Le piano volant
C’est une manœuvre peu conventionnelle qu’a déployée le musicien François Rossignol, fraîchement revenu de son séjour aux résidences des Récollets à Paris, pour accueillir son nouveau piano.
« C’est un oiseau? C’est un avion? Non, c’est un piano! », ont pu constater les résidents de la rue où demeure le Chamblyen. Ce piano, un Yamaha UX-3 de plus de 500 livres, peut se détailler approximativement dans les 20 000 $ lorsque neuf. C’en est un reconditionné qui a fait sa niche la semaine dernière chez François Rossignol.
Pour l’occasion, une grue dont le mât peut aller jusqu’à 80 pieds a été dépêchée. L’opération ajoute à la complexité de la livraison : fils électriques environnants, proximité de la grue avec les maisons avoisinantes, etc. Daniel, le grutier du moment, est expert en ce type de déplacement. « Il ne fait que ça (déplacer des pianos) », assure M. Rossignol. À son zénith, le piano a atteint une hauteur d’environ 60 pieds. Une hauteur suffisamment élevée pour jouer avec les nerfs de M. Rossignol. « Oh, my God! J’avais la patate dans la gorge. J’étais vraiment très nerveux », admet le principal intéressé. À partir du moment où le piano a quitté le sol, il n’a pas été dans les airs plus de dix minutes. Le tarif d’une location d’une grue de la sorte démarre à 450 $. Selon le périlleux du défi, des suppléments peuvent s’ajouter. Cela n’a pas été le cas ici.
Peu de temps après, l’artiste étrennait son nouveau joujou. « Je ne le lâche pas depuis tantôt », admet-il, contacté plus tard dans la journée par le journal.
Deux mois à Paris
François Rossignol est de retour de France depuis le mois de janvier. Il y a passé deux mois. Tout comme en 2019, le musicien a été à nouveau lauréat d’une bourse de résidence artistique du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) à Paris, lui permettant de séjourner aux résidences des Récollets. Le centre international d’accueil et d’échanges des Récollets regroupe des logements qui s’adressent à des chercheurs et à des artistes étrangers sélectionnés par des organismes de parrainage.
Le séjour de l’artiste ne s’est pas déroulé comme entendu. « Ça a été une suite d’imprévus », établit le virtuose. Il est question notamment de « mauvaise communication menant à des malentendus ». Par exemple, une salle devait avoir été réservée pour qu’il s’y produise. C’est avec surprise, sur les lieux, qu’il s’est fait dire qu’il devait entreprendre le processus de réservation « alors que l’on avait déjà conclu que la salle était réservée avant que j’arrive à Paris ». Se retrouvant le bec à l’eau, il blâme l’entremetteur qui n’est pas allé au bout de la démarche. Les concerts de François Rossignol dans les salles prévues à cet effet à Paris n’ont pas eu lieu. « Il faut arriver très organisé à Paris. C’est difficile d’improviser sur place », retient-il.
Nouveau programme
Retroussant ses manches, François Rossignol a réorganisé son programme et s’est rabattu sur une autre option. In extremis, il s’est fait prêter une maison à Saint-Jean-de-Fos, dans le sud de la France. Quittant Paris, il est allé y passer une dizaine de journées. Dans la demeure gisait un piano. Muni de l’instrument à cordes, qui se trouvait à portée de doigts, il a composé un album de nouveau matériel. « C’était inattendu. Je ne m’en allais pas là-bas pour enregistrer un album. C’était magique! », exprime-t-il. Empilée sur d’autres projets en parallèle, la production de l’album progresse actuellement.
Une ville de ressourcement
M. Rossignol définit la Ville Lumière de lieu « exceptionnel » pour le ressourcement. Sur place, il a d’ailleurs profité de l’occasion pour explorer l’exposition Musicanimale, présentée au Musée de la musique de la Philharmonie de Paris.
Le bestiaire sonore se trouve à être un premier pas de la Philharmonie dans le domaine de la bioacoustique. L’exposition Musicanimale tend l’oreille vers le vivant : vocalises d’oiseaux, stridulations d’insectes, chants mélodiques de baleines et hurlements chorals de loup. Tout en démontrant l’influence des voix animales dans l’histoire de l’art et de la musique, le parcours questionne le devenir de la biodiversité et la disparition d’un patrimoine sonore en danger.
Cette thématique était en phase directement avec le sujet principal de recherche de l’exilé musical. Il aborde la cohabitation avec le vivant et comment elle peut être une source d’inspiration contemporaine pour les artistes.
Ambassadeur du Québec
Pour boucler l’aventure, le CALQ demande un rapport de résidence. Au-delà de la création, des rencontres enrichissantes, de l’ajout de nouveaux contacts, le but premier de l’octroi de la bourse est de faire rayonner artistiquement le Québec à l’étranger. L’artiste se dit fier de cette responsabilité issue de la confiance qu’on lui a témoignée.
« Le sentiment d’être ambassadeur a grandement motivé mes efforts pour échanger avec des artistes de partout dans le monde. C’est une sorte de pression positive, et je l’aime bien », termine François Rossignol.