Marieville : une monnaie locale pour aider les acteurs économiques

Bruno Gadrat a créé le $bien, une monnaie locale permettant de valoriser les talents des commerçants actifs sur le territoire de Marieville. Son but est de soutenir les agriculteurs du secteur.

Architecte paysager de profession, Bruno Gadrat est administrateur au Conseil régional de l’environnement de la Montérégie. L’environnement et l’économie locale sont deux domaines qui lui tiennent à coeur. « Mon objectif est de créer un environnement sain pour la Montérégie. Je vois, dans des fermes familiales de la Montérégie, des modèles pour l’avenir avec moins de pesticides, moins de transport et une meilleure distribution. Ainsi, les terres sont mieux conservées et les espèces animales, mieux protégées. »

« On rend conscient un circuit économique où l’on n’achète pas uniquement le produit, mais aussi la compétence du producteur. » – Bruno Gadrat

Le spécialiste regrette le soutien insuffisant de la société vis-à-vis ces agriculteurs. « L’environnement est considéré comme une dépense, car des investissements sont nécessaires. Or, ces derniers sont souvent des subventions et le privé n’est pas, voire peu représenté. Par exemple, lorsqu’on respecte la bande de trois mètres de zone tampon entre une culture et un cours d’eau, cela est considéré comme un geste écologique, mais c’est une pure perte pour l’agriculteur. »

Prise de conscience

Afin de valoriser les comportements favorables à l’environnement des exploitants locaux, Bruno Gadrat a créé une monnaie munie d’un code QR dans le but de tracer l’argent. « Il sera possible de voir où circule un billet grâce à un site Internet, explique le spécialiste, ancien professeur à l’Université de Montréal. Cela permettra de créer une chaîne de reconnaissance à l’échelle du territoire. On rend conscient un circuit économique où l’on n’achète pas uniquement le produit, mais aussi la compétence du producteur. Pour cela, on va sur le site Internet pour remplir un formulaire et ainsi constater l’évolution de l’argent. »

Actuellement, Bruno Gadrat, retraité, vise le territoire de Marieville pour lancer le $bien dans quelque temps. « Il est essentiel de faire le premier pas, affirme-t-il. Parfois, les gens ont peur de partager cet argent, mais si l’on n’arrive pas à passer ce cap, le reste ne peut pas suivre. Des actions existent déjà pour aider l’achat local, mais il faut en faire encore plus. On a remarqué que les fermes de proximité de Montérégie tiennent difficilement plus de dix ans. Plusieurs fermiers s’en sortent en travaillant dans une autre activité dans le même temps. »

Ainsi, l’architecte paysager espère créer un environnement favorable aux agriculteurs. « Le problème n’est pas le manque d’argent, mais la distribution de celui-ci. Nos habitudes conduisent à la disparition des petits commerçants. Je vois plusieurs fermes, ici, appliquer des processus écologiques, mais elles doivent faire concurrence à la carte de crédit et aux supermarchés. Or, il faut faire les choses autrement. Le but est de pouvoir garder l’argent sur notre territoire. »

L’exemple en Gaspésie

Pour ce projet, Bruno Gadrat a repris le projet, en Gaspésie, de l’instauration du demi gaspésien, une monnaie d’échange locale, depuis quatre ans. « Là-bas, les agriculteurs ont encore plus de difficultés. Ce projet, cela fait dix ans que je le conçois. Il commence à tourner. On veut lancer une machine permettant aux personnes de bénéficier de suffisamment d’argent pour vivre sainement tout en prenant soin de l’environnement. Précisons au passage que la santé de la population est aussi considérée comme une dépense. »

Concernant le lancement du $bien, Bruno Gadrat n’a pas encore de date précise. « Tout n’est pas encore prêt, mais cela devrait se faire prochainement. »