« Le rock n’est pas mort »
Michel Pagliaro est de passage au Pôle culturel de Chambly pour un concert revisitant ses succès. L’occasion de jeter un regard sur le monde de l’interprète de « J’entends frapper », âgé de 77 ans, qui a connu l’âge riche de la musique des années 60-70.
Michel Pagliaro, le rock est-il mort ?
Non. Mais aujourd’hui avec la multiplication des styles, on constate beaucoup de distractions. On a l’impression qu’il existe moins car les ordinateurs font beaucoup de travail. Néanmoins, ceux qui aiment l’interpréter sont toujours là. Regardez la musique classique, c’est la même chose. Mais au fond, qu’est-ce que le rock ? Pour moi, c’est Chuck Berry. Le reste, ce sont des ramifications. Par exemple, les Beatles et les Rolling Stones ont commencé à le copier pour ensuite évoluer dans leurs styles respectifs.
« Tu fais un tube, les gens te tapent dans le dos. Il faut vivre avec cela. Le plus compliqué à gérer était mon innocence. » Michel Pagliaro
Vous considérez-vous comme un rocker ?
Je ne dirais pas cela. Je ne suis pas non plus un chansonnier. Je fais de la musique rythmée. Ma chanson « L’espion » n’est clairement pas du rock même si elle intègre de la guitare électrique. Le rock est devenu une marque de commerce. La bière, c’est rock. Les cigarettes, c’est rock. Mais ne vous méprenez pas. Je ne me lève pas tous les matins en me demandant qui je suis.
Quel est votre rapport avec le public et qu’attendez-vous des concerts comme celui de Chambly ?
D’abord que l’on passe une bonne soirée (rires). Je me sens plus à l’aise aujourd’hui que dans les années 70. J’apprécie davantage certaines choses. J’ai changé, pour le mieux j’espère. Mon public est un large éventails allant des adolescents jusqu’aux séniors. Certains jeunes me découvrent, d’autres mettent un nom sur une chanson qu’ils connaissaient.
Quel est votre regard sur le rock d’aujourd’hui ?
Le jeu a changé. Les ordinateurs ont tout changé avec la batterie et la basse électronique. Je n’ai rien contre cela mais ce n’est plus la même chose. Tout est réglementé par l’horloge. Les artistes sont libres, mais sous le contrôle de l’horloge. Tout est produit et séquencé pour livrer des performances optimales. Et cela donne de bons résultats. Mais avant, les artistes eux-mêmes étaient chargés de livrer des performances optimales. Les rockers d’aujourd’hui restent des artistes. La volonté de perdre du temps à jouer de la guitare pour voir où cela te mène. L’artiste veut jouer car il aime ça. Après, il faut être capable de pouvoir vivre de cela. Certains ont réussi à saisir les opportunités alors que d’autres pouvaient être meilleurs mais n’étaient pas organisés. Quand on veut vivre de son art, il faut savoir s’organiser.
Comment cela s’est passé pour vous ?
Les années 70 étaient compliqués car on apprenait sur le tas, même si on n’avait pas les aptitudes. Tu fais un tube, les gens te tapent dans le dos. Il faut vivre avec cela. Le plus compliqué à gérer était mon innocence. Savoir s’entourer des bonnes personnes est difficile car ce n’est pas toujours quelque chose que tu choisis. La vie te transporte et tu fais des rencontres. On est comme une feuille au vent. Mais l’innocence se réveille à un moment. Je suis un vieux hippie. J’ai fait beaucoup de fêtes, j’ai vu des gens sombrer dans l’alcool ou les drogues. La vie est difficile dans ces moments-là. La vie dans les arts est compliquée car il existe des périodes durant lesquelles on n’écoute plus personne. Ce sont de grands moments de solitude. Quand l’argent ne rentre pas, tu peux regretter ta job dans laquelle tu t’ennuyais mais qui te garantissait un revenu.
Quel est le meilleur moment de votre carrière ?
Je dirai aujourd’hui. Il y a eu des fêtes par le passé. Elles sont moins fréquentes actuellement. Mais je ne vis pas dans le regret du passé.