« Oubliés de la société »

L’offre de services pour divertir les aînés varie d’une résidence à l’autre, selon l’identité que souhaite se forger le milieu de vie. 

À la Résidence La Seigneurie de Chambly, le budget est de 600 $ à 800 $ mensuellement. Il permet de faire venir divers artistes, en l’occurrence, de façon générale, deux par mois. Le lieu accorde une « importance capitale » à l’espace culturel réservé à sa clientèle. 

Il y a deux mois, la Résidence La Seigneurie de Chambly a été rachetée par un consortium ontarien. Pour l’instant, cela n’a pas eu d’effets en matière de budget alloué aux spectacles. 

Denise Parsons est directrice des loisirs au Manoir Saint-Bruno depuis plus de dix ans. Pour elle, les loisirs permettent de créer une « culture au sein de la résidence. Ça enrichit le quotidien des aînés », convient-elle. Son objectif est de se renouveler, de trouver des nouveautés, de « trouver un wow! », pour divertir sa clientèle.

Mme Parsons mentionne qu’une activité suscitant l’intérêt ne nécessite pas toujours un gros budget. « On trouve aussi parfois des partenariats. C’est important de travailler avec la communauté pour avoir des échanges de services. La porte du Manoir ne tourne pas que dans un sens », termine-t-elle.

Spectacle pour les aînés

Des spectacles développés spécifiquement pour les aînés, il n’en pleut pas des masses. C’est ce que propose Mélanie Ratté Bisaillon. Sous le pseudonyme de La P’tite Ratté, elle a mis sur pied le spectacle En visite chez les grands-parents, destiné aux résidences pour aînés. 

L’idée du projet de La P’tite Ratté germe depuis longtemps mais le fruit a officiellement éclos au cours de l’été dernier. Depuis nombre d’années, elle accumule dans un calepin des bribes de son enfance, des poèmes, des réflexions, des souvenirs familiaux. Après quelques soirées de karaoké, l’idée est devenue claire. « Je vais faire la tournée des résidences pour aînés », a eu pour révélation Mme Ratté Bisaillon. 

Son amour des vieilles chansons y est aussi pour quelque chose. Ce n’est pas un effort pour elle que de les ressasser et de leur redonner vie. Des chansons d’Adamo, chouchou de sa grand-mère, et de Georges Hamel, préféré de son grand-père, figurent dans sa sélection. Puis, la liste s’est étoffée, imbriquant d’autres artistes. À travers ces chansons d’une autre époque, elle fait vivre l’histoire de ses grands-parents.

Sa broderie musicale s’entrecoupe d’anecdotes que l’artiste tisse finement. Berçant dans l’émotion pouvant s’apparenter à une forme de nostalgie, elle souhaite toutefois également faire rire et le verbalise avec assurance. « Je ne veux pas qu’ils [les aînés] tombent en dépression après mon passage! La P’tite Ratté les a scrapés », affirme-t-elle en riant. Elle mise donc sur un équilibre oscillant entre l’humour et la volonté d’émouvoir.

Elle le confirme, Mélanie Ratté Bisaillon n’est toutefois pas humoriste. Elle s’est donc entourée de professionnels en la matière afin de peaufiner cet art. Elle a fait appel à un scripteur qui écrit pour divers spectacles d’humoristes. Celui-ci prête, entre autres, sa plume à l’humoriste Jérémy Demay.

Viser les aînés

Les aînés ne sont généralement pas le premier réflexe en matière de clientèle visée quand un artiste monte un spectacle. Alors que Mélanie Ratté Bisaillon cible la petite enfance, notamment, avec ses spectacles intégrant son personnage de Mélou, La P’tite Ratté, elle, pointe directement vers le troisième âge et l’a bien précisément dans sa mire. « J’aime les phases de la vie où l’on n’est plus dans la productivité, dans la performance. On est dans la contemplation », extrait l’artiste.

Le respect qu’elle voue à cette sagesse, à ce vécu, on le décèle dans ses mots. « J’avais envie de revaloriser l’âge d’or et de lui témoigner l’impact de mes grands-parents dans ma réalité pour que ces gens sentent qu’ils sont importants dans la société », fait-elle valoir. Elle les nomme « les oubliés de la société ».

Budget pour divertir

D’une résidence pour aînés à l’autre, le budget relatif au divertissement varie. Certaines résidences contactées par le journal n’étaient pas à l’aise de parler de ce budget et ne souhaitaient pas communiquer l’information. « En surface, ce que je comprends, c’est que c’est difficile pour les techniciens de loisir d’aller chercher du budget […] pense à une place qui ne se ramasse qu’à un show par mois. Mais un show par mois, quand tu es tout seul, que tu ne peux pas sortir et que ta famille ne vient pas te voir, c’est long en christi! », considère La P’tite Ratté. 

C’est la tête haute que Mélanie Ratté Bisaillon fonce vers cette clientèle. Quelques spectacles sont déjà à la programmation de diverses résidences.