Mannequin trentenaire avec formes
C’est un projet que livre avec enthousiasme Annie Roy, ancienne Marievilloise et mannequin dans la trentaine, qui encourage l’acceptation du corps sous toutes ses formes.
Anciennement mannequin chez Folio Montréal pendant une dizaine d’années, Annie Roy vient tout juste de signer avec l’agence Dulcedo.
« Chez Folio, j’avais créé la taille ‘’courbes’’ qui n’existait pas. À l’époque, on voyait des tailles 00-1-2, des tailles catwalk Chanel, style Kate Moss », replonge dans le temps Mme Roy, qui portait du 14 lors de cette période. « Puis, j’ai perdu du poids et suis descendue à une taille 10. J’ai donc dû me retirer par principe. Je me disais que ce n’était pas éthique de représenter des femmes qui, elles, me voient et deviennent frustrées car, au bout du compte, elles n’ont pas un modèle de femme ‘’courbes’’ reflétant leur image », met en relief Mme Roy.
Cogitant sur la situation, Annie Roy en est arrivée à la réflexion que « ce serait le fun que les agences et les clients des agences intègrent des femmes qui sont ‘’plus santé’’, tu sais la girl next door, en formes, dans tous les sens du mot ». Partant de cette prérogative, Annie Roy a osé et est allée cogner à la porte de l’agence Dulcedo, gros joueur dans le mannequinat sur l’échiquier canadien.
« J’ai donc approché Dulcedo du haut de ma trentaine et de mon size 10. J’ai proposé d’être nommée mannequin taille ‘’médium’’ pour que les femmes se sentent plus interpellées. Fini les mannequins de taille 00 âgées de 14 ans et bienvenue aux femmes émancipées et en santé! Connaissant les normes de beauté attendues, je m’attendais à un non. Finalement, ils m’ont dit ‘’on embarque’’. Je souhaite que de plus en plus, la femme soit représentée de manière juste et honnête. C’est exactement mon objectif », déclare fièrement la mannequin.
Femme représentative dans la mode
Bombardé de retouches, l’œil du consommateur est plus souvent qu’à son tour servi de femmes qui atteignent des critères de beauté qu’encense une industrie, exacerbant la pression sur la femme et le regard qu’elle se porte. « La taille qui représente la majorité des femmes est mal exposée. C’est d’ailleurs pour apporter du réalisme que je propose cette initiative. Mes amies, plus minces que moi, se sentent grosses parce que les modèles sont minuscules. Je veux que les femmes ne correspondant pas au modèle de beauté imposé par l’industrie, complètement biaisé, puissent s’identifier. Idéalement, j’aimerais voir de plus en plus de mannequins de mon poids et de mon âge », espère-t-elle.
« La taille qui représente la majorité des femmes est mal exposée. C’est d’ailleurs pour apporter du réalisme que je propose cette initiative. » – Annie Roy
Soulever la présence de l’anorexie
Le réflexe naturel devant un proche souffrant d’anorexie serait de lui venir en aide. Or, dans le milieu de la mode, pour préserver une morphologie rachitique, l’anorexie semble acceptée, voire banalisée. « J’ai l’impression qu’on a voulu, il y a quelques années, avoir l’air de bonnes personnes qui dénoncent un problème. Un peu comme #metoo, où il y a eu une grosse flambée et soudainement, ça se calme et Gilbert Rozon remporte. Mais ça témoigne d’une société qui est malade. Malade dans sa tête et son corps. Il faut toutefois faire attention, il y a aussi des femmes qui sont très minces génétiquement et non pas anorexiques. Mais ici, pour en avoir côtoyé plusieurs, je parle de femmes qui se rendent malades pour devenir des mannequins, en ne mangeant pas et en prenant de la drogue », dépeint celle qui gravite autour de cet écosystème depuis plus d‘une décennie.
Hypersexualisation et univers malsain
En tant que femme dans la trentaine, comment réagit-on quand on se fait proposer un produit dont le mannequin est mineure? « C’est extrêmement malsain et ce qui me préoccupe, c’est l’image de la femme qui est hypersexualisée en raison de certains magazines qui utilisent des jeunes filles pour représenter des femmes en courbes. Il y a aussi particulièrement Instagram qui déforme la réalité. À 20 ans, ce n’est pas vrai que l’on ressemble aux filles qui sont sur les revues que l’on nous suggère : il y a une forte distorsion entre la réalité et ce que l’on nous montre. Plus que jamais, les jeunes du primaire et du secondaire sont hypersexualisés et il y a une énorme pression entourant le poids », s’inquiète l’ancienne Marievilloise.
Annie Roy offre des conférences, à des écoles ou à des camps de vacances, axées sur l’intimidation, une thématique qui se lie aisément à tout ce qui touche l’apparence physique.