace. Il faut dire qu’on l’avait étrenné un peu dans les années précédentes avec les inondations qu’on avait eues.