Du papier et du numérique
Depuis la pandémie, la popularité du livre numérique a gagné en croissance, comme en est témoin la bibliothèque municipale de Chambly.
« Depuis deux ans, nous constatons une augmentation des questions concernant les prêts numériques. De plus en plus d’abonnés ont une liseuse ou une tablette afin de lire numériquement. On reçoit même des appels de personnes en vacances, en Floride, par exemple, pour les aider avec les téléchargements. Les abonnés savent qu’un livre peut être disponible de deux façons et ils font généralement des doubles réservations », mentionne la Ville, qui dénote un changement de comportement chez la clientèle. Au 31 décembre 2022, Chambly comptabilisait 14 645 abonnés à sa bibliothèque. En cette même année, 214 742 prêts ont été effectués, dont 21 427 de façon numérique. Aux dires de la Ville, le format numérique ne cannibaliserait pas le format papier. « Les deux semblent se côtoyer et vivre comme alternative l’une de l’autre », mentionne la Municipalité.
« La pandémie a eu des impacts importants sur la fréquentation des bibliothèques publiques », met en reflet de son côté Eve Lagacé, directrice générale de l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ). Les 179 686 prêts de 2021 à la bibliothèque de Chambly, année de pandémie avec certaines restrictions, en témoignent.
Émergence du numérique
De Marque est une compagnie ancrée dans la technologie mise au service de l’avancement de la culture et des connaissances. Son histoire est surtout celle d’une équipe « déterminée à cultiver la relation entre les lecteurs et leurs livres à travers le travail des maisons d’édition, librairies, bibliothèques et écoles ». L’entité communique au journal l’évolution du marché du livre numérique au Québec, entre 2012 et 2022.
De 2008 à 2010, le marché du livre numérique se met en place au Québec : les éditeurs constituent progressivement leur catalogue tandis que les libraires, locaux et internationaux, lancent un à un leur service de vente de livres numériques au Québec et au Canada. À partir de 2010, l’offre de livres numériques s’étoffe considérablement (+ 89 % de livres disponibles entre 2010 et 2011). Les ventes grand public augmentent peu à peu, entre autres par l’intermédiaire de Kobo, d’Apple, d’Amazon et des libraires locaux, tandis que d’autres libraires leur emboîtent le pas.
À la fin de l’année 2011, la plateforme pretnumerique.ca est lancée en collaboration avec Bibliopresto. Elle ouvre la voie à un tout nouveau marché pour les éditeurs : celui des ventes institutionnelles, c’est-à-dire en bibliothèque. Le pic de croissance observé entre 2012 et 2014 (122 %) laisse présager un avenir plus que prometteur au livre numérique et va jusqu’à susciter l’inquiétude : ce nouveau format supplantera-t-il le papier? Après ces années exceptionnelles, le marché connaît une période de stabilisation entre 2014 et 2019 (+15 %).
L’effet pandémique
« C’est sûr qu’il y a eu une croissance pour le livre numérique pendant la pandémie », établit Karine Vachon, directrice générale de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL). Elle nuance toutefois que ça demeure « une part de marché qui reste plutôt faible par rapport au livre papier. C’est plutôt complémentaire comme format ».
L’année 2020 aura été exceptionnelle à tous points de vue pour le livre numérique. La pandémie, et plus particulièrement les deux premières périodes de confinement durant lesquelles les librairies physiques ont été contraintes de fermer durant plusieurs semaines, a pris le monde du livre par surprise. Dans cette situation sans précédent, le livre numérique est apparu comme la solution idéale pour tous ceux souhaitant se procurer des livres rapidement et efficacement. Cette perception nouvelle s’est grandement ressentie dans les chiffres : en 2020, les ventes de livres numériques, tous formats et marchés confondus, ont augmenté de 143 % en unités et de 67 % en montants par rapport à 2019. Cet écart entre le volume et le montant s’explique par les nombreuses promotions organisées par les éditeurs pendant cette période, ainsi que par la popularité soudaine de livres à plus petit prix, notamment en jeunesse. En grand public, le prix moyen, tous formats confondus, passe de 14,70 $ à 10,20 $ en 2020, là aussi en raison de nombreuses promotions mises en place.
Retour à la normalité
2021 et 2022 ont sonné le retour à la normalité. « Après une première année d’adaptation, où de nombreux lecteurs de livres papier se sont tournés vers le numérique, c’est avec beaucoup de curiosité que nous avons entamé l’année 2021 », dit Mathieu Thériault, directeur du marketing chez De Marque. Avec la réouverture des librairies physiques et le retour progressif (bien qu’interrompu à plusieurs reprises) des activités, comment les ventes de livres numériques évolueraient-elles? Les nouvelles habitudes de lecture liées aux confinements se mueraient-elles en pratiques durables? Si l’on s’attache aux chiffres, la réponse est indéniablement oui pour les catalogues des éditeurs québécois : les ventes ont baissé de 38 % en unités, mais seulement de 4,8 % en revenus, et elles restent bien supérieures aux ventes de 2019, comme l’indiquent les 59 % de croissance en revenus entre 2019 et 2021. L’année 2022 semble suivre la même tendance. « Si l’on compare les ventes du 1er janvier au 30 juin 2019 à celles de la même période en 2022, l’on observe une croissance de 69 % en revenus », complète le directeur du marketing.
Malgré l’ascension du numérique, Eve Lagacé, de l’ABPQ ,et Karine Vachon, de l’ANEL, sont à la même page : on ne voit pas le jour de la fin du livre papier. « Après avoir essayé le numérique, des gens nous disent être en amour avec le livre papier : l’odeur, le tenir dans mes mains, l’avoir dans ma bibliothèque, etc. Les livres demeurent des objets culturels et abordables. Ils y sont attachés », met en perspective Mme Vachon.
Que retenir?
-Les ventes de livres numériques et audio québécois s’élèvent à plus de 43 millions de dollars et près de 255 millions d’unités depuis l’éclosion du marché en 2008.
-Le marché institutionnel représente un tiers des ventes totales de livres numériques et audio.
-Les ventes par abonnement représentent actuellement environ 3 % des ventes totales de livres numériques et audio.
-Le format EPUB représente près de 80 % des ventes totales de livres numériques, tous formats confondus, tant en unités qu’en montants.
-Les livres de fiction, et plus particulièrement les romans, dominent les ventes de livres numériques, bien que les ouvrages jeunesse et de non-fiction soient plus présents dans les ventes institutionnelles que dans celles relevant du grand public.
Bibliothèque en chiffres
Au Québec, en 2019, on recensait 1 042 bibliothèques publiques;
96,4 % des Québécoises et Québécois avaient accès à une bibliothèque dans leur municipalité;
283 municipalités n’offraient pas de services de bibliothèque publique à leurs citoyennes et citoyens;
Ce faisant, 3,6 % des Québécoises et Québécois n’avaient pas accès à une bibliothèque dans leur municipalité.