Sunset Ranch de Saint-Mathias-sur-Richelieu

Négligence et intimidation dans un camp équestre de Saint-Mathias-sur-Richelieu

Depuis la sortie du recours collectif, pour services non obtenus après paiement, entamé par une quarantaine de parents contre le Sunset Ranch de Saint-Mathias-sur-Richelieu, plusieurs dizaines de parents révèlent des histoires de négligence et d’intimidation similaires, vécues par leurs enfants sur le site du camp équestre.

Le journal a été témoin de vidéos démontrant une dizaine d’enfants accrochés notamment aux flancs d’un tracteur, conduit par le copropriétaire du Sunset Ranch, circulant sur la propriété. « Pas de douches pour les enfants, lieu insalubre, piscine brouillée nauséabonde dans laquelle se baignent des enfants parfois sans surveillance et faible ratio de moniteurs pour le volume trop élevé d’enfants », sont entre autres ce que rapportent des dizaines de parents.

Piscine sans surveillance

À travers la négligence ciblée, les parents décrivent « une piscine très verte, qui sentait l’horreur, sans surveillance » dans laquelle des enfants passaient une partie de la journée plutôt que de faire de l’équitation.  

D’autre parents mentionnent que leur enfant, qui a besoin de flotteurs pour se baigner, se trouvait dans la piscine sans ceux-ci. En guise de soutien pour flotter sur l’eau, un « spaghetti » pouvait être utilisé. Rappelons que la piscine a été installée « sans l’autorisation » de la Municipalité de Saint-Mathias-sur-Richelieu. La Ville dit être toujours dans l’attente de « leur demande de permis afin de régulariser la situation ».

La fille de Jessica Mincher était inscrite au camp dodo du Sunset Ranch. « Un soir, ma fille s’est couchée à une heure du matin et est allée à la piscine, la nuit, avec d’autres campeurs. Il y avait des ados, qui étaient avec eux pour surveiller », blâme-t-elle. Dans toute sa semaine, la jeune fille n’a pas pris sa douche une seule fois. Plusieurs parents affirment qu’il en a été de même pour leurs enfants. Des jeunes expliquent à leurs parents qu’ils se faisaient dire par la propriétaire que « la piscine allait les laver ».

La fille de Johanne Vézina devait prendre une médication quotidienne. « J’avais parlé à la propriétaire en lui remettant les médicaments en mains propres. Ma fille s’est fait dire qu’elle pouvait s’en occuper elle-même. Jamais la propriétaire ne s’est occupée des médicaments. Ma fille a même oublié une journée », raconte Mme Vézina.  

Chambre insalubre

Suzie Cadrin et Mélanie Doucet ont chacune inscrit leur fille au camp dodo du Sunset Ranch. Elles relatent qu’à leur arrivée, malgré leur demande, la propriétaire du ranch leur aurait interdit l’accès aux chambres dans lesquelles leurs filles dormiraient toute la semaine.

Quelques heures plus tard, les deux filles ont chacune envoyé un texto à leur mère pour mentionner, entre autres, que « la chambre est très sale ». Les deux mamans ont donc téléphoné à la propriétaire pour exposer la situation. Après la conversation, la propriétaire aurait confisqué le cellulaire des deux jeunes filles. « Elles avaient le droit de nous appeler seulement en la présence de la propriétaire », indique Mme Cadrin.

Le lendemain, les mères se sont rendues au camp et ont demandé à nouveau de visiter la chambre au sous-sol, à même la maison du couple propriétaire. « Elle ne voulait pas nous faire visiter. Elle nous a bien fait comprendre que cela ne se faisait pas, que nous allions déranger l’intimité des filles (qui étaient toutes dehors) et elle était scandalisée de notre demande », expliquent les deux mamans. Devant le refus, elles ont insisté. « Dès notre entrée, nous avons vu que c’était très sale. Il n’y avait qu’une seule toilette pour tous les campeurs, qui s’est brisée le mardi et qui n’a pas été réparée de la semaine. »

Mélanie Boulet avait inscrit sa fille au camp de jour. Après une première journée « insatisfaisante », des ajustements ont été demandés auprès de la copropriétaire. « Ma fille et son amie se sont ensuite fait recevoir par la propriétaire. Elles se sont fait dire qu’elles n’avaient pas d’affaire à raconter ce qui se passait à leurs parents et que si elles n’étaient pas contentes, de rester chez elles », dépeint-elle. Après deux jours, devant le constat de la situation, elle n’a pas laissé sa fille y retourner. « Je veux dénoncer la négligence d’enfants afin que d’autres ne se fassent pas avoir », résume Mme Boulet.

De son côté, Jessica Mincher reproche à la propriétaire du ranch de ne pas avoir accordé le droit à sa fille de la contacter, malgré ses réclamations. « Ma fille voulait rentrer mais n’avait aucun moyen de me le dire. Je pensais que, si elle n’appelait pas, c’est que tout allait bien », résume Mme Mincher.

Plaintes refusées par la police

Mélanie Boulet s’est plainte auprès de l’Office de la protection du consommateur. Avec Karolanne Bouchard, autre maman, elle est ensuite allée porter plainte contre le ranch pour négligence, le 28 septembre, à la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent. « Le policier n’a pas voulu prendre notre plainte. Il a écouté notre récit, mais il ne s’est jamais assis avec papier crayon pour prendre la déposition », dit Mme Boulet, stupéfaite.

« Il s’avère que l’enjeu principal qui nous aurait été adressé lors de cette visite est en lien avec une prestation de services non obtenus après paiement dans le cadre d’une entente entre deux parties. Ces informations étaient de nature civile, selon l’analyse des policiers. Donc, aucun dossier criminel n’a été pris », répond Jean-Luc Tremblay, de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent. Il ajoute que pour ce qui est de la « négligence envers des enfants telle que vous l’écrivez », aucune information permettant à la police de satisfaire aux critères nécessaires à une telle plainte ne leur aurait été transmise. « Soyez assurés que même si l’établissement ne semble plus en opération, nous avons signalé les allégations reçues au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). Sachez que si les dames devaient avoir de nouveaux faits à nous transmettre, elles peuvent venir nous rencontrer à tout moment », termine le sergent de la Régie de police. « J’ai dit le mot «négligence» probablement quinze fois quand je suis allée porter plainte », exprime quant à elle Mme Bouchard.

Un Ministère silencieux

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) est allé inspecter le Sunset Ranch à la fin du mois de juillet. Après la visite du Ministère, les copropriétaires du ranch ont annulé le camp dodo pour les semaines subséquentes, prétextant « un gros dégât d’eau ». Le MAPAQ refuse toutefois de transmettre le rapport d’inspection au journal. Le MAPAQ a également répondu au journal qu’il « ne commente pas les cas particuliers ». Le Sunset Ranch n’a pas retourné les messages du Journal de Chambly.

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