La galère patrimoniale

La famille Shpinev a acheté une maison patrimoniale à Chambly. Depuis, elle se trouve embourbée dans les procédures à la suite du changement de fenêtres et de portes sans permis.

La facture se chiffre déjà à plusieurs milliers de dollars et elle pourrait bien grimper encore. Heureuse propriétaire d’une maison rue Langevin à Chambly, la famille Shpinev a déchanté récemment lorsqu’un contrôleur de la Ville est venu interrompre les travaux sur les portes et fenêtres, le 10 mai dernier. « Il était très agressif, raconte Olga Shpineva, la mère de Dimitri, le propriétaire. Il est entré dans la maison sans notre permission et nous a sommés d’arrêter les travaux sous peine d’avoir une amende salée, car la maison est reconnue d’intérêt patrimonial. Nous n’étions même pas au courant! »

« L’inspecteur nous somme de remettre le modèle d’origine. Mais cette maison date de 1888 et, à ce que je sache, les fenêtres en plastique n’existaient pas à cette époque! » – Olga Shpineva

Le certificat de vente de la maison a induit en erreur les propriétaires originaires du Kazakhstan, présents au Canada depuis vingt ans. En cause, le paragraphe 9.2 concernant la Loi sur le patrimoine culturel. « Cet immeuble n’est pas reconnu comme étant un bien patrimonial classé et n’est pas situé, en tout ou en partie, à l’intérieur d’une aire de protection ou d’un arrondissement patrimonial publié au registre foncier en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel (RLRQ, P-9.002) ou en vertu d’une disposition similaire apparaissant au règlement municipal de zonage. » Mais la dernière phrase dudit paragraphe change tout. « Toutefois, cet immeuble fait partie de l’inventaire patrimonial de la Ville de Chambly et possède un intérêt patrimonial moyen. »

Interrogée, la Ville de Chambly est formelle : « L’inventaire a été réalisé par la Ville de Chambly (Service de la planification et développement du territoire) en respectant une certaine méthodologie. La Ville peut inscrire une propriété si elle juge que les valeurs d’âge, d’architecture, d’authenticité, de contexte, d’usage, historique et de rareté sont suffisantes. Il est à noter qu’une Ville a également le pouvoir de citer un immeuble patrimonial, le protégeant davantage, mais n’a pas le pouvoir de le classer puisque ces décisions sont prises au niveau provincial. »

Des normes dépassées

Autre enjeu important pour la famille. Elle ne peut y vivre si ces fenêtres et portes ne sont pas réparées. « On a vécu deux hivers là-bas et on devait mettre des couvertures sur les ouvertures, car le froid passait, rappelle Olga Shpineva. La porte ne ferme pas. Ce n’est pas vivable. » Or, au moment de rénover, l’entreprise a insisté pour changer les modèles des fenêtres. « Elle nous a expliqué que les normes avaient changé et, pour des questions de sécurité en cas d’incendie, on devait prendre un autre type de fenêtre. L’inspecteur nous somme de remettre le modèle d’origine. Mais cette maison date de 1888 et, à ce que je sache, les fenêtres en plastique n’existaient pas à cette époque! »

Quelle issue?

À ce sujet, la Ville est claire. « Si des fenêtres doivent être remplacées, elles doivent respecter les nouvelles normes de construction. La Ville voit tout de même à l’application du règlement sur les Plans d’implantation et d’intégration architecturale par rapport au type de fenêtres à installer, les dimensions ainsi que le matériau choisi. »

Aujourd’hui, le dossier est en statu quo. Émue par la situation, Olga Shpineva aimerait pouvoir s’installer dans la maison cet été. « Heureusement que nous avons conservé le bail de notre condo à Longueuil, sinon nous étions sans rien. Il ne reste que quelques heures de travaux. L’inspecteur de la Ville m’a dit qu’il fallait un permis pour faire ces travaux mais qu’il ne nous le délivrerait jamais. Je l’ai trouvé très cruel! On nous empêche de rénover notre maison. La Ville veut-elle une nouvelle maison Beauchamp? » La maison Beauchamp doit être le dernier édifice patrimonial de Chambly détruit, faute d’entretien.