Effondrement d'un immeuble : aucun ingénieur pour vérifier l’ensemble du projet
ROUGEMONT. La loi n’a pas été respectée dans la construction du bâtiment de six logements du rang de la Petite Caroline qui s’est effondré le 11 mars. Selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST), les plan
Selon des informations apprises par le Journal de Chambly, un signalement a même été déposé au service de surveillance de la pratique illégale de l’Ordre des ingénieurs du Québec. Un dossier y est présentement à l’étude pour déterminer s’il y a matière à ouvrir une enquête.
La bâtisse s’est affaissée alors que les employés travaillaient à couler les planchers de béton. Le deuxième étage de la moitié de l’immeuble s’est complètement effondré.
Un ingénieur dans l’équation ?
Le projet domiciliaire de Maison & Condo Rougemont a été dessiné par l’architecte et propriétaire Francis Lavoie. Ce dernier affirme avoir collaboré avec la firme de génie Barrette Structurale.
Après vérifications, on apprend que Barrette Structurale a bel et bien apposé le sceau d’ingénieur sur les poutrelles de plancher et les fermes de toit, mais pas sur l’ensemble du projet.
Questionné à ce sujet, M. Lavoie a préféré ne pas commenter. «Vous allez trop loin, trop vite. […]Je vous aviserai en temps et lieu quand j’aurai la décision finale [de la cause de l’effondrement], mais pour l’instant, je ne peux pas vous en parler», se contente-t-il de répondre.
Le responsable du dossier de Maison & Condo Rougemont chez Barrette Structurale, Marc Dubé, précise de son côté que son entreprise s’assure de la qualité de ses propres produits. «Nous sommes responsables de nos produits, mais pas des leurs. Nos fameuses poutrelles, elles reposent sur des murs. Ces murs sont-ils solides? Là est la question», fait-il remarquer.
«C’est très désolant, ça ne devrait pas être acceptable quant à moi», remarque Alain Mousseau, ingénieur chez Calculatec, qui a analysé la situation pour le Journal.
Selon lui, il est fréquent que des ingénieurs soient impliqués dans la fourniture de poutrelles de plancher et de fermes de toit sur les chantiers. Chacun y fait un petit bout, mais il s’inquiète de voir qu’aucun ingénieur ne s’implique sur l’ensemble du projet. «C’est important de voir la cohérence de l’ensemble de l’intégrité du bâtiment.»
Les municipalités peu sévères
Pour démarrer différents projets, les intéressés doivent d’abord obtenir l’autorisation de la municipalité. Le directeur de l’urbanisme de Rougemont, Daniel Sanschagrin, assure qu’une vérification des plans d’implantation et de construction est faite par la municipalité avant de délivrer les permis.
L’ingénieur Alain Mousseau rappelle pourtant que la Loi des ingénieurs stipule que les fondations, la charpente et les systèmes électriques ou mécaniques des édifices dont le coût excède 100 000$ constituent le champ de pratique de l’ingénieur. «La Loi des ingénieurs est assez claire. Un bâtiment qui coûte plus de 100 000$, s’il y a de la structure, ça prend un ingénieur», indique-t-il.
M. Sanschagrin remarque toutefois que la Loi n’a pas suivi la réalité, le montant de 100 000$ étant plutôt dérisoire dans le contexte actuel du marché de l’immobilier. Le directeur de l’urbanisme indique donc porter attention à ce que les poutrelles et les fermes de toit soient inspectées par un ingénieur.
«La loi est un peu désuète dans le sens qu’aujourd’hui, on construit des maisons de 300 000$. À l’époque, quand la loi a été faite, une maison de 100 000$ était quelque chose d’immensément gros. Quelqu’un qui viendrait demander un permis pour la construction d’une maison neuve, si on lui demandait un plan d’ingénieur, il se retournerait de bord et irait probablement construire dans la ville voisine», ajoute-t-il.
Une méthode qui ne convainc pas l’expert Alain Mousseau, même s’il reconnaît que le montant de 100 000$ est désuet. Il rappelle que dans le cas d’un six logements, on parle plutôt d’une valeur de 1,5 M$.
«Idéalement, la municipalité devrait demander à ce qu’on lui fournisse des plans d’ingénieur. Ils se font arnaquer parce qu’on leur fournit le plan d’un toit avec un sceau d’ingénieur, alors ils comprennent qu’il y a un ingénieur sur l’ensemble du projet alors que ce n’est pas le cas du tout», conclut-il.
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