Isabelle Richer croit qu’il existe toujours une haine des cyclistes

TÉMOIGNAGE. La journaliste de Radio-Canada, Isabelle Richer, a inquiété les Québécois l’an dernier, après avoir été happée par un camion alors qu’elle roulait sur le rang de la Grande Caroline à Rougemont, le 27 juin 2015. Près d’un an après son accident,

Quelles séquelles gardez-vous de votre accident? Comment arrivez-vous à composer avec ces dernières?

Pour l’instant, les séquelles les plus graves sont en train de se résorber. Les séquelles qui me restent sont des raideurs au cou et au coude.

Quand tu as un traumatisme crânien, que tu passes proche de perdre tes facultés et que tu les retrouves, tu ne sais pas à quel point ça va être épuisant de les utiliser tout le temps.

La première demi-journée de travail, j’étais tellement vidée! Comme si ma pile était à plat. C’était vraiment un contact difficile avec ma nouvelle réalité. J’espérais que cela se tasse et effectivement, ça se tasse tranquillement.

Avant, je n’avais qu’à claquer des doigts pour retrouver le nom d’un livre, d’un bandit, etc. Parfois, je bute sur un nom. Je me demande alors si c’est seulement le phénomène de vieillissement normal qui me rattrape ou une séquelle du trauma.

Je garde toujours la crainte qu’en direct, je n’arrive pas à avoir la même rapidité à trouver les informations qui sont enfouies dans ma mémoire. Quand tu n’es pas habituée, tu as juste peur que ça t’arrive. Le défi sera de composer avec ça. Mais au fond, si ça m’arrive, ce ne sera pas plus grave que ça.

Comment s’est passée votre première sortie à vélo après l’accident?

C’était un jour assez charnière. Je nourrissais plus de craintes que j’en ai vécues. J’étais partagée entre la peur d’avoir peur et le plaisir de remonter à vélo.

L’activité physique fait partie de moi, ça ne va pas disparaître. C’est nécessaire à mon équilibre. Je ne peux même pas concevoir ma vie sans sport. Je ne suis pas spécialement modérée. Je suis plutôt intense, je ne fais pas un petit peu de sport, je le fais furieusement.

Est-ce possible de vous voir réemprunter le rang de la Grande Caroline cette saison?

Ce n’est pas impossible. Je n’ai pas revu l’endroit. Ça ne fait pas longtemps que je suis prête à aller voir où ça s’est passé. Je ne veux pas faire ma brave à tout prix et y aller en bicyclette et faire comme si ça ne me dérangeait pas, mais je pense qu’à un moment donné, il va falloir que j’y aille.

Croyez-vous qu’il est sécuritaire pour les cyclistes de rouler au Québec?

C’est la question mille fois posée, mille fois non résolue. Le partage de la route se fera quand il sera inclus dans le plan des infrastructures. Tu as beau avoir conscience de la présence des vélos, tant que les routes ne seront pas construites pour accueillir des vélos, c’est dangereux.

Je fais du vélo de route et 80% des routes sur lesquelles je roule n’ont pas d’accotement. Quel genre de trajet je vais faire si je cherche des routes avec des accotements? Il n’y en a pas!

En Europe, c’est le paradis des cyclistes, il y a une culture du vélo, pas mal plus qu’en Amérique. Là-bas, les cyclistes ne sont pas les ennemis de la route. Bien qu’il y ait des accidents en Europe, il y a quand même une culture du vélo beaucoup plus ancrée.

Comment décrivez-vous la cohabitation entre automobilistes et cyclistes ici?

Il y a nécessairement une amélioration, mais il y a malheureusement encore une haine des cyclistes et je ne sais pas d’où ça vient. J’ai du mal à comprendre. Il y a des gens qui s’attaquent aux cyclistes en leur lançant des objets, par exemple. Des gens font exprès de nous frôler, c’est inutile et dangereux.

Que faudrait-il faire pour changer ces comportements?

C’est le martelage, c’est comme ça que les comportements changent. Ça devient quelque chose d’inscrit, de naturel, comme à l’époque avec le port de la ceinture de sécurité. C’est un entraînement qui est long. Dresser les automobilistes, ça prend des décennies.

C’est quand même pas mal plus dans la culture aujourd’hui. Je pense que la jeune génération a un plus grand souci écologique pourra faire évoluer la réflexion.

Vous serez à la barre d’une nouvelle quotidienne qui portera sur les affaires judiciaires dès septembre, en plus de poursuivre comme coanimatrice à l’émission <I>Enquête<I>. Comment entrevoyez-vous ces nouveaux projets?

C’était le plan avant que ma vie bascule. J’animais une émission quotidienne d’affaires judiciaires qui s’appelait Sous la loupe. L’émission change d’heure, elle sera en direct à 11h30 le matin. Ça va lui donner une autre petite swing pour être plus ancrée dans l’actualité. On va être la mise en bouche du bulletin de nouvelles.