L’enjeu de l’or bleu
Le climat qui sévit actuellement sur le Haut-Richelieu pousse à une hausse de la consommation d’eau. Une situation qui pourrait se répéter à plusieurs reprises en raison des changements climatiques. Dès lors, comment la répartir?
Stéphane Balagué n’a pas le choix. Cet agriculteur-maraîcher chamblyen doit arroser ses récoltes et ajuster leur irrigation, peu importe le climat. « Lors d’une journée ensoleillée à 30 degrés, 50 000 litres d’eau par hectare sont « évapotranspirés ». C’est énorme! On doit apporter l’eau qui circule dans la plante. La gestion de l’eau, pour un agriculteur, est quotidienne. C’est comme des enfants. Vous n’allez pas les laisser toute une journée au soleil sans boire. »
Pour satisfaire son besoin en eau, Stéphane Balagué a opté pour un puits artésien. « Cela dépend des exploitations, poursuit-il. Je gère bien mon eau grâce à un système de goutte-à-goutte. D’autres optent pour un bassin de rétention. Cela représente d’autres défis qui peuvent être plus adaptés à l’agriculteur.
Je suis enseignant à Saint-Hyacinthe et les étudiants en agriculture sont formés à optimiser leur gestion de l’eau. C’est un enjeu primordial. »
Martin Caron, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), est inquiet. « On ne s’adapte plus aux changements climatiques, mais on lutte contre. Si l’on regarde ces dernières années, le problème de l’eau s’est intensifié avec notamment la population qui augmente. La demande de l’eau est plus présente, donc, sur le plan de son utilisation, la cohabitation est plus complexe. »
La canicule s’étant abattue plusieurs jours en Montérégie, en juin et juillet, pose la question sur la gestion de l’eau et de ses réserves. « Selon un rapport du ministère de l’Agriculture, une part de 13 % de l’eau potable a été utilisée à des fins agricoles en 2023, contre 41 % pour le secteur résidentiel et 46 % du côté de l’industriel, poursuit Martin Caron.
De notre côté, on essaie d’optimiser l’usage de l’eau grâce aux nouvelles technologies. On organise des formations et des certifications afin d’améliorer les systèmes d’irrigation et de récupération d’eau, tels que les bassins. »
Quelles solutions?
Aussi, le président de l’UPA approfondit le problème. « L’autre enjeu est de savoir comment gérer l’évaporation de l’eau lors de fortes chaleurs comme cet été. Des éleveurs ont dû acheter de l’eau en citerne pour leurs bêtes. La situation est préoccupante. L’une des solutions est d’avoir un sol suffisamment en santé pour emmagasiner les pluies et d’éviter que l’eau ne ruisselle dans les fossés. »
Chez les particuliers, la gestion de l’eau ne laisse pas insensible. Gail Ritchie et Gaëtan Poirier confient leur inquiétude. « Déjà que nous faisons attention à la base, on arrose moins notre jardin cet été. On lave la voiture une fois à l’année chez nous. On garde notre piscine creusée, mais sinon, on ne consomme pas beaucoup. » Le Chamblyen Frédérick Bessette possède une entreprise de piscines et de spas. « Forcément, dans mon activité professionnelle, on utilise beaucoup d’eau, car il faut remplir les bassins. Mais dans le domaine privé, je ne suis pas un grand consommateur. Des pluies sont quand même tombées régulièrement et je n’arrose pas particulièrement le gazon. Donc, je n’ai pas changé spécialement mes habitudes. »
La Ville de Chambly a procédé à des règlements afin d’inciter les citoyens à économiser l’eau durant l’été.
« En date du 15 juillet 2020, le règlement d’arrosage a été modifié. Entre le 1er juin et le 1er septembre, l’arrosage et le remplissage des piscines sont uniquement permis le samedi, de 20 h à minuit (numéros civiques pairs) et le dimanche, de 20 h à minuit (numéros civiques impairs). L’arrosage au moyen d’un système automatisé est permis entre 2 h et 5 h, durant les mêmes journées. »
Les périodes de sécheresse sont aussi visées par l’administration chamblyenne. « En cas de sécheresse, la population doit suivre l’avis diffusé par la Ville de Chambly. Aucun arrosage, remplissage ou lavage extérieur n’est permis en cas de sécheresse, d’une urgence ou d’un bris majeur d’une conduite d’aqueduc. La Ville a mis en place des mesures d’urgence avec des plans particuliers d’intervention afin de coordonner l’ensemble des actions des services municipaux et des partenaires, ainsi qu’une communication rapide à l’ensemble des citoyens. En cas d’avis de restriction sur la consommation d’eau potable, des mesures, en guise de solution, sont à implanter afin d’assurer un débit d’eau requis pour que le Service d’incendie soit en mesure de maintenir ses activités. »
C’est l’usine de filtration SECTEAU, de la Régie intermunicipale d’aqueduc, qui pompe l’eau. « La municipalité est responsable de la distribution de l’eau potable dans tous les bâtiments commerciaux, industriels et résidentiels, poursuit la Ville de Chambly. Du fait même, la Ville, par le biais du Service des travaux publics, doit s’assurer d’entretenir en continu son réseau d’aqueduc. »
Des niveaux acceptables
Malgré les récents épisodes de canicule, le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) assure que les niveaux d’eau des nappes phréatiques sont satisfaisants. « Le MELCCFP assure le suivi des niveaux d’eau et des débits en rivière par son réseau hydrométrique et le suivi du niveau des eaux souterraines par son Réseau de suivi des eaux souterraines du Québec. Les données actuellement accessibles de ses réseaux de suivi ne suggèrent aucune situation critique quant à la disponibilité de l’eau en Montérégie, bien que quelques problèmes locaux d’approvisionnement en eau ont été rapportés. »
Les situations critiques existent. Le MELCCFP explique le scénario à appliquer. « Les situations de pénurie peuvent être causées par différentes raisons. Souvent, elles sont reliées aux caractéristiques et à l’état des infrastructures de captage, pas nécessairement au climat. Lorsqu’un citoyen constate une situation particulière, il devrait aviser sa municipalité pour qu’elle vérifie s’il s’agit d’un problème généralisé. »