Ottawa impose sa vision au Québec

Ottawa a annoncé mercredi sa vision sur le logement social au Canada en dévoilant sa Stratégie nationale sur le logement du Canada. Un plan largement contesté.
Dans la droite ligne de la campagne électorale menant à l’élection du premier ministre Justin Trudeau, le Parti libéral continue à vouloir améliorer le sort de la classe moyenne tout en ciblant de sortir davantage de gens de la pauvreté.
Mercredi, en présentant une aide pour se loger de façon abordable et des subventions pour favoriser le logement social, le gouvernement propose une enveloppe de 40 milliards de dollars sur 10 ans.
On y retrouvera dès 2018, 15,9 milliards de dollars pour un Fonds national de co-investissement pour le logement. Une somme divisée en deux, 4,7 milliards en contributions et 11,2 milliards en prêt à faible taux d’intérêt, afin de réparer des logements locatifs existants et de créer de nouveaux logements abordables. Selon les estimations du gouvernement, le Fonds devrait créer jusqu’à 60 000 logements et contribuer à la réparation de 240 000 logements communautaires.
Une enveloppe supplémentaire de 4 milliards de dollars alimentera une Allocation canadienne pour le logement en incluant la participation des provinces et des territoires.
« C’est une annonce très importante, se réjouit le député de Shefford Pierre Breton. L’allocation canadienne pour le logement pourra bénéficier à près de 1 000 familles de la circonscription de Shefford (dont fait partie Saint-Césaire, Rougemont, Saint-Angèle-de-Monnoir). On estime que chaque ménage prestataire recevra en moyenne 2 500 $ par année, c’est très important. »
Cette allocation sera disponible dès 2020 si le Parti libéral est toujours au pouvoir. « Ce n’est pas une promesse électorale. On met sur la table cette stratégie aujourd’hui, car il y a un besoin pour la population. D’ailleurs le gouvernement veillera à déposer un projet de loi pour reconnaître un droit au logement à tous. Un projet en lien direct avec le droit à la personne. C’est la première fois que cela sera mis en place dans l’histoire du Canada. On s’engage aujourd’hui contre la pauvreté. »
Selon M. Breton, il y aura quatre fois plus de logements sociaux qui seront créés dans les 10 prochaines années avec cette stratégie comparativement à ce qui a été fait entre 2005 et 2015.
« Dès 2018, les différents organismes pourront déposer des projets en s’associant avec les municipalités. Le gouvernement fédéral sera alors un partenaire très important. Mon rôle sera de m’assurer que l’ensemble des municipalités de la circonscription soit au courant et dépose des projets », de préciser M. Breton.

Québec mécontent

Pour obtenir leur juste part, les provinces devront investir des sommes équivalentes à celles qu’elles recevront d’Ottawa, ce qui ne ravit pas le Québec.
Matthew Dubé le député du NPD, se demande si le gouvernement libéral a vraiment discuté avec Québec pour implanter ses mesures dans la province. « Quand le gouvernement québécois dit que cette politique va à contresens de leur approche, on se demande vraiment si la conversation a eu lieu avec Ottawa. Il est important de travailler avec chacune de ces provinces sur le sujet pour savoir où il faut investir », indique M. Dubé.
« Les priorités appartiennent au Québec, a quant à elle souligné la ministre responsable de l’Habitation, Lise Thériault. On est capable de définir où on met nos priorités et présentement la priorité va à la rénovation du parc immobilier vieillissant. »
D’autre part « le diable est dans les détails, pour M. Dubé. On ne se plaindra pas qu’on investisse dans le logement social, mais une grosse partie de l’argent devrait être disponible plus tard, après la période électorale. »
Pour M. Dubé, il existe de nombreux logements sociaux vieillissants qu’il faut rénover. Il a tenu à rappeler au Journal de Chambly que le gouvernement libéral avait voté contre un projet de loi du NPD proposant un droit au logement « afin d’œuvrer dans le temps pour le logement social. Il faut ici une obligation légale afin d’inscrire cette mesure dans le temps. Si ce droit au logement est inclus dans le projet de loi que le gouvernement compte proposer, cela me permettra de faire une coche dans la colonne positif et je me dirai alors qu’il est rentable de se faire voler des idées. Mais encore une fois le diable est dans les détails. »

FRAPRU

On va dans le bon sens pour le Front d’action populaire pour le réaménagement urbain (FRAPRU), mais on est loin du compte. « Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle. Il y a une bonne nouvelle, celle de reconduire l’aide aux locataires pour 10 ans de ceux qui vivent dans des logements sociaux », explique Émilie Joly, organisatrice communautaire au FRAPRU.
Mise à part cela beaucoup de questions demeurent pour l’organisation. Le logement abordable dont parle le gouvernement fédéral représente un prix avoisinant les 80 % du marché actuel, trop cher pour le FRAPRU. « Ces logements ne seront pas plus accessibles pour les personnes dans le besoin. Ce n’est pas une priorité », signale Mme Joly.
Sa plus grande déception réside dans l’enveloppe de 40 milliards de dollars. « Cette somme est budgétée sur 10 ans avec la contribution des provinces et des territoires. Il y avait déjà eu dans ce montant des annonces de faites par le gouvernement Morneau. Pour l’allocation canadienne pour le logement le gouvernement parle de 4 milliards financés conjointement avec les provinces et les territoires, mais Québec n’est même pas en accord. »
Mme Joly rappelle que cette stratégie fait suite à une recommandation de l’ONU qui avait déjà dénoncé le fait que le Canada est le seul pays du G8 à ne pas avoir de politique de logement social.
« Il reste du travail à faire », de conclure Mme Joly.