La colère monte chez les employés impayés par le système Phénix
Le système de paye Phénix implanté pour la rémunération des fonctionnaires canadiens cumule les erreurs, qui se traduisent sur les talons de paye des employés de la région. Des travailleurs ne sont pas près de voir la couleur de leur argent, alors que d’autres reçoivent des montants en trop.
En 2010, le gouvernement conservateur de Stephen Harper annonce la centralisation du service de la paye à Miramichi au Nouveau-Brunswick et prévoit des économies, grâce à une technologie automatisée.
Ce n’est que six ans plus tard, sous la gouverne des libéraux de Justin Trudeau que le système Phénix est mis en place.
Retards
Claire Chassé a été maîtresse éclusière de nombreuses années au canal de Chambly. Elle opère désormais au canal Lachine, aussi dirigé par Parcs Canada.
À l’hiver 2016, elle travaille au service des finances pour un contrat. La dernière semaine travaillée et sa paye de vacances ne lui ont jamais été remboursées.
« Quand on appelle aux ressources humaines, on nous renvoie à Phénix, décrit Mme Chassé. Quand on appelle, ils nous répondent qu’ils vont traiter la demande quand ils y seront rendus et de suivre notre dossier dans l’onglet suivi de mon cas sur leur site. Le problème, c’est que mon cas n’est même pas ouvert et que rien ne bouge ! »
Quelques semaines plus tard, l’employée revient travailler quelques heures pour différents besoins. « Je déclare au chômage que je travaille ces journées-là, mais je ne reçois pas mes payes. Le système Phénix n’accepte que les chiffres de huit heures dans son système », ajoute-t-elle.
« J’ai une hypothèque à payer et ça me force à jongler pour trouver une façon de ne pas affecter notre dossier de crédit. Si une entreprise privée agissait comme ça en ne payant pas ses employés, le gouvernement devrait lui tomber dessus. Il devrait agir en modèle », s’indigne l’employée, désemparée.
Même au loin
L’été dernier, la guide au Fort-Chambly, Josee Poirier rencontre aussi des problèmes. Si elle a encaissé les heures régulières qui lui étaient dues, elle a attendu ses primes pour les jours fériés, les soirs et les fins de semaine ainsi que les heures supplémentaires toute la saison. Ce n’est qu’en mai 2017 qu’elle a reçu son chèque.
« Quand on est travailleur saisonnier, on ne roule pas sur l’or. Ça nous place dans une insécurité financière et ça nous crée un stress immense », reproche l’employée.
En janvier, Josee Poirier décide de prendre un congé sans solde. À sa grande surprise, elle a reçu en juin une paye, même si elle ne travaille pas.
« Tout ce que je veux, c’est avoir la paix. Je ne voulais plus de problèmes. J’ai téléphoné pour aviser, mais ils ont mis mon cas à mon dossier et je dois attendre un retour. Depuis j’ai reçu une autre paye », raconte-t-elle.
Mme Poirier conserve ces montants dans son compte épargne, consciente qu’elle devra les retourner. Elle s’inquiète toutefois de ce qui sera déclaré à son prochain rapport d’impôts.
« Même les talons de paye sont incompréhensibles. Pour donner une idée, ils font 19 pages pour les deux dernières périodes de paye que je n’ai pas travaillé », informe-t-elle.
À Ottawa
Le député de Belœil–Chambly, Matthew Dubé, est bien au fait de cette situation. « Les bureaux des députés fonctionnent aussi sur le même système. Des problèmes similaires sont courants, tous partis confondus », souligne-t-il.
Le néo-démocrate juge sévèrement la décision des libéraux d’avoir mis en œuvre le système Phénix, malgré les nombreux avertissements du syndicat de la fonction publique.
« La liste de problèmes est énorme et elle a un coût humain. La nouvelle ligne d’aide mise en place est loin d’être suffisante et c’est certain que nous reviendrons à la charge sur ce dossier à la Chambre des communes », s’engage-t-il.
Le 2 juin, le gouvernement annonçait l’embauche de 90 nouveaux employés à Miramichi, et plus de 140 répartis entre les bureaux satellites et les opérations de Matane et de Shédiac, afin de stabiliser la situation.
Services publics et Approvisionnement Canada a refusé notre demande d’entrevue, dirigeant nos questions vers les séances d’informations techniques offertes par la sous-ministre, Marie Lemay.