Modifications au règlement sur les hydrocarbures: le monde municipal en grogne

Le gouvernement du Québec a publié dans sa gazette officielle les modifications qu’il souhaite apporter à son règlement sur les hydrocarbures, le 21 septembre dernier. Ces propositions ont suscité la grogne du monde municipale qui avait déposé au printemps une demande pour améliorer la protection des sources d’eau potable.
S’ils sont adoptés, les changements proposés par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) ouvriraient la porte aux forages en milieu hydrique. Les compagnies pétrolières pourraient aussi faire de l’exploration et de l’exploitation à une distance minimale de 175 m d’un secteur résidentiel. Toutefois, pour une résidence isolée, cette distance est réduite à 150 m et à 100 m dans le cas d’un cimetière. Pour les forages terrestres, le ministre Pierre Arcand demande aux compagnies de respecter une distance de 275 m lorsqu’ils sont effectués près d’un établissement de santé, d’une école, d’une garderie ou d’un site patrimonial. Contrairement au souhait énoncé par environ 300 municipalités, le MERN ne demande qu’une distance minimale de 40 m dans le cas de la voie navigable du Saint-Laurent.
Rappelons qu’en juin dernier, presque 300 villes s’étaient unies et avaient adopté une résolution pour demander au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques de leur accorder une dérogation au règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) pour étendre à 2 km la distance minimale entre tout site d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures et une source d’eau potable. L’arrêté provincial dans cette matière prévoit une distance minimale de 500 m et il a préséance sur toute réglementation municipale sauf si elle est autorisée par le ministère.
Les nouvelles mesures proposées par le ministère des Ressources naturelles enragent André Péloquin, coordonnateur au Regroupement Vigilance Hydrocarbures du Québec (RVHQ) et initiateur du Comité de pilotage pour la révision du RPEP. « Je suis tombé à terre quand j’ai vu ça ! Ce n’est rien 150 m en matière de protection. C’est complètement ridicule et ça risque de révolter les gens », martèle M. Péloquin. Même son de cloche du côté du maire de Carignan, René Fournier. « Je ne sais pas ce qu’il fait ce gouvernement. C’est à se demander s’il pense réellement à la population. Les distances proposées sont beaucoup trop petites. Pourquoi limite-t-il la responsabilité des pétrolières », questionne le magistrat. En effet, les dernières modifications limiteraient la responsabilité des compagnies en cas de déversement à 10 M$ dans le cas des projets terrestres et à 25 M$ pour les projets hydrauliques.

« Je ne sais pas ce qu’il fait ce gouvernement. C’est à se demander s’il pense réellement à la population. Les distances proposées sont beaucoup trop petites. Pourquoi limite-t-il la responsabilité des pétrolières? »
–René Fournier

Délai de contestation

Les modifications annoncées dans la gazette officielle n’ont pas encore force de loi. Les personnes qui s’y opposent ont une période de 45 jours pour les contester en envoyant une lettre à la sous-ministre Luce Asselin. « Les personnes qui manifestent leur mécontentement sur diverses plateformes, que ce soit les médias sociaux, sur internet ou dans les médias traditionnels, devraient faire parvenir leurs opinions à Mme Asselin. Nous allons les considérer et valider leurs commentaires, mais ça ne veut pas dire que les changements proposés par les opposants seront automatiquement acceptés. On devra étudier le tout auparavant », explique Nicolas Bégin, porte-parole du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles.
Puisque la publication est parue dans la gazette gouvernementale mercredi dernier, la dernière journée pour contester le projet du gouvernement serait en principe le 5 novembre 2017. « Le ministre Arcand fait sortir ça curieusement en même temps qu’il est mission en Asie. Sans compter qu’on est en pleine période de campagne électorale ! On dirait qu’il a fait exprès pour que les gens ne puissent pas exprimer leur mécontentement », déplore André Péloquin.
Le ministère se défend en répondant qu’il ne peut pas faire plaisir à tout le monde. « On reçoit toujours des critiques lorsqu’on dépose un nouveau projet ou des changements. Soit il arrive trop tard, soit il est dans la mauvaise période. Pour arriver à quelque chose, on n’a pas le choix d’avancer et les gens ont quand même 45 jours pour s’organiser et envoyer par écrit leur désaccord », souligne le porte-parole ministériel. N’empêche que pour René Fournier, le gouvernement semble tout faire pour mettre des bâtons dans les roues des élus qui veulent protéger davantage leurs sources d’eau potable. « Lorsque nous sommes regroupées, plusieurs municipalités, pour demander au ministère de l’Environnement de nous permettre d’augmenter les distances minimales entre les têtes de puits et nos sources d’eau, le ministre Heurtel a demandé à chaque ville d’expliquer concrètement et à l’aide d’expertises et de rapports complets pourquoi on voulait faire ça. Il y avait tellement de critères à respecter et de documents à déposer que c’était complètement décourageant. Une petite municipalité comme Richelieu ne peut faire ça ! C’est la même chose avec les changements proposés au règlement sur les hydrocarbures. En pleine période électorale, on n’a pas le temps pour faire ça ! Ça n’a pas de bon sens », s’indigne le maire de Carignan.