Des enfants aliénés ?

Le milieu de la psychoéducation porte un regard inquiétant sur le développement des enfants et des adolescents, qui sont affectés de bien des façons par la crise sanitaire.

Depuis le début de la pandémie, les enfants se développent dans un contexte où les repères ont complètement changé par rapport au milieu de l’éducation tel qu’on l’a connu. La distance physique y est de mise et les sourires sont cachés derrière des masques d’allure de plus en plus clinique. Les tout-petits qui, en dehors de leur famille immédiate, ne voient plus que des adultes masqués, dessinent des bonhommes sans bouche. Ils craignent la proximité, leur prochain et, par-dessus tout, le monstre invisible, ce méchant coronavirus. Mais qu’en est-il de l’autre menace, l’aliénation ?

Un retard de langage

« Le masque n’aide vraiment pas, surtout pour apprendre à parler aux enfants. C’est d’autant plus difficile avec les petits poupons de 18 mois et moins avec lesquels je travaille. », remarque Julie Hébert, éducatrice à la Garderie L’Ange Rumiel et Angelus, à Marieville. Notons que dès l’âge de six mois, un bébé commence à s’intéresser aux mouvements des lèvres en fonction des sons qu’il entend pour apprendre à parler. Le fait de l’en priver pourrait engendrer des retards de langage.

Au CPE La Boîte Soleil à Chambly, on a les mêmes préoccupations : « On ne peut encore mesurer les impacts sur le développement des enfants qu’engendra la COVID. Il est évident que la bienveillance de nos éducatrices reste un atout majeur. Elles savent gérer et comprendre les comportements des enfants, incluant les comportements anxieux ou les sentiments de tristesse qu’elles constataient aussi avant la COVID, nos tout-petits étant en train de développer leur maturité affective. Néanmoins, nous sommes déjà en mesure de constater que le masque aura un impact sur le développement langagier pour certains enfants (surtout les tout-petits). »

« Depuis le début, je m’inquiète beaucoup pour le développement des enfants. » – Camélie Archontakis

Un contexte d’apprentissage aliénant

En plus des retards d’apprentissage rapportés, les spécialistes s’inquiètent de l’évolution des rapports sociaux, qu’ils jugent dénaturés pour les enfants, dont le bien-être à long terme est compromis. Camélie Archontakis est finissante à la maîtrise en psychoéducation à l’Université de Montréal, et stagiaire en santé mentale jeunesse. Elle travaille auprès d’adolescents et a aussi œuvré auprès de jeunes enfants. Elle se dit très heureuse du retour en classe. « C’est vraiment une bonne nouvelle. Depuis le début, je m’inquiète beaucoup pour le développement des enfants. Je comprends qu’il faille penser à la santé publique et à la pandémie, mais n’oublions pas les dommages collatéraux du fait de tout fermer. Pour les enfants en bas âge, presque dès la naissance, il est très important qu’ils commencent à explorer leur environnement et qu’ils développent un lien d’attachement.

Le fait qu’ils ne puissent pas le faire comme ils le voudraient aura des conséquences à long terme. Ces répercussions sont d’autant plus difficiles à évaluer que l’on fait face à une situation sans précédent. » Pour Mme Archontakis, la réouverture des garderies et des écoles a beau être un soulagement, elle rappelle que certains parents font le choix de garder leurs enfants à la maison malgré tout. Cette situation n’est, selon elle, pas souhaitable, bien qu’elle reconnaisse que pour des raisons de santé précaire, certaines familles n’ont pas d’autre choix. « Ce qui m’inquiète avec cela, c’est que certains parents en télétravail ne soient pas nécessairement disponibles pour leurs enfants, qui manquent alors de stimulation. Par ailleurs, il arrive que les parents éprouvent du stress en raison du contexte, qui générera aussi de l’anxiété chez leurs enfants, affectant leur santé mentale. »

« Le contexte actuel peut s’avérer être encore plus difficile pour les jeunes présentant certaines vulnérabilités, comme par exemple un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), un trouble d’apprentissage, ou des troubles de santé mentale. Ça l’est de base, pour tous les enfants, mais la disparité n’a été que renforcée par le confinement, puisque ce ne sont pas tous les enfants qui ont un environnement propice à l’apprentissage et au développement psychosocial à la maison. », amène Mme Archontakis.

Question aux lecteurs :

Êtes-vous inquiets pour le développement de vos enfants en temps de pandémie ?