L’amour de la gastronomie locale pour le Garde-Manger de François à Chambly
Le 67e gala de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec (SCCPQ) a décerné le prix Max-Rupp, lors de l’événement qui s’est tenu au Musée de la civilisation de Québec, à François Pellerin, chef propriétaire du Garde-manger de François à Chambly.
Après 45 ans dans sa cuisine, François Pellerin est à nouveau récompensé, mais cette fois pour la persévérance dans la qualité de son travail, en recevant le prix Max-Rupp.
La profession de cuisinier garde-manger est l’un des premiers postes à pourvoir quand on débute en cuisine. Le chemin pour être chef est par la suite long et semé d’embûches. Y arriver et être consacré par ses pairs représentent le Graal pour ces artistes culinaires.
On peut dire que François Pellerin a bouclé la boucle avec son enseigne le Garde-Manger de François. Le nom de cette boulangerie à Chambly n’est pas connu que de ses citoyens. Sa réputation a franchi à plusieurs reprises les frontières de la municipalité, l’entreprise étant reconnue comme un endroit de la gastronomie locale au Québec. Une valeur qui tient à cœur, depuis ses débuts, au propriétaire et chef François Pellerin.
Marcel Kretz comme mentor
« Quand j’ai commencé, dans les années 70 avec le chef Marcel Kretz dans les Laurentides, l’hôtel La Sapinière de Val-David était le seul relais-château en Amérique du Nord. Notre priorité était de travailler avec des fournisseurs mettant de l’avant notre terroir. Aujourd’hui, tout le monde se réveille enfin. On dirait que la COVID-19 a éveillé les consommateurs et les a remis à la cuisine, aux saveurs de nos produits locaux. Les valeurs familiales ont été de retour avec tout cela. Qu’est-ce qu’il en restera dans dix ans? Nous verrons. »
45
C’est le nombre d’années passées par François Pellerin à faire la cuisine pour les autres.
Des valeurs qu’il a demandé aux autorités de préserver. Alors que le gouvernement avait pris la décision de fermer les magasins le dimanche pour gérer un pic pandémique l’an dernier, M. Pelletier avait pris la peine d’écrire à son député et ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, pour que cette mesure provisoire devienne définitive.
L’influence du chef Kretz sur l’art culinaire au Québec est considérable, et c’est à ses côtés que M. Pellerin a fait ses gammes pendant quatre ans. « Le prix reçu au gala a été une surprise. Je ne m’y attendais vraiment pas. Le premier à m’avoir félicité, c’est Marcel Kretz au téléphone. Je suis allé le voir récemment. Je suis son premier disciple, c’est mon mentor. »
Aujourd’hui, le Garde-Manger de François est surtout une boulangerie, une pâtisserie, mais on y trouve aussi des plats cuisinés à emporter. « C’est pour garder la touche. »
De la confiserie à la boulangerie
Après un parcours en cuisine qu’il a débuté à 16 ans, la boulangerie et ses gâteries sucrées rappellent un peu au propriétaire son enfance passée dans le magasin à bonbons que tenait son père à Longueuil, devant l’église Saint-Antoine-de-Padoue.
Entre ces deux périodes sucrées, ce sont ses galons de chef cuisinier qu’il a gagnés les uns après les autres pour être désigné, en 2007, chef de l’année au Gala des chefs cuisiniers et pâtissiers du Québec. Il était alors le chef du restaurant Fourquet Fourchette à Chambly depuis sept ans.
« J’avais un commerce de viande fine d’oiseaux à Mirabel avant qu’il y ait un incendie qui détruise l’abattoir le jour de mon anniversaire, le 20 janvier 2000. » M. Pellerin se souvient de ce moment comme étant le plus difficile dans sa carrière.
Ce coup du sort aura été un élément important dans son choix de poser ses valises à Chambly. Au printemps 2000, les propriétaires du Fourquet Fourchette cherchaient quelqu’un pour opérer la cuisine d’un établissement qui venait d’être totalement rénové. « Le restaurant était magnifique. On m’avait sollicité et lors de ma première rencontre, on m’a jeté les clefs du Fourquet Fourchette sur la table en me disant que le poste était à moi. J’ai pris un petit temps de réflexion quand même. On parlait ici d’un restaurant de 550 places avec deux livraisons de légumes par jour et 70 employés. J’ai accepté. »
Arrimage à Chambly
Le Fourquet Fourchette aura été une aventure de près de 10 ans, où il a gagné le prix de chef de l’année, où encore il a été le premier dans les années 2000 à associer la gastronomie à la bière québécoise. Rappelons que le propriétaire des lieux, André Dion, était aussi, au début de l’aventure, propriétaire d’Unibroue à Chambly. « André Dion a eu confiance en nous dès le début et il a toujours tenu les engagements qu’il avait pris avec moi. Aujourd’hui, le respect de la parole donnée, c’est plus difficile à trouver. Quand je suis arrivé à Chambly, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. On peut dire aujourd’hui que cela a été au-delà de mes espérances. »
C’est après Le Fourquet Fourchette que le Garde-Manger de François est né comme une sorte de retour aux sources pour M. Pellerin. « Dans la confiserie de mon père à Longueuil, on pouvait voir, les dimanches à la sortie de la messe, les étoiles dans les yeux des enfants s’allumer dans un moment qui se voulait familial. Les gens venaient en grand nombre. On peut dire que c’est là que j’ai vécu mes premiers coups de feu (NDLR : période d’activité la plus intense en cuisine). Aujourd’hui, c’est la même chose avec la boulangerie. C’est un petit plaisir de la vie. »
Pas toujours facile
Les cinq dernières années n’ont pas été de tout repos pour M. Pellerin. Une aventure commerciale ratée à Longueuil, la pandémie de COVID-19 et le combat, heureusement gagné, de sa femme contre le cancer n’ont pas découragé le chef entrepreneur.
Une nouvelle boulangerie, pâtisserie express s’est ouverte bien en évidence en bordure de la route 112. L’enseigne originale, elle, sur la rue Bourgogne, reste encore bel et bien présente. C’est là que le cœur de la cuisine se trouve. En gardant cet édifice ouvert certains jours, M. Pellerin fait perdurer la tradition voulant que depuis 120 ans, à cet endroit, il existe une boulangerie à Chambly.
À travers toutes ces années de travail acharné, dans un métier « où il est rare d’y passer toute sa vie », François Pellerin ne voit qu’un fil conducteur à sa carrière : « la passion ». D’ailleurs, s’il avait un conseil à donner à tous les jeunes qui veulent se lancer en cuisine, c’est d’être passionné. « Sans ça, on ne dure pas. »
C’est notamment à partir de ce critère qu’il a recruté, en septembre, un boulanger habitant en France après un entretien sur Skype. « J’ai détecté la passion chez lui. J’en cherchais un depuis le mois de janvier », conclut-il.