Éloge de la résilience

La déclaration de Jean-François Roberge concernant une immigration choisie à 100 % francophone pour 2026 donne un coup de projecteur sur le processus de sélection du Québec. Si, pour certains, l’obtention de la résidence permanente est aisée, les nerfs sont mis à rude épreuve pour beaucoup d’autres.

Le Québec fait rêver. Les paysages enneigés, l’image des chiens de traîneau et l’accueil chaleureux de sa population… Mais pas uniquement cela dans le contexte de l’immigration. Les francophones souhaitant s’établir dans la Belle Province cherchent un eldorado : celui du travail, d’un environnement sain et d’une aisance matérielle plus importante que dans leur pays respectif. Ainsi, la déclaration de Jean-François Roberge, ministre de la Langue française et député de Chambly, concernant une immigration 100 % francophone au Québec dès 2026 pour assurer le regain de la langue française, peut sonner comme une très bonne nouvelle pour ce large public venant essentiellement d’Europe et d’Afrique. Mais le processus du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) du Québec est-il suffisamment adapté pour encourager les candidats à postuler?

Depuis une bonne dizaine d’années, les demandes de Programme Vacances-Travail (PVT) affluent en masse en provenance de France et de Belgique, voire du Luxembourg, seuls pays admissibles. Si bien que les quotas sont rapidement atteints! Le PVT? Un permis vacances-travail qui permet d’entrer au Québec pour les Français (2 ans) ainsi que les Belges et les Luxembourgeois (1 an) afin de travailler ou de voyager à travers le pays. C’est une méthode très utilisée pour ceux qui veulent s’assurer de leur intégration au pays avant de faire leur demande de résidence permanente ou simplement découvrir. Plus de 10 000 Français et près de 2 000 Belges sont entrés de cette manière en 2022. La délivrance de permis se fait par tirage au sort. 

» Je ne pouvais m’investir dans rien de très sérieux, puisque j’allais tout quitter pour venir à Montréal! »  – Salma

 Pour les personnes venant d’autres pays, la demande de résidence permanente directement est plus sûre. Le principal obstacle reste le certificat de sélection du Québec. Il représente une validation de la province qui estime que le profil de la personne puisse coller avec les manques du territoire. Salma est Algérienne. Elle a fait sa demande à 26 ans et a pu entrer au Québec cinq ans plus tard! « Je n’en pouvais plus d’attendre. C’était intenable, car ma vie était entre parenthèses durant tout ce temps-là. Je ne pouvais m’investir dans rien de très sérieux, puisque j’allais tout quitter pour venir à Montréal! » Pour Alma, diplômée dans les énergies renouvelables, les choses sont différentes. De nationalité française par adoption dès son plus jeune âge, elle est née en Colombie. Après l’obtention de son PVT, elle a fait sa demande de résidence permanente. Après neuf ans de traitement, elle a simplement laissé tomber. « On m’a demandé un certificat de naissance colombien. Je n’ai jamais connu ma mère biologique et j’ai dû retourner là-bas pour m’en procurer un sachant que l’administration n’est pas si bien organisée, soupire-t-elle. Ensuite, il manquait toujours un papier et lorsque j’en complétais un, la date de péremption était atteinte pour un autre. Le Québec n’a pas voulu de moi, j’ai préféré tourner la page. »

Immigration choisie

Plusieurs histoires se déroulent bien aussi. Sylvain, professionnel dans la communication, a trouvé un travail dans son domaine au bout de six mois de PVT. Il y est resté pendant deux ans, le temps que sa résidence permanente soit officialisée. « Je m’estime chanceux quand j’entends les galères de beaucoup de personnes dans mon entourage. Je n’ai eu aucun souci. » Même chose pour Sylvie, infirmière française, qui a eu sa résidence permanente en une journée!

« J’étais en France et c’est une agente d’immigration qui m’a proposé de venir au Québec. Au début, je n’étais pas intéressée, mais la province manquait d’infirmières et je doublais mon salaire. La cause était entendue en fin d’après-midi. »

Contre la pénurie de main-d’œuvre

Le MIFI assure donner une réponse pour un CSQ en six mois dans 90 % des cas. Un délai raisonnable. Mais si le processus d’immigration choisie permet au Québec de trier, la moindre zone grise peut engendrer beaucoup de conséquences dans le processus et, évidemment, dans la vie des demandeurs.

Pourtant, l’immigration est un pilier important pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) dans sa lutte contre la pénurie de main-d’œuvre. « Le gouvernement doit poursuivre ses actions et adopter des mesures facilitant l’embauche et la rétention de travailleurs étrangers, assure Clémence Joly, analyste des politiques à la FCEI.

Notons que le tiers des PME veulent que le gouvernement les aide à trouver des candidats dans leur région et demandent à réduire les délais de traitement pour l’embauche de travailleurs immigrants et en simplifier l’accès. Toutes mesures qui vont en ce sens doivent être soulignées, car il y a urgence d’agir pour soutenir le cœur de notre économie. » Actuellement, 84 % des immigrants au Québec sont francophones parmi les 50 000 élus annuellement.