Le secteur laitier devra s’adapter au libre-échange Canada-Europe
AFFAIRES. Le récent Accord de libre-échange Canada-Europe autorise l’importation de 17 700 tonnes de fromages européens. Il affectera les entreprises de la Montérégie, croient de nombreux producteurs laitiers.
Alain Chalifoux, président de la Laiterie Chalifoux, de Sorel-Tracy, cherche à tirer son épingle du jeu. Il a lancé depuis un an une autre gamme de fromage et de produits, dans un créneau particulier non affecté par ce libre-échange. Il espère ainsi compenser une stagnation possible des ventes de fromages après l’arrivée des produits européens.
«J’espère que ces quotas d’importation seront destinés aux entreprises et non aux épiceries et aux brokers qui ne créent pas beaucoup d’emplois et ne feraient que les revendre, affirme-t-il. Je me bats pour que ces quotas soient destinés aux transformateurs de fromage, au prorata de leur production. On pourra ainsi les intégrer dans notre production.»
Ce sont plutôt les fromages dits de commodité, comme le Parmesan, le Suisse ou le Gouda qui seront exportés ici, car ils voyagent bien et peuvent supporter 40 jours à bord d’un bateau sans se détériorer, explique-il. Ce qui n’est pas le cas des fromages fins.
Impact sur les producteurs laitiers
Ce libre marché avantage de nombreux producteurs canadiens, mais pose des problèmes aux producteurs laitiers, explique François Cournoyer, premier vice-président des Producteurs de lait de la Montérégie-Est.
Il estime que le fromage européen remplacera le fromage québécois, car les consommateurs favorisent le prix à la qualité et ne mangeront pas plus de fromage. Ce qui imposerait aux producteurs de lait une perte permanente de 2% de leur marché.
«Ce sont nos perspectives de croissance qui sont menacées. Actuellement, le prix du lait est plus bas qu’il y a six ou sept ans. On consomme le lait autrement, solide plutôt que liquide. Et on est moins payé pour le lait destiné au beurre et aux confiseries que pour celui à boire.»
Compétition
Patrice Lussier de la ferme M. Lussier à Ange-Gardien explique que les producteurs laitiers du Canada sont désavantagés par rapport à ceux de l’Europe.
«Les fromagers en Europe payent leur lait environ la moitié du prix que les fromages d’ici doivent payer, mentionne-t-il. Les producteurs sont capables de vendre leur lait moins cher, car ils ont des subventions.»
«Là, les fromagers du Québec doivent payer leur lait moins cher pour être compétitifs, mais nous ça nous atteint directement, car nous n’avons pas de subventions», ajoute M. Lussier.
Bien que des compensations aient été annoncées par le gouvernement fédéral, le 10 novembre, il juge qu’elles sont insuffisantes. Les producteurs laitiers recevront 250 M$ sur 5 ans et les producteurs fromagers 100 M$ sur 4 ans.
«Ça ne couvre même pas les pertes annuelles des producteurs laitiers du Canada», déplore-t-il.
Son confrère, le copropriétaire de la ferme Myosotis à Marieville, Olivier Ostiguy, croit que les consommateurs ne ressortiront pas gagnants de cet accord.
«Ils disent que ça va faire baisser les prix des produits laitiers, comme les fromages, parce qu’il y aura plus de compétition, mais on sait très bien qu’avec une compensation pour nos pertes, le consommateur va payer, mais par en arrière», déclare-t-il.
Avec la collaboration d’Adaée Beaulieu