Répercussions de la Loi 19 sur les fermes de la région
Cette année, les agriculteurs de la Montérégie ne pourront pas compter sur leur main-d’œuvre habituelle pour la saison estivale. Depuis le 1er juin, les enfants de moins de 14 ans ne sont plus autorisés à travailler.
La saison estivale commence avec son lot de défis pour les agriculteurs. En plus de devoir faire face aux intempéries météorologiques, ils doivent dire au revoir à certains de leurs employés qui n’ont plus l’âge légal pour travailler au Québec. Bien que peu nombreux, ces jeunes apportaient une aide supplémentaire aux agriculteurs, pour qui trouver de la main-d’œuvre est toujours un défi.
Un été sans jeunes
« Ça faisait une différence dans notre équipe », confie Marielle Farley, cofondatrice du Potager Mont-Rouge. Elle se désole de devoir refuser d’anciens employés qui n’ont pas encore fêté leur 14e anniversaire cette année. Elle espère que ces derniers reviendront l’an prochain, quand ils auront atteint l’âge légal de travail.
Marielle Farley comprend le besoin de devoir règlementer pour éviter les débordements mais soutient que certains jeunes « étaient rendus là ». L’entreprise de Rougemont embauchait des jeunes de 12 ans et demi et 13 ans qui venaient aider à la boutique. Ces jeunes effectuaient quelques heures par semaine au kiosque de vente pour permettre à l’équipe de prendre un moment de repos lors des périodes les plus achalandées.
Hugues Lavoie, propriétaire du Domaine de Lavoie et de la Pommeraie d’Or, engageait quelques jeunes de 13 ans, majoritairement des recommandations de son entourage. Il affirme que ce premier emploi permettait aux jeunes de s’initier au marché du travail. Les agriculteurs interviewés affirment qu’aucun jeune n’effectuait de travail dans les champs.
Pour Stéphane Balagué, propriétaire du Potager du Canal et maraîcher expert en agriculture méditerranéenne, l’adoption de la Loi 19 n’aura pas de répercussions sur la planification de son été. Ne comptant qu’un employé, le maraîcher est autorisé par la loi à employer des jeunes mais préfère ne pas le faire. Il explique son choix par les risques pour la sécurité que comporte le travail aux champs ainsi que les dures journées que vivent les agriculteurs, des conditions qui sont, selon lui, difficiles pour un enfant. Ses enfants continuent toutefois à l’aider ponctuellement dans son travail d’agriculteur, mais ils effectuent uniquement de petites tâches où il n’y a aucun danger. Cela permet de passer du temps en famille tout en effectuant les tâches qui doivent être faites.
Pénurie de main-d’œuvre
Pour Hugues Lavoie, c’est surtout cet automne que la pénurie se fera sentir. La région comportant beaucoup d’entreprises agrotouristiques, le besoin de main-d’œuvre est fort. L’agriculteur mentionne avoir besoin d’employés pour une courte période, de six à huit semaines, ce qui rend le recrutement plus difficile.
Marielle Farley affirme qu’il est difficile de trouver de la main-d’œuvre : « Le travail dans nos champs, c’est difficile. » Stéphane Balagué affirme que c’est un enjeu majeur pour les agriculteurs, peu importe la taille de la ferme.
Quelles solutions?
Comment combler ce manque de main-d’œuvre? Hugues Lavoie affirme que « Ce serait difficile d’en faire plus. Je ne peux pas me dédoubler ».
Les retraités pourraient faire partie de la solution pour combler ce nouveau manque de main-d’œuvre. « On les accueille à bras ouverts! », affirme Marielle Farley. Elle met de l’avant les avantages d’avoir des employés de différents âges dans son équipe, chaque génération apportant ses qualités et ses forces.
De jeunes retraités font déjà partie de l’équipe de Hugues Lavoie, mais ces derniers préfèrent travailler sur les tracteurs et ne souhaitent pas travailler à la boutique. « Ils font ça pour se désennuyer. Si je leur propose des tâches qu’ils ne veulent pas, ils ne viendront pas », affirme l’agriculteur. Il prévoit faire appel à de la parenté pour l’aider.
Le projet de loi 19 en détail
L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le projet de loi 19 visant à encadrer le travail des enfants. Depuis le 1er juin, les enfants de moins de 14 ans ne sont plus autorisés à travailler.
Les enfants âgés entre 14 et 16 ans pourront travailler un maximum de 17 heures durant l’année scolaire et se limiter à dix heures de travail du lundi au vendredi.
Quelques exceptions ont été prévues par la loi. Un enfant de moins de 14 ans pourra travailler s’il occupe l’un des postes suivants :
Créateur ou interprète dans le domaine artistique
Livreur de journaux ou autres publications
Gardien d’enfants
Tuteur ou assistant pour de l’aide aux devoirs
Un enfant de moins de 14 ans pourra aussi travailler dans les conditions suivantes s’il est supervisé par une personne de 18 ans ou plus :
Travailler dans l’entreprise de ses parents si celle-ci compte moins de dix salariés
Être moniteur de camp de jour ou travailler dans un organisme de loisirs
Travailler dans un organisme sportif à but non lucratif
Le seul amendement du projet de loi 19 a été adopté en réponse aux demandes de l’Union des producteurs agricoles (UPA). Les entreprises agricoles de dix employés ou moins peuvent engager un jeune de 12 ans et plus pour effectuer des travaux manuels légers tels que récolter des fruits et légumes, prendre soin des animaux, préparer ou entretenir le sol.
Le projet de loi 19 s’appuie sur les recommandations du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM) concernant le travail des enfants au Québec. Les contrevenants à cette loi devront se soumettre à des amendes salées.